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Le fondamentalisme de «Réveil» au Cameroun: une marmite en pleine ébullition par Narcis Bangmo

Le mimétisme sécuritaire observé dans la lutte contre le terrorisme islamique qui continue de faire des victimes, rappelle fort étrangement, l’hyperinflation entretenue autour des paradigmes déterministes, par l’ordre dominant au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le débat de l’ « endogénéisation » des luttes socio-économique et sécuritaire refait surface. Le Cameroun est en guerre contre le Boko Haram, une guerre qui gagne en intensité, faisant oublier, l’existence protéiforme d’un fondamentalisme de « nouvelle naissance », végété par les églises dites de « Réveil ». Ces lieux de culte font autant voir plus de mal, dans de nombreuses familles, tant sur le plan socio-anthropologique que sur le plan économique. L’importance autour des questions sécuritaires et de paix nous amène à questionner la logique de constitution, mieux, la philosophie qui sous-tend l’action des ministres de cultes dans ces églises et l’idéal normatif qui gouverne l’action publique au Cameroun.

 Chacun pourrait se rappeler dans son environnement immédiat ou lointain, d’une connaissance ou d’un familier qui dit « avoir reçu le Seigneur », ou d’ « avoir donné sa vie au Seigneur », pourtant toujours tout entier. On comprend tout de suite qu’il (cette connaissance ou ce familier) fait allusion à une épuration spirituelle fondatrice de la « nouvelle naissance ». La liberté de croyance aidant et le contexte socio-familial, imposent un climat de tolérance et d’acceptation, puisqu’on est dans une approche individuelle apparemment sans coercition. Le problème résiderait ainsi, dans l’évolution comportementale du « nouveau né», qui progressivement s’installe dans une logique de rejet complète d’une vie antérieure y compris de sa famille dite désormais du « monde ».


Cette posture est un signe annonciateur du type de pressions spirituelles qu’auraient subi les personnes mis en cause, dans les lieux de culte et par les tenants de ces lieux. Le reniement tout azimut d’un environnement parfois unique dans lequel on a vécu, est consubstantiel à une culture violente à laquelle les nouveaux convertis n’étaient pas toujours prédestinés. Convaincre les gens qu’on peut vivre comme il y’a deux mille ans, renonçant à tout y compris à ceux qui donnent la vie, pendant qu’on profite par ailleurs et allègrement des plaisirs du même monde, y compris des biens abandonnés par les fidèles, montre le niveau de totalitarisme et de manipulation dont peuvent faire montre ces responsables de culte.

Tout ce qui dépasse l’entendement humain s’achève par la violence : violence (verbale physique, psychologique, symbolique). La violence est un objecteur de la peur. C’est l’expression  d’un essoufflement, d’un étouffement endogène, qui dans la « réveil-sphère » n’a de limite dans l’action solitaire que, l’absence de courage que la présence dans un groupe confère et oppose.

L’idéologie se construit et le caractère se forge par l’endoctrinement, lui-même consubstantiel à la faiblesse de repères généralement conjoncturels. Pourtant, le fondement de la doctrine populo-spirituelle réside dans le rejet des symboles socio-anthropologiques et Républicains, que la peur en tant que renoncement à la violence et non des actions collectives de développement consacre. Voilà pourquoi stratégiquement, elle doit être déconstruite par le prédicateur, pour éloigner les ouilles du vulgaire et du « tout éphémère du Monde ». Le creuset de l’endoctrinement et par ricochet du fondamentalisme de « réveil » réside dans l’unique acceptation de la « Sainte Trinité » comme protecteur et tout- pourvoyeur.

La présence des « Généraux de l’armée du Seigneur » obéit à cette logique. Des concepts de guerre qui montrent très bien l’existence d’un combat bien que spirituel, mais dont les retombées sont éparses en tout point de vue. Les familles se détruisent lentement mais surement. Elles se déconstruisent anthropologiquement dans l’affaiblissement du savoir endogène local. Quand on est Général d’une armée fût-elle du Seigneur,  dans un environnement où « Dieu parle en songe à tout le monde », il n’est pas à exclure que le combat virtuel qui fait déjà beaucoup de ravage connaisse des mues, qui plus est dans un environnement de guerre réelle où les armes circulent aux frontières et dans la partie Nord du Cameroun. Les amateurs du cinéma se souviendront de la série américaine « Following », où des leaders spirituels se sont transformés en chefs de milices sous le couvert des institutions spirituelles salvatrices de citoyens en perte de repères. L’espérance dans un environnement de précarité et de lassitude sans pareil, peut conduire indépendamment des croyances à des actes sans précédent surtout quand celles-ci s’avouent greffées sur des divinités apparentes ou réelles.

Endiguer le fondamentalisme religieux revient à re-questionner la norme dans la formation et le suivi des prédicateurs ainsi que des lieux de culte, comme c’est déjà le cas dans le cadre des religions et des églises dites révélées. Les croyances sont des outils de développement déterminants dans la structuration des politiques soit par l’affermissement de l’espérance dans les actions soit par le divertissement et parfois la distraction des âmes, le temps de l’incubation des politiques implémentées.

Le gain politique que le fondamentalisme de « réveil » ou de « nouvelle naissance » procure aux pouvoirs publics a un corolaire : la systématisation de la violence et la déconstruction-reconstruction socio-familiale qui n’est pas en fin de mutation. Quand un « né de nouveau » quitte sa famille à travers des personnes-liens, il en retrouve une nouvelle où tout le monde est « frère ». Sauf l’endoctrineur qui bien-sûr reste au-dessus de tous, comme leader, pour mieux contrôler l’ensemble à envouter à doses voulues. Les groupes ne sont plus que spirituels ils sont aussi politique avec un cadre normatif qui s’éloigne des lois de la République.

Il revient aussi aux familles de structurer leurs soubassements spirituels, dont la faiblesse fait en premier le lit du prosélytisme en question, bien au-delà des raisons marxistes évoquées pour justifier les départs. Les églises dites de réveil frappent dans les symboles dont l’un des tout premiers évoqués est l’abandon des traditions. Si le dualisme spirituel leur pose problème, c’est parce qu’ils sont convaincus de ce qu’un encrage spirituel fort n’admet que la cohabitation (principal tendon d’Achille de l’endoctrinement) et  exclut indubitablement l’abandon total fille de la « nouvelle naissance ».
Narcis Bangmo
Socio-démographe et éducateur au développement
Louvain-la-Neuve (Belgique)
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