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LE PROCÈS DE LOUIS-PAUL AUJOULAT par Eugène C. Shema

La colonisation ou la tutelle de la France sur certains pays d’Afrique subsaharienne, dès la fin de la Première guerre mondiale aux indépendances des années 60, est-elle à l’origine de leurs déboires aujourd’hui? Simon Nken, docteur en histoire contemporaine de l’Université de Paris I, Panthéon Sorbonne, pense, comme beaucoup d’ailleurs, que la réponse est «oui!». A travers «L’empreinte suspecte de Louis-Paul Aujoulat sur le Cameroun d’aujourd’hui», publié aux éditions K2Oteurs, l’auteur s’intéresse au cas particulier du Cameroun, à travers la trajectoire d’un homme, susceptible de rendre compte selon lui de la complexité des relations qu’ont toujours entretenues les dirigeants camerounais avec la France.
C’est le précurseur de la «Françafrique», avance même Simon Nken, empruntant la formule de François-Xavier Verschave (qui publia La Françafrique en 1998). C’est donc un ouvrage sans concessions que Simon Nken présente sur le personnage Louis-Paul Aujoulat, ce médecin français qui mit pied au Cameroun dans les années 1935 pour y installer la Fondation Ad-Lucem et qui devint, peu avant l’indépendance, le mentor des leaders politiques qui devaient prendre la tête du pays. S’il est une phrase qui pourrait le mieux décrire la nature de cet ouvrage consacré à Louis-Paul Aujoulat, c’est bien celle de Georges Boniface Nlend, l’auteur de la postface. C’est un «texte consacré à l’exhumation de celui que les Camerounais n’auraient jamais dû enterrer avec les honneurs éternels», avertit-il.

La colonisation ou la tutelle de la France sur certains pays d’Afrique subsaharienne, dès la fin de la Première guerre mondiale aux indépendances des années 60, est-elle à l’origine de leurs déboires aujourd’hui? Simon Nken, docteur en histoire contemporaine de l’Université de Paris I, Panthéon Sorbonne, pense, comme beaucoup d’ailleurs, que la réponse est «oui!». A travers «L’empreinte suspecte de Louis-Paul Aujoulat sur le Cameroun d’aujourd’hui», publié aux éditions K2Oteurs, l’auteur s’intéresse au cas particulier du Cameroun, à travers la trajectoire d’un homme, susceptible de rendre compte selon lui de la complexité des relations qu’ont toujours entretenues les dirigeants camerounais avec la France.
C’est le précurseur de la «Françafrique», avance même Simon Nken, empruntant la formule de François-Xavier Verschave (qui publia La Françafrique en 1998). C’est donc un ouvrage sans concessions que Simon Nken présente sur le personnage Louis-Paul Aujoulat, ce médecin français qui mit pied au Cameroun dans les années 1935 pour y installer la Fondation Ad-Lucem et qui devint, peu avant l’indépendance, le mentor des leaders politiques qui devaient prendre la tête du pays. S’il est une phrase qui pourrait le mieux décrire la nature de cet ouvrage consacré à Louis-Paul Aujoulat, c’est bien celle de Georges Boniface Nlend, l’auteur de la postface. C’est un «texte consacré à l’exhumation de celui que les Camerounais n’auraient jamais dû enterrer avec les honneurs éternels», avertit-il.
«Aujoulat était le cerveau et le cœur de la France au Cameroun. C’est son avis qui comptait en métropole», affirme Simon Nken. Sous la présidence de Louis-Paul Aujoulat, de nombreux camerounais adhérèrent au BDC pour y tirer des dividendes symboliques et pratiques sur leur carrière. L’historien en cite quelques-uns dont l’énumération rallongerait cette note de lecture. Néanmoins nous pouvons mentionner: Ahmadou Ahidjo, ancien chef de l’Etat du Cameroun indépendant de 1960 à 1982 ; André Fouda, ancien ministre de l’Economie et député maire de Yaoundé ; Benoît Bindzi, ambassadeur à l’ONU, ministre de l’Information, ministre des Affaires étrangères, ambassadeur du Cameroun à Washington, etc. «Des bénis-oui-oui», soutient Simon Nken, en empruntant le qualificatif utilisé par Théodore Ateba Yene (écrivain autodidacte, auteur de: «Cameroun, Mémoire d’un colonisé».)
Même André-Marie Mbida, le tout premier Premier ministre du Cameroun (1957-1959) avait milité au sein du BDC. Mais l’histoire de ce dernier est singulière, c’est par un «parricide» qu’il est entré dans l’histoire du Cameroun. En 1954, il se retournera contre son mentor, Louis-Paul Aujoulat, en remportant les élections locales. Il reprochait à Aujoulat dans sa campagne d’être trop européen pour défendre les intérêts du Cameroun. Grace au soutien d’André Marie Mbida, Paul Soppo Priso remportera la présidence de l’Assemblée territoriale du pays. En 1956, Louis-Paus Aujoulat sera encore battu aux élections par André-Marie Mbida avec 18.195 voix contre 64.397 voix pour le second. C’est le meurtre symbolique du maitre et Aujoulat décide de se retirer de la vie politique du Cameroun en retournant en France. Là, le gouvernement le nomme expert à la division de la coopération internationale de la Santé.
En France, explique le docteur en histoire contemporaine, Aujoulat aidait de nombreux camerounais dans le financement de leurs études et une fois rentrés, leur servait des recommandations. Même l’actuel chef de l’Etat, Paul Biya serait concerné. «Boursier du gouvernement, Paul Biya aurait bénéficié de la recommandation de Louis-Paul Aujoulat à son retour au Cameroun», avance Simon Nken. C’est à Paris, en France, que Louis-Paul Aujoulat rendra l’âme le 1er décembre 1973.
Dans une lettre qu’il publiait dans les journaux chaque 13 septembre, en mémoire de Um Nyobe, feu l’écrivain Mongo Beti parlera de la «malédiction aujoulatiste» au Cameroun, critiquant notamment «la constitution (par la France, ndlr) d’une élite dirigeante fantoche ainsi que son destin dramatique sur le destin du Cameroun».
«On aurait presque pu prédire le destin politique éphémère d’André-Marie Mbida», affirme pour sa part Simon Nken.«A l’impétuosité et à l’imprévisibilité qui caractérisent Mbida, le pouvoir colonial préféra viscéralement la docilité, la décence et la fidélité (en la personne d’Ahmadou Ahidjo», précise-t-il.
«Le clientélisme politique; le développement d’une culture de la corruption et du trafic d’influence; la fracture citoyenne qui caractérise la collectivité politique camerounaise; la participation dysfonctionnelle des populations à la collectivité; l’érection structurelle de systèmes prébendiers comme mode de gouvernement; les cooptations de type sectaire; le hold-up sur le pouvoir», sont présentés comme autant de legs de Louis-Paul Aujoulat au Cameroun. Il s’agit en outre, ajoute Simon Nken, de «celui dont la vision et le projet antinationaliste ont causé tant de violences hier et tant d’incertitudes aujourd’hui».
Tout en reconnaissant la richesse de cet ouvrage qui fait une savante articulation des archives pour dresser un portrait iconoclaste de Louis-Paul Aujoulat, il est à souligner néanmoins quelques limites. Le fil des idées du livre trahit la propension idéologique et morale de Simon Nken dont on devine qu’il est partisan et nostalgique du nationalisme à la camerounaise et de l’UPC en particulier.
En plus de la dédicace, adressée à «tous les martyrs du panthéon des oubliés du Cameroun», il n’est pas inutile de relever, pour illustration, que Simon Nken a publié des travaux en 2010 sur l’UPC et Louis-Paul Aujoulat. L’un portait sur un ouvrage: L’UPC : de la solidarité idéologique à la division stratégique; l’autre portait sur un article publié dans la revue canadienne des études africaines: Louis-Paul Aujoulat, figure controversée de la vie politique camerounaise (1935-1956).
On pourrait également reprocher à Simon Nken la simplicité avec laquelle il délègue les déboires du Cameroun à un individu alors qu’en sciences sociales on invite à prendre la distance quant à l’uni-causalité des phénomènes. Sur la forme enfin, le lecteur pourra avoir l’impression de se perdre avec les nombreuses dates sur le parcours de Louis-Paul Aujoulat dont il faut faire un effort pour comprendre comment il assumait en même temps des taches au Cameroun et en France à des périodes similaires.
Ces remarques ne voilent pas le mérite de cet ouvrage qui contribue à démêler l’écheveau de l’histoire coloniale et post-indépendance du Cameroun, dont on s’accorde à dire généralement qu’elle demeure mal connue des Camerounais.

La «malédiction aujoulatiste» sur le Cameroun

«Aujoulat était le cerveau et le cœur de la France au Cameroun. C’est son avis qui comptait en métropole», affirme Simon Nken. Sous la présidence de Louis-Paul Aujoulat, de nombreux camerounais adhérèrent au BDC pour y tirer des dividendes symboliques et pratiques sur leur carrière. L’historien en cite quelques-uns dont l’énumération rallongerait cette note de lecture. Néanmoins nous pouvons mentionner: Ahmadou Ahidjo, ancien chef de l’Etat du Cameroun indépendant de 1960 à 1982 ; André Fouda, ancien ministre de l’Economie et député maire de Yaoundé ; Benoît Bindzi, ambassadeur à l’ONU, ministre de l’Information, ministre des Affaires étrangères, ambassadeur du Cameroun à Washington, etc. «Des bénis-oui-oui», soutient Simon Nken, en empruntant le qualificatif utilisé par Théodore Ateba Yene (écrivain autodidacte, auteur de: «Cameroun, Mémoire d’un colonisé».)
Même André-Marie Mbida, le tout premier Premier ministre du Cameroun (1957-1959) avait milité au sein du BDC. Mais l’histoire de ce dernier est singulière, c’est par un «parricide» qu’il est entré dans l’histoire du Cameroun. En 1954, il se retournera contre son mentor, Louis-Paul Aujoulat, en remportant les élections locales. Il reprochait à Aujoulat dans sa campagne d’être trop européen pour défendre les intérêts du Cameroun. Grace au soutien d’André Marie Mbida, Paul Soppo Priso remportera la présidence de l’Assemblée territoriale du pays. En 1956, Louis-Paus Aujoulat sera encore battu aux élections par André-Marie Mbida avec 18.195 voix contre 64.397 voix pour le second. C’est le meurtre symbolique du maitre et Aujoulat décide de se retirer de la vie politique du Cameroun en retournant en France. Là, le gouvernement le nomme expert à la division de la coopération internationale de la Santé.
En France, explique le docteur en histoire contemporaine, Aujoulat aidait de nombreux camerounais dans le financement de leurs études et une fois rentrés, leur servait des recommandations. Même l’actuel chef de l’Etat, Paul Biya serait concerné. «Boursier du gouvernement, Paul Biya aurait bénéficié de la recommandation de Louis-Paul Aujoulat à son retour au Cameroun», avance Simon Nken. C’est à Paris, en France, que Louis-Paul Aujoulat rendra l’âme le 1er décembre 1973.
Dans une lettre qu’il publiait dans les journaux chaque 13 septembre, en mémoire de Um Nyobe, feu l’écrivain Mongo Beti parlera de la «malédiction aujoulatiste» au Cameroun, critiquant notamment «la constitution (par la France, ndlr) d’une élite dirigeante fantoche ainsi que son destin dramatique sur le destin du Cameroun».
«On aurait presque pu prédire le destin politique éphémère d’André-Marie Mbida», affirme pour sa part Simon Nken.«A l’impétuosité et à l’imprévisibilité qui caractérisent Mbida, le pouvoir colonial préféra viscéralement la docilité, la décence et la fidélité (en la personne d’Ahmadou Ahidjo», précise-t-il.
«Le clientélisme politique; le développement d’une culture de la corruption et du trafic d’influence; la fracture citoyenne qui caractérise la collectivité politique camerounaise; la participation dysfonctionnelle des populations à la collectivité; l’érection structurelle de systèmes prébendiers comme mode de gouvernement; les cooptations de type sectaire; le hold-up sur le pouvoir», sont présentés comme autant de legs de Louis-Paul Aujoulat au Cameroun. Il s’agit en outre, ajoute Simon Nken, de «celui dont la vision et le projet antinationaliste ont causé tant de violences hier et tant d’incertitudes aujourd’hui».
Tout en reconnaissant la richesse de cet ouvrage qui fait une savante articulation des archives pour dresser un portrait iconoclaste de Louis-Paul Aujoulat, il est à souligner néanmoins quelques limites. Le fil des idées du livre trahit la propension idéologique et morale de Simon Nken dont on devine qu’il est partisan et nostalgique du nationalisme à la camerounaise et de l’UPC en particulier.
En plus de la dédicace, adressée à «tous les martyrs du panthéon des oubliés du Cameroun», il n’est pas inutile de relever, pour illustration, que Simon Nken a publié des travaux en 2010 sur l’UPC et Louis-Paul Aujoulat. L’un portait sur un ouvrage: L’UPC : de la solidarité idéologique à la division stratégique; l’autre portait sur un article publié dans la revue canadienne des études africaines: Louis-Paul Aujoulat, figure controversée de la vie politique camerounaise (1935-1956).
On pourrait également reprocher à Simon Nken la simplicité avec laquelle il délègue les déboires du Cameroun à un individu alors qu’en sciences sociales on invite à prendre la distance quant à l’uni-causalité des phénomènes. Sur la forme enfin, le lecteur pourra avoir l’impression de se perdre avec les nombreuses dates sur le parcours de Louis-Paul Aujoulat dont il faut faire un effort pour comprendre comment il assumait en même temps des taches au Cameroun et en France à des périodes similaires.
Ces remarques ne voilent pas le mérite de cet ouvrage qui contribue à démêler l’écheveau de l’histoire coloniale et post-indépendance du Cameroun, dont on s’accorde à dire généralement qu’elle demeure mal connue des Camerounais.
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