Le président de la République pourrait aussi bien copier le modèle du goleador camerounais dont le départ a permis aux jeunes Lions indomptables de pouvoir s’exprimer librement sur le terrain.
Les Lions Indomptables ont renoué avec la victoire…et de la plus belle des manières. Du coup, ils ont retrouvé de la sympathie auprès des millions de Camerounais qui reluquent leurs performances au quotidien. Le président de la République fait partie d’eux. La preuve, si cette série de victoires dans les stades continuent, il n’est pas exclu que dans ses prochaines déclarations à la Nation, Paul Biya recommence à prendre pour exemple ces jeunes qui se démènent derrière un ballon, pour hisser le drapeau du pays au firmament mondial. En fait, il est normal pour un homme qui dirige un pays de se servir de toute sorte de victoires pour ses causes politiques.
Mais, aujourd’hui, la réalité qui s’impose à tous est que les Lions ont retrouvé de l’envie de gagner et de bien faire après le départ de certaines personnes qui, à tort ou à raison, sont accusées d’avoir longtemps plombé cet entrain, cette hargne, cette volonté de glaner des victoires. Dans certains milieux de la capitale, même les plus feutrés, l’on ne cesse de comparer le « nettoyage » de l’équipe nationale de football à un nécessaire « rajeunissement » de la classe aux affaires depuis des années dans le pays. En effet, le lien est vite fait entre les« vieux » de l’équipe de football, qui ont annoncé successivement leur retraite, et les caciques du pouvoir, qui continuent de s’y accrocher.
Parallèle football/establishment
Pour de nombreux observateurs, ce sont « les vieux de l’équipe qui empêchaient les jeunes de pouvoir s’exprimer ». Et l’analyse n’est pas aussi erronée que cela. En effet, mercredi, on a vu des jeunes complètement débridés, qui se sont lâchés et ont pu montrer leur volonté de conquérir l’adversaire, les adversités. On se rend donc bien compte que la présence de stars au crépuscule de leur carrière internationale comme Samuel Eto’o, Alexandre Song, Jean II Makoun et autres les empêchait justement de se lâcher – du moins quand ils avaient de rares occasions d’être sélectionnés.
Le parallèle est donc fait avec ce qui se passe dans l’establishment. Depuis une trentaine d’années, Paul Biya est au pouvoir, avec un cercle d’amis croûlants, qu’il place ou déplace comme des pions, selon ses intérêts et ses objectifs personnels. L’homme du Renouveau tourne avec les mêmes, indéfiniment, sans donner l’impression de vouloir amorcer un rajeunissement dans le sérail. Ce qui fait que des habitudes se sont installées : gabegie, concussion, trafic d’influence, etc. Et rien n’avance. Autant sur le plan économique que social. On n’a plus de victoires dans ces domaines depuis des lustres, malgré des expressions pompeuses : « Grandes ambitions », « Grandes réalisations », « Emergence », etc.
Pas d’occasion de s’exprimer
Pourtant des jeunes sont là, prêts à servir leur pays avec ardeur, comme on a vu les valeureux Lions mercredi dernier. Mais, Paul Biya et ses « amis » ne leur ont vraiment jamais donné l’occasion de s’exprimer. Et quand bien même on appelle quelques uns aux affaires, ils finissent toujours par buter sur un mur en béton armé, dressé par les caciques, qui les empêchent de travailler et d’apporter des résultats convaincants. N’a-t-on pas vu de jeunes ministres ou directeurs généraux être vite avalés par les habitudes du sérail ? Arrivés aux affaires, ils tentent d’apporter des réformes. Mais, très vite, on leur fait comprendre que «c’est comme ça que nous fonctionnons ici». Leur travail est très vite plombé par un système bien huilé, qui veut que personne n’émerge ou n’ait des idées lumineuses…en dehors du président de la République, l’homme aux «idées éclairées», si l’on s’en tient aux discours de certains, tant dans le gouvernement qu’au Parlement.
A bas donc les jeunes dans le sérail, comme cela se faisait encore il y a quelque temps dans l’équipe nationale de football. Or, notre gouvernement, nos appareils de décision ont besoin de sang neuf, d’une véritable cure de jouvence, de cette vigueur que l’on ne trouve que très rarement chez les personnes de plus de 60 ans. Malheureusement, le président de la République ne voit pas cela de cet œil. Bien au contraire, sa volonté de s’accrocher au pouvoir avec ses affidés a fini par gangréner même le système administratif. Ne voit-on pas souvent, dans certains départements ministériels, des « anciens » mettre des bâtons dans les roues des « jeunots » parce qu’ils sont offusqués de leur nomination ? Quoi qu’il en soit, en partant avec ses amis de l’équipe nationale de football, Samuel Eto’o vient de donner une leçon à Paul Biya : laisser la place aux jeunes qui pourront mieux porter les intérêts du pays.
Alain NOAH AWANA
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