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LA SOIF DE CHANGEMENT QUI VIENT DU FASO ET GRONDE DANS TOUTE L’AFRIQUE par Dr Vincent-Sosthène FOUDA

Les révisions constitutionnelles sont devenues monnaie courante à l’Afrique dans son ensemble et sur une carte du continent, il n’apparaît que quelques pays qui font exception ! Dans tous les pays du continent mère de l’humanité, tout le monde reconnaît que de profonds changements sont nécessaires, urgents et inévitables à court terme – y compris les dirigeants…
En ce 28 octobre 2014, le courage des jeunes gens qui se révoltent et luttent au Burkina Faso pour leurs droits politiques et économiques, et finalement pour leur dignité, recueille depuis ce matin l’admiration générale de nombreux internautes et des peuples partout dans le monde entier.

Les changements ont été introduits en Afrique dès les années 2000, changements qui venaient bouleverser un contrat politique entre l’Etat et ses institutions, ceux qui l’incarnent et le peuple. En effet, dès les années 90, les populations africaines dans leur immense majorité, prenant exemple sur le Bénin de Mathieu Kérékou ont choisi de se démocratiser en offrant une porte de sortie honorable et une place honorifique à ceux qui hier les ont dépouillées, ce consensus fut pris sous l’arbre à palabres et cet exercice fut dans la plupart des pays nommé « Conférence Nationale ». Mais petit à petit, de leur propre chef, les présidents ont jugé bon, pour leur propre intérêt de tout chambouler, de lacérer le peuple, de l’humilier, de ne point le consulter, de lui donner la mort sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit.
Le peuple Burkinabè donne en se levant comme un seul homme, le signal que rien n’est plus comme avant, qu’aujourd’hui tout change. Ce peuple donne à la jeunesse africaine la plus nombreuse dans la masse de la population avec les femmes, le plus précieux des biens qui puisse exister : la liberté de s’exprimer, de décider de son devenir !
Les jeunes de Bobo-Dioulasso ont pris le temps de dessoucher la statue du président Blaise Comparé ; la majorité de ces jeunes n’ont pas connu Thomas Sankara mort il y a 27 ans, mais tout au long de la journée ils ont scandé son nom et ont crié « la patrie ou la mort nous vaincrons ». On les voit mobilisés et déterminés. Ils constatent que ce à quoi ils sont parvenus aujourd’hui est certes remarquable, mais loin d’avoir définitivement abouti. Compaoré doit partir ! Beaucoup d’entre eux, sans doute la majorité, comprennent que le régime et le règne de Compaoré sont révolus. Ils se disent que c’est entre leurs mains, au bout de leur énergie que naît le nouveau régime, ils savent aussi qu’il aura du mal à s’instaurer, à prendre racine.
Ils ont été choqués, indignés par la position de Laurent Fabius Ministre des Affaires Etrangères de France qui a perdu une belle occasion de se taire. Les Burkinabè dans la rue l’ont rapidement associé à François Mitterrand dont il fut le premier ministre et qui est aussi considéré comme le véritable instigateur de l’assassinat de Thomas Sankara. Ils savent tous ce qui est arrivé à Norbert Zongo, mais ils savent aussi ce que leur a dit le Prof Joseph Ki-Zerbo, ils ne seront jamais eux-mêmes tant qu’ils passeront la nuit sur la natte de l’autre.
Une culture basée sur la responsabilité redditionnelle ne se fera pas du jour au lendemain, même si 26 députés du Parti de Blaise Compaoré se sont alliés à eux. Le danger permanent est autour d’eux, autour des leaders dont certains peuvent faire défection à tout moment.
Il est déjà évident que la demande d’un vrai changement non superficiel rencontre une résistance qui s’appuie sur une armée, sur les forces de répression de l’homme de la réctification de 1987, sur son parti politique et une communauté internationale plus intéressée que soucieuse de la volonté du peuple. Les manifestations du mardi 28 octobre 2014 en font donc mentir plus d’un pour ce qui est de la détermination de la jeunesse burkinabè à aller jusqu’au bout d’un combat qui semble avoir commencé avec l’assassinat de Thomas Sankara.
À long terme, l’impact de cet « hivernage burkinabè » sera difficile à contenir. En fait, il ne fait aucun doute qu’un des résultats importants de ce qui a commencé avec ce refus de toucher à l’article 37 de la Constitution est déjà la mobilisation : plus d’un million d’hommes et de femmes dans la rue et dans toutes les grandes villes du pays. De nouvelles entreprises de médias en ligne voient déjà le jour et nous espérons que d’autres suivront.
Nous avons tout au long de la journée pu mesurer l’impact des réseaux sociaux sur la mobilisation, la circulation de l’information, la prise de parole virtuelle avec des images réelles. Tout ceci traduit à suffisance le désir grand cette fois de justice et surtout de liberté. L’effet de contagion ne se fera sans doute pas attendre comme ce fut le cas avec les conférences nationales et les modifications des constitutions. Cette fois c’est l’effet inverse ; ce qui se passe au Burkina Faso est suivi par une grande partie de la jeunesse africaine qui semble n’attendre qu’un mot d’ordre, celui de la mobilisation et de la prise en main de son destin. Destin, le mot n’est plus creux ; « vaincre ou mourir » a-t-on entendu ou encore « Tous le monde sont contre le régime de Compaoré ».
Aujourd’hui, en regardant le déboulonnement de la statue de Blaise Compaoré, qui n’a pas pensé à la chute de Saddam Hussein ? Qui n’a pas compris que lorsqu’un régime censure, contrôle l’information, brûle les journalistes, fait contrôler la majorité par une poignée, c’est l’Etat et ses institutions qui en pâtissent ? Que ce sont les droits de l’homme qui s’évanouissent ? Le réveil du peuple est cependant et très souvent brutal et sans appel !
Il ne faut cependant jamais relâcher ses efforts.
En Afrique, les constitutions nationales sont toutes taillées à l’unique dimension de celui qui contrôle le pouvoir central. Les libertés individuelles n’existent que sur
papier, mais dans la pratique de tous les jours, les citoyens sont « des hommes-hindous-de-Calcutta, des hommes-de-Harlem-qui-ne-votent pas ». Ainsi, pour ces leaders autoproclamés, leurs concitoyens ne sont que cet « homme-famine, cet homme-insulte, cet homme-torture » cet homme au final que l’on peut saisir et rouer de coups, tuer comme le fut Norbert Zongo sans avoir de compte à rendre à personne, comme ce fut le cas de Floribert Chebeya au Congo Kinshassa, sans avoir d’excuses à présenter à personne, comme ce fut le cas avec le père Engelbert Mveng au Cameroun. Un continent donc, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, habité essentiellement par cet « homme-juif » et encore ! Cet homme-pogrom, ce chiot, ce mendigot.
Les manifestations du Burkina Faso ont fait exploser un grand mur de contrôle et de répression. Il n’est donc pas exclu que demain les forces de l’ordre se joignent au peuple, qu’elles aident celui-ci à contourner les obstacles qui se dressent face à lui, à trouver rapidement une faille au cœur même du dispositif Compaoré et ainsi embraser toute l’Afrique. L’avenir nous le prouvera sans doute très vite…
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