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Dans le circuit du blanchiment d'argent au Cameroun par Eitel Elessa Mbassi

Officiers de police judiciaire du Tribunal criminel spécial (Tcs), de la Gendarmerie nationale et de la délégation générale à la Sûreté nationale, juges d'instruction près le Tcs, avocats généraux (magistrats du parquet du Tcs), procureurs des Tribunaux de grande instance, inspecteurs d' Etat du Contrôle supérieur de l'Etat, cadre de l'Agence nationale d'investigation financière (Anif) et de la Commission nationale anti-corruption (Conac) étaient réunis à Yaoundé pendant une semaine (du 17 au 21 mars 2014). La rencontre a porté sur le blanchiment d'argent et l'objectif des travaux était de recycler ces personnes aux techniques appliquées dans les enquêtes financières. 

L'initiative du Groupement d'action contre le blanchiment d'argent en Afrique centrale (Gabac), survient au moment où les autorités politiques camerounaises disent vouloir «apporter plus d'efficacité et de rapidité dans la répression des infractions contre la fortune publique et d'éradiquer les lenteurs et les dysfonctionnements observés». 



En effet, au Cameroun, la forme la plus répandue de blanchiment d'argent s'observe davantage à travers les détournements de deniers publics. D'où la présence des autorités policières et judiciaires en charge de l'opération Epervier. Mais au juste, comment blanchit-on l'argent au Cameroun? 

Le modus operandi de la fraude comporte, entre autres: les encaissements frauduleux (qui ne laissent aucune trace dans le système comptable) difficiles à détecter, les déboursés frauduleux (irrégularités dans les soumissions et appels d'offres), la surfacturation, les fraudes salariales, les remboursements multiples, la surévaluation des dépenses. Quelques procédés les plus courants: 


Blanchiment par des placements financiers 

Selon l'Anif, c'est I'une des techniques les plus utilisées au Cameroun, notamment pour des fonds issus de la corruption. Dans ce cas, la complicité des employés de la banque afin de faciliter l'intégration des fonds incriminés est nécessaire. Les délinquants financiers souscrivent ainsi des bons de caisse (où d'autres titres publics, bons du trésor, obligations du trésor) émis par les établissements de crédit pour dissimuler des fortunes amassées illégalement. Ces fonds sont réinjectés dans le circuit au bout d’un certain temps, sans qu'on puisse justifier leur origine. 


Blanchiment par des investissements immobiliers et utilisation des sociétés écran 

Dans la plupart des cas, les fonds acquis illicitement, notamment ceux de la corruption et des trafics qui sont généralement en cash, sont directement investis dans l'appropriation d'imposants patrimoines fonciers et l'édification des immeubles de valeurs astronomiques. Les prête-noms et les hommes de paille sont aussi couramment utilisés dans ce cas. Ces biens immobiliers sont généralement affectés au patrimoine de sociétés civiles immobilières, qui ne sont que des sociétés écran gérées par des hommes de main. 

Dans ce cas, les établissements commerciaux, comme les quincailleries, sont largement mis à contribution. Au cours des années 2003 à 2006, un fonctionnaire indélicat extorque près de 2 milliards Fcfa aux usagers publics. Pour ne pas éveiller la vigilance des services de contrôle, cet argent n'est pas placé dans une banque. Les sommes ainsi acquises sont directement versées aux quincailleries et des matériaux de construction y sont retirés en contrepartie. Il bâtit ainsi, en trois ans, quatre immeubles imposants et crée une Société civile immobilière gérée par son épouse qui utilise son nom de jeune fille à cet effet, avec pour actionnaire les noms de ses neveux encore mineurs. 

Ainsi, la propriété de ces immeubles est rétrocédée à la Société civile immobilière qui en assure la gestion et reverse les dividendes aux actionnaires. Il n'existe par conséquent aucun lien apparent entre ces immeubles et Monsieur X. 


Blanchiment par des transferts des fonds à l'étranger et investissement direct 

C'est la technique la plus utilisée pour blanchir les fonds issus des détournements de deniers publics. Le but de la manœuvre étant de sécuriser les fonds hors du pays pour complexifier les recouvrements éventuels de l'Etat. Les capitaux ainsi transférés sont placés dans les établissements financiers ou investis dans l'immobilier, les titres de capital et de créances. 

Blanchiment par prise de participation à l'actionnariat de grandes sociétés 

L'autre méthode de blanchiment couramment utilisée au Cameroun est la prise de participation au capital des sociétés, soit directement, soit par l'utilisation des prête-noms. Cette technique a l'avantage de couvrir les actionnaires sous le sceau de l'anonymat des titres de capital (actions). Par ailleurs, c'est une technique propice à l'utilisation des hommes de paille et de prête-noms. 

C'est l'exemple de Monsieur X qui est propriétaire d'un établissement commercial qui lui sert de couverture, se déclarant ainsi commerçant. Mais son activité principale est le trafic d'œuvres d'art à travers un réseau qui vole les pièces originales à l'Ouest du Cameroun et les exporte frauduleusement vers l'Europe. Une activité qui lui rapporte des centaines de millions de Fcfa. 


Blanchiment par de faux gains aux jeux 

Le secteur des jeux de hasard est aussi un domaine par excellence de blanchiment au Cameroun, selon l'Anif. Il s'agit ici de faux gains de jeux qui sont réinjectés dans le circuit formel pour brouiller la piste des enquêteurs sur les crimes commis par les délinquants en amont. Dans la pratique, c'est par exemple le cas d'un groupe de dix expatriés arrivés au Cameroun avec 506 millions Fcfa, fruit d'une escroquerie dans un pays voisin. 

Ils s'engagent à blanchir cet argent pour le renvoyer dans leur pays d'origine pour investissement direct dans l'économie formelle. A cet effet, ils répartissent ces fonds en dix parts, se rendent régulièrement dans des casinos de la place et achètent des jetons pour des montants équivalents à la somme à blanchir pour la soirée. Après quelques heures, ils remettent les jetons au gérant du casino comme gain et exigent un chèque, qu'ils déposent le lendemain dans un compte ouvert dans une banque au nom de l'un d'entre eux, avec parfois la complicité des gérants des casinos. Ces fonds sont transférés progressivement vers un autre compte ouvert dans le pays d'origine, au nom d'une société écran ayant pour actionnaire les dix complices.
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