A lire la presse française et internationale, l'Afrique demeure encore aujourd'hui aux mains des dictatures les plus féroces. Chaque jour, les médias et le monde politique s'indignent face à une presse bafouée, une liberté d'expression muselée, une justice indépendante inexistante, une société civile menacée, un processus électoral truqué, corrompu, et une volonté politique qui chercherait encore et toujours à affaiblir le peuple afin de permettre aux despotes à toques de continuer de garder les rennes du pouvoir.
A l'appui de cette petite musique, des épisodes ponctuels repris ça et là : coups d'états, menaces de journalistes, arrestations d'opposants, survenus dans tel ou tel pays, venant ainsi illustrer et nourrir une image qui ne finit plus de définir dans l'inconscient collectif occidental une Afrique qui aurait donc du mal à avancer et se sortir d'un schéma totalitaire écrasant.
Toutes ces condamnations politico-médiatiques à l'égard d'une partie de l'actualité africaine sont certes justifiées et nécessaires mais il en résulte une diapositive globale et faussée de ce qu'est aujourd'hui ce continent, généralisant des situations critiques propres à certains États et ignorant les avancées, pourtant remarquables, d'autres en matière de transition démocratique. Car l'Afrique progresse et se défait peu à peu de l'emprise de ses dictateurs pour aller vers des démocraties multipartites, respectant la voix des citoyens concernés. C'est le cas notamment au Cap-Vert, au Botswana ou encore au Ghana.
Malgré une décolonisation compliquée, la démocratie est parvenue à s'installer peu à peu au Ghana pour in fine devenir essentielle à la stabilité du pays. En une vingtaine d'années, le Ghana a déjà connu six scrutins multipartites et expérimenté deux alternances au pouvoir. « Les Ghanéens sont fiers et conscients de leur maturité politique et se voient comme un véritable modèle pour la région », explique Ruby Sandhu-Rojon, coordinatrice des Nations unies à Accra, la capitale ghanéenne.
Le Cap-Vert, le Botswana et le Ghana sont à l'image d'autres pays africains où le leadership est soumis à l'examen, où l'on retrouve des institutions indépendantes solides et où les ressources inhérentes aux pays sont partagées au profit de l'ensemble des citoyens. Des États de droit qui sont révélateurs d'une Afrique qui mute et se pare des artifices démocratiques dont se vante l'Occident dès qu'il y a matière à critiquer l'action abusive de certains gouvernements africains.
En 2016, pas moins de cinq Etats membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), organiseront des élections présidentielles libres et transparentes, qui devraient se dérouler dans un climat de paix et consolider un peu plus l'esprit démocratique qui anime cet espace communautaire. Des élections auront également lieu au Congo après que le gouvernement dirigé par Denis Sassous N'Guesso a tenu un referendum visant à changer la Constitution et renforcer le modèle démocratique du pays.
Le référendum qui dérange
Le 25 octobre dernier, les citoyens congolais ont été invités à se rendre aux urnes afin de voter lors d'un référendum qui avait pour sujet le changement de la Constitution. 92 % des votants se sont prononcés en faveur d'une modification de la Constitution, avec un taux de participation de 76 %. Un plébiscite donc, qui avait pour enjeux deux points essentiels, à savoir le passage d'un mandat présidentiel de sept à cinq ans et la fin de la limite d'âge, aujourd'hui fixée à 70 ans, pour pouvoir briguer la présidence du pays.
Du point de vue de l'opposition et de la presse étrangère, cette initiative n'aurait été qu'une manœuvre politicienne pour permettre au président en place Denis Sassou N'Guesso de prétendre à un troisième mandat. Âgé de 72 ans et déjà élu à la tête du pays en 2002 et 2009, Sassou N'Guesso aurait ainsi du laisser sa place au terme des prochaines élections. Changement de programme, et même si sa volonté de se porter à nouveau candidat est loin d'être confirmée, cette possibilité lui est désormais ouverte.
Il n'en fallait pas plus pour que certains y voient là un appareillage maléfique censé donner les moyens à Sassou N'Guesso de renforcer son emprise sur le pays là où le président actuel présente cette mesure comme une manière de conduire le Congo vers davantage de démocratie.
Quoi de plus démocratique après tout qu'un référendum, qui plus est lorsque l'issue est respectée à la lettre ? La Constitution actuelle du Congo a été votée en 2002, au sortir d'une guerre civile ravageuse. Le texte en l'état devait permettre au pays d'installer la paix sur son territoire et de se reconstruire. Maintenant que le Congo est une nation en paix, il est judicieux et nécessaire de passer d'un régime présidentiel à un régime semi-parlementaire et doter un Premier ministre de responsabilités jusque là réservées au Président. Conserver un régime ultra présidentiel nuirait inévitablement à la démocratie congolaise.
Aujourd'hui, le Congo a besoin d'une Constitution en adéquation avec ses ambitions démocratiques, qui garantisse au gouvernement en place les ressources nécessaires pour assurer la stabilité du pays. Les changements votés par référendum démontrent la confiance du peuple congolais envers ses responsables politiques, n'en déplaisent aux détracteurs occidentaux qui ne voient là que manipulation et enfumage politique.
La France voudrait une Afrique à son image, afin de pouvoir considérer ses États comme de véritables démocraties. C'est pourtant faire preuve de paresse intellectuelle et ne pas vouloir constater les progrès réalisés par un continent qui va à son rythme et n'a pas l'avance de certaines grandes nations occidentales en termes de démocratie. Cette transition, que l'Occident a pourtant du mal à accepter, englué dans des perceptions post-colonialistes, est pourtant bel et bien en marche.
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