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CHRONIQUE:LA GUERRE SELON MEBE NGO'O par Patrice Nganang

La guerre selon Mebe Ngo’o se gagne avec de la propagande. Devant un ennemi non conventionnel, elle perd, croit-il, selon des mesures conventionnelles, tel par exemple l’occupation du territoire camerounais par Boko Haram. Cela est important à signaler car la guerre selon le ministre camerounais de la défense, a une bien étrange trajectoire. Il suffirait, selon ses calculs, d’une part de jeter une couverture de fer sur les médias camerounais, de barrer l’accès au front à la presse camerounaise autre que la CRTV, et d’autre part de permettre aux médias étrangers de présenter aux étrangers justement, la grandeur des actions du BIR, pour que les cartes soient mises à l’avantage du Cameroun. L’hymne aux victoires du BIR sur des centaines et des centaines de terroristes trouverait ainsi un écho favorable dans une scène publique affamée de nouvelles du front. Le ministère de la communication serait ainsi le substitut le plus nécessaire aux officielles visites de Paul Biya aux soldats au front, à son encouragement aux blessés, ou ses honneurs obligatoires aux soldats camerounais morts pour la patrie. Il suffirait de mettre des journalistes à l’œuvre, de les occuper à des marches de soutien, de mettre en branle des associations de fortune, de sortir de classes et d’obliger des élèves et des écoliers à battre le pavé pour des marches dans ce Cameroun dont les marcheurs sont de manière routinière exécutés par les militaires du BIR, pour faire résonner les bruits d’un patriotisme qui depuis belle lurette a quitté notre pays – depuis le début des grandes ambitions.

   C’est que la guerre selon Mebe Ngo'o se passe surtout à Yaoundé : elle est incantatoire. Il suffit de dire le plus de fois que le Cameroun est le leader de l’Afrique centrale pour qu’il le devienne, quand la centrale de la force multinationale qui devrait faire front à Boko Haram est transportée à Ndjamena ; quand le Cameroun, pour la première fois depuis 1960, se voit incapable de se défendre à tel point que l’Union africaine se trouve obligée de mettre à sa disposition près de 10,000 soldats ! La guerre arrive toujours dans un pays de manière inattendue ; mais elle n’y est jamais que pour quelques jours. Au Cameroun, l’entrée en guerre c’est l’implosion de la seule chose que Paul Biya avait encore comme bilan, et ce pour quoi il y a quelques mois, Thabo Mbeki avait fait le voyage yaoundéen pour le féliciter : la paix. Ah, que le temps est passé où les zélotes de son régime se passaient le mot pour dire que le Cameroun n’est pas la Côte d’ivoire ! Comme si Abidjan avait planifié son entrée en guerre ! Il suffit de lire les récents numéros des journaux de notre pays, pour se rendre compte de la mutation guerrière qui a lieu dans l’espace public. C’est bien une page qui est en train d’être tournée en même temps – celle d’un régime qui a pris notre pays en otage depuis trente-trois ans. C’est la page du ronron satisfait de la Droite qui nous montrait le soleil comme sa fabrication et l’air comme son bilan, parce que l’eau sera devenue entretemps si sale en plein Yaoundé qu’il serait honteux même pour le RDPC, de s’en vanter publiquement.
   La défaite camerounaise, car un pays qui ne peut pas se défendre, et ne peut pas non plus attaquer un ennemi qui, lui n’a rien à défendre, a les dimensions de la honte : les nouvelles de soldats camerounais prenant la fuite, et abandonnant 81 de leurs compatriotes à la mort, selon le bilan dressé par le ministre de la défense lui-même, sont l’image de ce Cameroun qu’aucun de nous n’aurait jamais imaginé. Les camps de refugiés dans lesquels des Camerounais se retrouvent après trente-trois ans de tyrannie, les fosses communes sur le territoire national, le recrutement à la pelle de jeunes dans les forces armées, et dans la police, pour les former rapidement afin de les jeter au front ; que d’images de ce qui avait été inimaginable il y a si peu de temps ! Et pourtant il faut bien se représenter le plus profond de la dégringolade : c’est Mebe Ngo’o, allant à l’hôpital où se trouvent des soldats blessés au front, avec entre ses mains une valise d’argent, dans laquelle il puise des liasses de billets, par paquets de cent mille francs Cfa, et qu’il distribue autour de lui. Se représenter que ces billets, il les donne à des soldats qui ont mis leur vie en jeu pour la république dont il est le ministre, c’est voir l’abîme duquel il faut sauver notre pays, car le ministre de la défense du Cameroun, éperdu, ne se rend même pas compte que ceux qu’il est ainsi en train de corrompre avec l’argent du contribuable, ce sont justement les héros nationaux de ce pays que la guerre contre Boko Haram a produits. Ah, il fallait également que le renouveau jette son opprobre sur la grandeur camerounaise qui en dessous de ses ruines grandissantes palpite. C’est que comme le terrorisme pour Biya est un grand trafic d’otages occidentaux, la guerre selon Mebe Ngo’o, c’est une vaste affaire dont nul n’a le droit d’échapper, encore moins les soldats quand ils ne sont pas morts au front.
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