« Pour le noir Africain, les phénomènes paranormaux(…) sont une réalité évidente pour qu’on en pose même le problème de l’existence. Ils font partie intégrante de sa vie. »1 Je partirais ici du regard de Charles Ateba Eyene indiquant qu’on ne peut pas développer un pays avec l’alcool, le tribalisme et la sorcellerie. Que cette mixture explosive soit pourtant le visage d’un des panoramas qu’offre notre société aujourd’hui ne fait l’ombre d’aucun doute. Quelques chiffres et événements nous le montrent bien.
AU SUJET DE L’ALCOOL. Les camerounais en aurait consommé en 2012 l’équivalent d’un fleuve comme le Wouri, soit plus de 600 millions de litres de boissons alcoolisées. Un triste record pour un pays qui rêve d’« émerger » en 2035. La cirrhose de foie, les maux d’estomac, d’œsophage, de pancréas et de nombreux troubles du système nerveux sont quelques conséquences de cet abus de l’alcool orchestré dans notre pays à des fins de contrôle politique. A cela il faut ajouter le nombre d’accidents de voitures causés par les chauffeurs sous influence de l’alcool. Merci au régime qui a libéralisé l’acquisition de la licence d’exploitation des débits d’alcool et à son ignorance de la réglementation en matière de clôture nocturne des points d’approvisionnement.
A PROPOS DU TRIBALISME. Le tribalisme au Cameroun est une affaire institutionnelle. Le Président de la République nomme des ministres qui représentent leurs villages respectifs. Ces supposés « représentant du village » s’y rendent souvent pour fêter leur nomination en remerciant officiellement le Chef de l’État d’avoir « pensé à eux ». Les élus locaux sont généralement des femmes, cousin(e)s, maris ou frères des dignitaires du régime sans que cela ne gêne personne. On beigne ici dans un clientélisme patent qui ne laisse aucune place pour le mérite. Les dernières sorties des « élites » de la Lekié et Sud, la réponse de celle du Nord via le président de l’assemblée nationale ne sont que l’illustration d’une « tribalisation » généralisée de la chose publique dans notre pays. Au lieu que le Chef de l’État siffle la fin de la recréation de façon ferme et définitive, l’homme fort de Yaoundé se pavane dans les rues de Genève en bon jouisseur aux frais du contribuable. En fait l’homme de la recréation permanente peut-il avoir l’autorité morale et politique pour dire à ses concitoyens que la recréation est finie ?
CONCERNANT LE PARANORMAL. Depuis le discours du chef de l’État en Décembre 2013, condamnant l’inertie et l’incapacité de son équipe à produire des résultats concrets malgré les instructions claires et moyens mis à leur disposition (selon lui), il semble que les marabouts, sorciers et exorcistes de la République soient désormais sollicités comme jamais ils ne l’avaient été par le passé. Les uns pour faire disparaitre les noms de certains rivaux sur la liste des futurs ministres, les autres pour vouloir s’éterniser à des postes ministériels qu’ils gèrent depuis une décennie sans résultats visibles. Tout porte à croire que les crimes rituels, à l’exemple de ceux de Mimboman-Yaoundé ces derniers mois, seraient en partie l’œuvre de certains dignitaires prêts à tous pour garder ces postes juteux autour de la mangeoire. On parle même des visites régulières chez nos frères pygmées à Yoko pour acquérir des talismans et faire parler les morts.
En effet l’influence des relations que les africains entretiennent avec leur imaginaire spirituel et les phénomènes dits paranormaux ne sont pas à négliger dans ce contexte. D’ailleurs il est à noter que les pasteurs des églises dites de réveil ont compris la soif de la protection divine (alors qu’une sécurité sociale serait mieux). Et en bons opportunistes d’affaires, ils n’hésitent pas à utiliser des techniques millénaires d’hypnose et de prestidigitation pour extorquer les populations déjà appauvries par un régime autocrate et sans vision ni projet de société. En cela eux mêmes ne manquent jamais de rendre grâce à Paul Biya qui avec sa LOI N°90/053 DU 19 DECEMBRE 1990 sur LIBERTE DASSOCIATION a ouvert intentionnellement la boite de pandores. Les résultats sont sans ambigüité : le peuple camerounais ne fait foule depuis lors que pour les louanges à l’Éternel des armées. On ne s’assemble jamais pour le progrès social mais toujours et uniquement pour le salut de l’âme. Les meetings politiques sont interdits, mais ceux au nom des dieux venus de l’Orient sont les bienvenus. L’opium fonctionne bien, on est tranquille à Etoudi tant que les pasteurs encaisse la dime et roulent pour le régime qui leur a donné cette manne venue de l’assemblée nationale. En l’absence de médecins dans nos hôpitaux (du moins ce qui en tient lieu) le pouvoir politique nous a gratifié de DOCTEUR JESUS ; En l’absence d’ un père de la Nation, Jésus est devenu PAPA GOD…
Pour ma part je dois dire de manière ferme face à cette dérive de notre société que l’Afrique pour sortir de sa crise spirituelle. Pour renaitre culturellement, elle doit prendre la courageuse décision d’encadrer ses populations, de protéger vigoureusement ses peuples contre toute forme de charlatanisme.
Les charlatans qui ne sont pas à confondre avec nos valeureux praticiens de la médecine traditionnelle. Car il faut le préciser, la médecine africaine et la pharmacologie africaine font partie de cet héritage multi millénaire que nous avons intérêt à développer pour faire face aux questions de santé qui sont les nôtres. Avoir le regard toujours rivé vers nos ports et leur lots de bateaux occidentaux pour nous soigner n’offre pas d’avenir à notre contient.
Les questions récurrentes qu’on se poserait sont celles de savoir pourquoi Haïti et le Benin, n’utilisent ils pas les énormes pouvoirs « magiques » qu’on leurs attribue pour éradiquer ne serait-ce que la famine et le paludisme ?
Les courants religieux sachant que le simple mot sorcellerie fait frémir presque tout africain, utilisent la ruse hypnotique et le spectacle qu’offrent les exercices de prestidigitation pour encercler, faire peur et emprisonner nos populations. Ces ruses sont identiques dans une certaine mesure dans tous les courants philosophico-ésotériques qui vendent les promesses de protection, de bonheur et un hypothétique salut de l’âme. Mais à quel prix et pour quels objectifs ?
Lorsqu’on aura compris que la victoire contre l’usage politique de l’imaginaire du paranormal est un pas nécessaire à franchir afin de retrouver le chemin et l’importance de la recherche scientifique et technique, alors l’Afrique se mettra de nouveau sur l’orbite de la guérison. Alors elle pourra de nouveau générer cette énergie culturelle qui permettra aux africains de reprendre l’initiative historique en inventant de nouveau une culture de l’autonomie dans un contexte pourtant de l’interdépendance.
1 De Paul Christian Kiti
Hansestadt Hamburg / Germany
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