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Cameroun 2018 : la nécessaire succession de Paul Biya par Jean-Pierre Djemba



La meilleure façon de prévenir le risque de trouble qui plane sérieusement sur le Cameroun tel qu’il est géré depuis trente deux ans, c’est d’abord d’en prendre conscience. C’est ensuite briser la porte de la prison imaginaire dans laquelle nous a enfermé notre déficit réel et non supposé de connaissance. Et c’est enfin, de comprendre que pour la survie et l’avenir de notre pays, il nous faut nous résoudre à tourner structurellement en 2018, la page du renouveau qui s’est ouverte en 1982, alors que personne ne l’attendait et encore plus grave de conséquence, alors que son principal et unique promoteur, ne l’avait objectivement pas préparé. Et une telle prise de conscience a pour première conséquence, la libération de la parole et surtout la transgression de l’omerta que l’on entretien singulièrement au sujet de la succession du président Biya. A ce jour, à notre humble connaissance, il y a trois personnes qui l’ont fait tout récemment à travers des articles qui ont été rendu public par le site camer.be : Achile Assako avec « Cameroun: 2018 est déjà là », Sanders Kamga, « Pourquoi changer de régime et de république, le SDF devrait prendre ses responsabilités », et le sémillant Thierry Amougou dans, « Marche  anti-Boko Haram de Yaoundé, contours d’une image d’Epinal.

On devrait dire à la suite de ce qui précède, Ouf ! Enfin, des gens  qui mettent les pieds dans le plat et nous sortent de notre torpeur. Oui, c’est en effet de torpeur qu’il s’agît. Cet état végétatif qui fait dire ce qui suit au grand écrivain polonais, Ryszard Kapuscinski, dans Ebène, son livre. Cette fabuleuse fresque dans laquelle il décrit les sociétés africaines qu’il a observées à fond, avec un regard pertinent qui n’a rien à envier à celui des meilleurs ethnologues, sociologues et anthropologues : « Les gens qui sombrent dans cet état sont conscients de ce qui va advenir : ils essaient donc de s’installer le plus confortablement possible, dans le meilleur endroit possible. Parfois ils se couchent, parfois ils s’assoient directement par terre, sur une pierre ou à croupetons, ils s’arrêtent de parler. Celui qui est tombé dans cet état est silencieux. Il n’émet aucun son, il est muet comme une tombe. Les muscles se relâchent, la silhouette s’amollit, s’affaisse, se recroqueville, le cou s’immobilise, la tête se fige. L’homme ne regarde pas autour de lui, ne cherche rien du regard. Parfois ses yeux sont mi-clos, mais pas toujours. Ils sont généralement ouverts, mais le regard est absent, sans étincelle... Que se passe-t-il dans leur tête ? Je n’en ai aucune idée. Pensent-ils ? Rêvent-ils ? Evoquent-ils des souvenirs ? Font-ils des plans ? Méditent-ils ? Séjournent-ils dans un autre monde ? Difficile à dire. »
Si tant est que nous en soyons donc hélas là, dans cet état de prostration, que nous qui revenons d’un séjour de plus de trois mois au Cameroun après n’y avoir pas été pendant dix ans, nous pensons en effet pas si éloigné des populations, les libelles de ces trois compatriotes doivent être salués ne serait-ce que parce que, pendant le temps de leurs lectures, ils nous ramènent à ce qui est véritablement déterminant dans l’avenir de l’histoire présente de notre pays, de notre vie réelle en somme, et pendant un laps de temps, nous éloignent des distractions dont nous sommes coutumiers et du football notamment, cet opium du peuple qui semble désormais être notre horizon indépassable. En effet, l’observation de notre pays donne la nette et malsaine impression que oublions que dans quarante-quatre mois seulement, il va se poser constitutionnellement la cruciale question de la succession du président Biya. Un président qui est là depuis 1982 et donc en 2018, sera là depuis trente-cinq ans. Un président qui, du fait de cette durée au pouvoir, un inhabituel bail absolument incompatible avec les us et coutumes du fonctionnement d’une république moderne, logiquement, ne devra plus briguer un autre mandat pour au moins trois raisons : son âge ; la longévité de son pouvoir et les émeutes de 2018 consécutives au tripatouillage de la constitution.

L’âge du président Biya
Le président Biya aura 85 ans en 2018. Un âge suffisamment avancé pour qu’il fasse enfin valoir ses droits à une retraite bien méritée après cinquante six années de loyaux et bons services rendus à ses compatriotes. Je sais que l’on arguera en  nous opposant notamment l’âge des présidents tunisien et zimbabwéen qui certes respectivement, ont pratiquement autant sinon plus de printemps que le chef de l’Etat camerounais. Mais malheureusement à nos objecteurs, nous dirons d’abord, pour souligner la vacuité de tels exemples, qu’il nous faut apprendre à comparer ce qui est comparable et ensuite, aller à l’essentiel qui dans ce cas précis, nous oblige à rappeler que nous ne sommes pas dans un royaume dont Biya serait le monarque de droit divin. Et au sujet de la comparaison entre les présidents Biya qui vient de souffler ses 82 bougies, Béji Caid Essebsi qui a 89 ans et Mugabe 91 ans, nous croyons devoir rappeler que les seuls choses qu’il y a en commun, ce sont la proximité générationnelle d’une part, et le fait d’autre part qu’ils soient tous les trois à la tête de leurs pays respectifs, à savoir, le Cameroun, la Tunisie et le Zimbabwe. Pour tout le reste qui est pourtant l’essentiel en fait, le président camerounais est profondément différent des deux autres. Et que sont donc ses différences en effet ?


Pour le président tunisien par exemple, M. Béji Caid Essebsi qui est né le 29 novembre 1926 et qui a fait ses études juridiques à la faculté de droit de Paris jusqu’en 1950 avant de s’inscrire au tableau du Barreau de Tunis, le fait marquant, le déterminant, ce qui est essentiellement à retenir, bien au-delà du fait que tôt, il ait exercé de hautes responsabilités au service du jeune Etat tunisien, de 1963 jusqu’en 1991, est avant tout le fait qu’il a été militant dès sa prime jeunesse dans les rangs du Néo-Destour, le parti de Habib Bourguiba. Un parti qui en Tunisie, est comparable à l’UPC au Cameroun avec la seule différence que lui, est arrivé au pouvoir d’Etat alors que pour le parti du Mpodol Ruben Um Nyobé, il n’en a jamais été question au Cameroun. Et il nous faut bien insister sur le qualificatif militant de la première heure, cette caractéristique qui bien entendu lui confère des prérogatives supra présidentielles et lui vaut un avantage éthique et idéologique en comparaison avec le président Biya.

Tout ce qui précède et concerne le chef de l’Etat tunisien, est également valable pour président zimbabwéen, Robert Gabriel Mugabe né le 21 février 1924 en Rhodésie du Sud  et qui ne brille pas moins par son curriculum studiorum. En effet, il est diplômé de l'université de Fort Hare en Afrique du Sud où il a étudié l'anglais et l'histoire et cotoyé, s’il vous plaît, Julius Nyerere, le Kwalimu (sage, maître ou libérateur en swahili, je crois) Herbert Chitepo, Robert Sobukwe et Kenneth Kaunda, et, comme si avoir simplement eu le grand honneur de cotoyer tout ce beau et grand monde ne suffisait pas faire de lui un grand homme, il obtient par correspondance une licence en enseignement à l'université d'Afrique du Sud et une licence d'économie à l'université de Londres. Puis, et oui, il enseigne pendant trois ans à Lusaka, capitale de la Rhodésie du Nord, l’actuel Zambie, puis à Accra au Ghana, première colonie d'Afrique ayant accédé à l'indépendance en 1958, où il s'éprend d'une collègue, Sally Hayfron, sa première femme qu'il épouse en 1961 et dont il est veuf. Et comme une cerise sur le gâteau de cet impressionnant et historique background digne des annales, il faut en outre ajouter à ses brillants états de services contenu dans sa biographie un élément encore plus important : M. Robert Gabriel Mugabe est l'un des « pères de l’indépendance » de l’ancienne Rhodésie du Sud car il a été l'ancien chef de guérilla (un maquisard) qui obtint l'établissement de l'actuel Etat du Zimbabwé. En d’autres termes, pour une compréhension de la chose pour les Camerounais, Mugabe et la ZANU-PF, son parti au Zimbabwe, sont exactement la même chose que Ruben Um Nyobé et l’UPC qui auraient gagnés au Cameroun. Encore une fois, ceci donne des droits, fait la différence et donne une légitimation éthique et idéologique même si cela n’exonère pas qu’il faut passer la main, nul n’étant indispensable. Et sur ce dernier point le président Mugabe n’a pas d’excuses car, il a eu suffisamment de temps pour organiser et préparer sa succession dans une perspective patriotique, progressiste et panafricaniste du pouvoir au Zimbabwé.

Après tout ce qui précède donc sur les présidents tunisien et zimbabwéen, revenons-en au président Biya et demandons-nous qui il est donc historiquement parlant ? Pour répondre à cette question, il n’y avait évidemment pas mieux que sa biographie officielle. Nous sommes allés la chercher dans le site internet de la présidence de la république du Cameroun, la meilleure source en ce qui le concerne. Un texte authentique (sur le fond comme sur la forme) que nous publions volontiers in extenso, afin de d’éviter objectivement d’influencer d’une part ceux qui en prendront connaissance et, d’autre part, l’analyse du contenu et les exégèses qui pourraient en découler. Lisez donc et comparez vous-même avant que nous ne nous autorisions un commentaire. Fact is sacred, and comment is free.

Son Excellence Paul BIYA est né le 13 février 1933 à Mvoméka'a dans l'Arrondissement de Meyomessala, Département du Dja-et-Lobo, Région du Sud. Fils de Etienne MVONDO ASSAM et de Anastasie EYENGA ELLE.
S.E. Paul BIYA est le deuxième Chef de l'État du Cameroun. Il a accédé au pouvoir le 06 novembre 1982 après la démission du Président Ahmadou AHIDJO, intervenue le 04 novembre.


Études
C.E.P.E : Juin 1948 (Ecole Catholique de Nden).
Pré-séminaire Saint-Tharcissius à Edéa (1948-1950).
Petit Séminaire d’Akono (1950-1954).
B.E.P.C : juin 1953.
Lycée Général Leclerc (1954-1956).
Baccalauréat 1ère Partie : juin 1955.
Baccalauréat 2ème Partie (Série philosophie) : juin 1956.
Supérieures :
Au Lycée Louis Le Grand de Paris ;
A L'Université de Paris Sorbonne (Faculté de Droit) ;
A L'Institut d'Études Politiques de Paris ;
A L'Institut des Hautes Études d'Outre Mer.
Diplômes 
A l'issue de ses études, il a obtenu les diplômes suivants : 
1960 : Licence en Droit Public ; 
1961 : Diplôme de l'Institut d'Études Politiques de Paris ; 
1962 : Diplôme de l'Institut des Hautes Études d'Outre Mer (IHEOM) ; 
1963 : Diplôme d'Études Supérieures en Droit Public. 
Décorations
Grand Maître des Ordres Nationaux ;
Commandeur de l'Ordre National, de classe exceptionnelle (République Fédérale d'Allemagne);
Commandeur de l'Ordre National (Tunisie) ;
Grand Croix de l'Ordre National du Mérite Sénégalais ;
Grand Officier de la Légion d'Honneur (France);
Great Commander of the Medal of St-George (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord);
Grand Collier de l'Ordre du Ouissam Mohammadi (Royaume du Maroc);
Great Commander of the Order of Nigeria (République Fédérale du Nigeria);
Docteur Honoris Causa de l'Université du Maryland (USA);
Professeur Honoraire de l'Université de Beijing (République Populaire de Chine);
Titulaire de plusieurs décorations de divers autres pays.
Carrière
Octobre 1962
Monsieur Paul BIYA est nommé Chargé de mission à la Présidence de la République dès son retour de Paris.
Janvier 1964
Directeur de Cabinet du Ministre de l'Éducation Nationale, de la jeunesse et de la Culture.
Juillet 1965
Secrétaire Général du Ministère de l'Éducation Nationale, de la Jeunesse et de la Culture.
Décembre 1967
Directeur du Cabinet civil du Président de la République.
Janvier 1968
Tout en gardant le poste de Directeur du Cabinet civil, M. BIYA se voit hissé aux fonctions de Secrétaire Général de la Présidence de la République.
Août 1968
Ministre, Secrétaire Général de la Présidence de la République.
Juin 1970
Ministre d'État, Secrétaire Général de la Présidence de la République.
Juin 1975
Premier Ministre de la République Unie du Cameroun.
Juin 1979
La loi n°79/02 du 29 juin 1979 fait du Premier Ministre le successeur constitutionnel du Président de la République.
06 novembre 1982
M. Paul BIYA prête serment comme Président de la République Unie du Cameroun, le deuxième de l'histoire du pays. Cette cérémonie se déroule au Palais de l'Assemblée Nationale, devant les élus du peuple, suite à la démission, le 4 novembre 1982, du Président Ahmadou AHIDJO. 
Au moment de son accession à la magistrature suprême, Paul BIYA est le 1er Vice-président du Comité Central de l'Union Nationale Camerounaise (UNC) et Membre du Bureau Politique de ce Parti.
Elu Président de la République le 14 Janvier 1984, réélu le 24 avril 1988, le 11 octobre 1992(Première élection présidentielle au suffrage universel direct avec multiplicité de candidatures, au Cameroun), le 11 octobre 1997 et le 10 octobre 2004.
Elu Président de l’Union Nationale Camerounaise : 14 Septembre 1984.
Elu Président du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais après la transformation de l’UNC en RDPC, le 24 mars 1985 à BAMENDA.
En promulguant, le 19 décembre 1990, la loi sur les associations et les partis politiques. M. Paul BIYA a restauré le multipartisme au Cameroun (depuis le 1er septembre 1966, ce pays vivait à l’ère du monopartisme de fait).
A ce jour, plus de 200 partis politiques ont été légalisés. Le RDPC a obtenu la majorité absolue lors des élections législatives de mars 1997, de juin 2002 et de juillet 2007. Malgré ces victoires, le Président de la République a toujours choisi de former des gouvernements d’ouverture.
Quatre partis sont représentés dans le gouvernement : le RDPC, l’UNDP, l’ANDP et le FNSC. 5 partis sont représentés à l’assemblée Nationale : le RDPC, l’UNDP, le SDF, l’UDC et  le MP.
Publications 
Monsieur Paul Biya est l'auteur d'un essai politique, Pour le Libéralisme Communautaire, Éditions Marcel Fabre, Lausanne 1987. 
Cet ouvrage a été traduit en anglais, en allemand et en hébreu. 
Le Chef de l'État y annonce l'avènement du multipartisme (devenu effectif en 1990), après l'étape provisoire du Parti unique. Il explique son option pour le libéralisme économique et l'initiative privée tout en préconisant la solidarité nationale, la répartition équitable des fruits de la croissance, la justice sociale, l'éclosion d'une culture basée sur l'inventivité et la coexistence harmonieuse des valeurs propres aux diverses communautés qui forment la Nation. 
Enfin, il réaffirme la nécessité de moderniser l'État et d'entretenir des relations de coopération avec les autres pays du monde. 
Vie conjugale 
Son Excellence Paul BIYA est marié à Chantal Pulchérie BIYA.


Il est père de trois enfants: Frank BIYA, Paul BIYA Junior et Anastasie Brenda BIYA EYENGA.


Dans la biographie de Paul Biya, nous nous permettrons deux approches. La première est ce qu’il a fait dans sa prime jeunesse, et la deuxième, la manière dont il est arrivé au pouvoir suprême d’Etat. Nos observations se fondent d’une part sur ce que nous dit au sujet de ces deux aspects sa biographie officielle et, d’autre part, ce que nous ont rapporté des personnes qui l’ont connu au temps où il était étudiant en France.
A la différence des deux autres présidents, sur la prime jeunesse du chef de l’Etat camerounais, il n’est nulle part fait mention d’engagement politique et surtout pas d’une quelconque proximité avec l’UPC, comme la rumeur l’avait à un moment laissé entendre. Une rencontre qui aurait pourtant pu et dû avoir lieu car, au moment où le président Biya arrive en France dans les 1956-1960, le mouvement national africain et les questions d’émancipation du continent et des pays du Tiers-monde, sont à leur apogée. Les lieues de résidence et de scolarisation des étudiants africains, le quartier latin, la cité internationale sur le boulevard Jourdan à Paris, la cité universitaire d’Antony en région parisienne où semble d’ailleurs avoir pris ses quartiers pendant un temps, le président Biya, notamment, sont des bastions de luttes. Il n’y était alors question que de décolonisation et d’indépendance. C’est dans cet environnement qu’émergent d’ailleurs des mouvements comme la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) et que se révèlent au grand public, des compatriotes tels que les Abel Eyinga, Mongo Béti, Abolo Gabriel, Ndoh Michel (tous malheureusement aujourd’hui disparus), Woungly-Massaga et bien d’autres encore dont il serait long de citer tous les noms ici.  Et, assez paradoxalement, c’est même plutôt du contraire qu’il est question, s’agissant de Paul Biya puisque, certains auteurs le créditent plutôt d’avoir milité aux cotés des colons pour la poursuite de la tutelle coloniale et contre l’indépendance. Et d’autres, de s’être méthodiquement tenu sagement bien loin de toute la ferveur de l’agitation militante qui caractérisait cette époque. Toutes choses que nous nous gardons par soucis d’objectivité d’affirmer même si, à la fin de ses études en France, au moment de son retour au Cameroun en 1965, le président Biya va bénéficier d’une recommandation de M. Louis-Paul, de triste mémoire, auprès du défunt président Ahmadou Ahidjo qui le nomme en octobre 1962, chargé de missions à la présidence de la République. Ensuite, sur la manière dont il est arrivé au pouvoir, voici ce que dit laconiquement et lapidairement, dans un style plutôt télégraphique, sa biographie : « Juin 1975, Premier Ministre de la République Unie du Cameroun. Juin 1979, la loi n°79/02 du 29 juin 1979 fait du Premier Ministre le successeur constitutionnel du Président de la République.

Le 06 novembre 1982, M. Paul BIYA prête serment comme Président de la République Unie du Cameroun, le deuxième de l'histoire du pays. Cette cérémonie se déroule au Palais de l'Assemblée Nationale, devant les élus du peuple, suite à la démission, le 4 novembre 1982, du Président Ahmadou AHIDJO ».
 
Bien au-delà de leurs cursus universitaires et au regard de ce qui ressort des trois biographies sus-mentionnées, ce qui importe essentiellement dans la comparaison, à notre avis, et qui doit faire la différence, ce sont les états de services militants, les backgrounds politiques respectifs des trois présidents, étant bien entendu que, à M. Béji Caid Essebsi, qui n’est qu’au tout début de sa première année au pouvoir au palais de Carthage, on ne saurait instruire de procès d’une volonté de vouloir s’éterniser au pouvoir. C’est donc uniquement entre les présidents Biya et Mugabe que doit se jouer la partie. Et dans cette perspective donc, derechef, nous disons que vouloir comparer Robert Mugabe avec le président Biya, ne nous semble historiquement donc pas  ni judicieux ni même recevable. En effet, alors que objectivement du fait de ses états de services, le président zimbabwéen, dans la conscience collective africaine, joue dans la catégorie particulière des Ruben Um Nyobé, Kwamé Krumah, Nelson Mandela, Agostinho Neto, Julius Nyerere, Herbert Chitepo, Robert Sobukwe et Kenneth Kaunda, le chef de l’Etat camerounais, qui non seulement, aux dires de ceux qui comme le regretté Abel Eyinga, l’ont bien connu sur les bancs de Sciences Po, n’a jamais milité, et surtout, n’est pas connu pour avoir pris les armes pour la libération du Cameroun. Grâce à la providence et la bonne fortune qui l’accompagnent, il a tout simplement bénéficié de la sollicitude de son prédécesseur, le défunt président Ahmadou Ahidjo, pour accéder à la place qu’il occupe depuis trente deux ans. Par conséquent, il intervient donc à un tout autre niveau qui, ne nous en déplaise hélas, est un niveau inférieur dans l’échelle des valeurs de légitimation politique. De notre point de vue, encore une fois de nouveau, il est donc mal à propos de prendre l’exemple d’un dirigeant comme Robert Gabriel Mugabe, dont la légitimité première se fonde sur l’engagement politique concret et actif (le militantisme) dans la lutte de la libération de son pays et le sang versé de ses compagnons (j’ai justement à ce sujet en mémoire le souvenir de Jason Moyo, l’un de ses compagnons de la première heure, tombé au front les armes à la main), pour justifier la longévité au pouvoir du locataire d’Etoudi. Une longévité qui à l’aune de la dramatique tournure que prennent les évènements de la vie quotidienne de nos compatriotes depuis les trente deux années du règne sans partage du président Biya, se révèle être in fine, un tragique accident de l’histoire contemporaine du Cameroun. Une catastrophe dont de nombreux Camerounais ne s’expliquent toujours pas encore aujourd’hui la cause véritable et l’issue prochaine. Encore une nouvelle fois, dans une perspective historique, il faut comparer les choses qui sont comparables et ne surtout pas perdre de vue que comparaison est loin d’être raison même quand on veut noyer le poisson comme on essayera de le faire au Cameroun à l’orée de 2018.


La longévité du président Biya au pouvoir
Après le développement qui précède et qui nous semblait nécessaire pour la compréhension par tous des nombreux aspects de la problématique dune éventuel candidature de l’actuel locataire du palais d’Etoudi, nous revenons donc à la deuxième raison de notre propos : la longévité au pouvoir du président Paul Biya. En effet, en 2018, le chef de l’Etat camerounais sera au pouvoir depuis trente cinq ans. S’il se faisait reconduire pour un nouveau mandat de sept ans (2018-2025), à la fin du septennat, en 2025, il aura alors passé quarante deux ans au pouvoir et aura quatre-vingt-douze ans d’âge. Raisonnablement, on voit bien que l’hypothèse de sa candidature pour un nouveau bail en 2018, ne tient pas intelligemment la route. Et ceci n’a absolument rien à voir avec son bilan qui, bon ou mauvais ne devra pas entrer en ligne de compte lorsque le problème de sa succession sera réellement mis sur la table, à la fin du septennat en cours. Les questions que l’on devra se poser seront plutôt celles de sa réelle motivation et de ses absences répétées qui dit-on, seraient dû au fait qu’il serait malade et irait régulièrement suivre des soins en Suisse. Une thèse que de nombreux commentateurs ont d’ailleurs repris récemment pour expliquer sa non participation à la marche du 28 février et aux cérémonies rendus à la cinquantaines de soldats tombés au front, puis son départ précipité le lendemain pour l’étranger alors que le pays est en guerre et, surtout, a sur son territoire l’armée tchadienne appelée au secours. Comme le dit à sa façon avec la verve qu’on lui connait Thierry Amougou, l’on commence en effet sérieusement à douter de la capacité et de la volonté du président camerounais non seulement de faire corps avec son peuple, mais surtout de tenir fermement la barre pour donner force et solennité à la conduite d’une guerre dont l’issue pourrait remettre sérieusement en question l’intégrité même de notre pays.

Le déverrouillage de la constitution et les émeutes de 2008 avec sa cohorte de morts

Pour terminer ce texte enfin, dans le cadre de la troisième raison qui est de loin la plus importante, il y a deux choses : la première, les émeutes de février 2008, faisant suite au tripatouillage de la constitution pour la débarrasser du verrou de la limitation des mandats. A ce sujet, il faut dire que la pilule de ces malheureux événements n’est toujours pas passée. Et beaucoup l’ont rappelé le 28 février lors des marches organisées contre Boko Haram au Cameroun et à la place du Trocadéro à Paris. Notamment Robert, le président du Conseil des Camerounais de la Diaspora (CCD). Tenter de jouer le moment venu sur l’inexistence du verrou de la limitation des mandats que l’on a fait sauter serait tout simplement indécent, irresponsable,  anti patriotique et pourrait comporter de grands risques. Et l’on ne saurait passer cet épisode en pertes et profits comme si le résultat pouvait justifier les moyens. Non, le président Biya ne saurait se prévaloir du fait que la constitution déverrouillée dans les conditions que l’on sait avec à la clé, plus d’une centaine de nos compatriotes laissés sur le carreau, lui ouvre désormais un boulevard et le droit à autant de mandats qu’il veut. Tricher c’est tricher. C’est le principe violé qui fait problème même s’il a donné les résultats que l’on sait. Nous savons que encore une fois à Yaoundé, on va se dire : « Be bo dze ». Oui, peut-être n’y aura-t-il rien encore cette fois mais, la question de savoir ce qui est in fine véritablement important pour le RDPC aux affaires, entre d’une part, garder le pouvoir et jouir ad vitam aeternam sans modération, de ses avantages matériels, de ses bienfaits et de ses privilèges, et, d’autre part, créer les réelles conditions matérielles et psychologiques d’une libération, d’une vraie indépendance, d’un développement réel et durable du Cameroun, cette question en effet, continuera inlassablement à raison, non seulement à se poser, mais surtout, à faire planer sur le Cameroun une épée de Damoclès qui pourrait un jour tout engloutir. Pour ceux qui en douteraient, il y a l’exemple des pays voisins. Et, deuxièmement, nous nous contentons de citer de mémoire un aphorisme que chacun peut comprendre : « Tout évolue puis dégénère. Il y a un temps pour toute chose. Le mouvement du pendule se manifeste dans tout. Son balancement à gauche est semblable à son balancement à droite. Le rythme est constant ».  Oui, le moment pour le président Biya est venu de quitter les choses avant qu’elles ne le quittent. Il doit passer la main car, le moment pour le faire est objectivement arrivé pour lui aussi, n’en déplaise à tous ceux qui autour de lui n’envisagent pas une telle éventualité pourtant empreinte de bon sens et, bien qu’elle relève désormais des choses évidentes. Et nous savons bien que tous ceux qui au tour de la mangeoire, freinent des quatre fers pour le statu quo, le font simplement pour des raisons de prévarication qui sont toutes aussi évidentes et qui n’obéissent uniquement qu’à la préservation d’intérêts égoïstes pas toujours d’ailleurs acquis a la régulière. Des intérêts qui n’ont alors, mais alors rien à voir avec le destin collectif des Camerounais.

Nous sommes au regret, même si cela doit faire l’effet réuni des deux bombes atomiques larguées le 6 et 9 août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki, de devoir commencer à rappeler à ces compatriotes qui ont fini par confondre à tort leurs desseins personnels avec le destin collectif du peuple camerounais que, pour tous, le décompte a commencé. Oui, dans 44 mois, nous croyons le 18 octobre 2018, date de la prochaine élection présidentielle au Cameroun si l’on se réfère à la constitution, le nom qui sortira des urnes au bout du processus, ne devra pas être celui du président actuel de notre pays, tout simplement parce qu’il ne se sera pas présenter à l’élection. Qu’on se le dise et, mieux encore, qu’on l’admette sans acrimonie et sans rancune. Pour terminer. Nous exhortons solennellement le peuple camerounais, ce moment venu, de garantir absolument au président Biya, sa sécurité et celle des membres de sa famille. Les hommes passent et le Cameroun demeure.

Jean-Pierre Djemba, Militant de l’UPC depuis 1975, Fidèle collaborateur du Cdt Kissamba depuis 1989,Membre de son Secrétariat Particulier (SPK)

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