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[ACTE I]:DÉBAT SUR LE CAMEROUN ENTRE CAMEROUNAIS... LE PIRE SERAIT-IL DEVANT NOUS ? par Thierry AMOUGOU

Le pire du pays n’est-il pas devant nous une fois que ceux qu’ont dits éclairés éclairent moins « la caverne » qu’ils ne la plongent dans l’obscurité la plus totale à cause d’une pensée plus à l’aise dans l’invective, le narcissisme et l’auto-plagiat que dans l’argumentation pour une politique juste et du juste ? Que traduit politiquement le surgissement de la problématique du héros dans l’espace public Camerounais ? Quels en sont les dangers par rapport à l’idéal démocratique ? Le débat sur les populismes fait-il sens dans le Cameroun actuel ? Pourquoi après la motion de soutien à la dictature, l’élite camerounaise de l’intelligence invente maintenant la potion d’injures et la guerre ethnique comme horizon indépassable du politique ?

L’espace public camerounais s’est internationalisé comme jamais avant la révolution du signe. Sa structure s’est étendue autant qu’elle s’est complexifiée à travers diverses connexions entre Camerounais, puis entre Camerounais et le reste du monde via une panoplie de supports d’échanges d’opinions. Opinions qui structurent le débat public, une dimension fondamentale de la vie politique d’un pays. Même si, d’après Pierre Bourdieu, l’opinion publique n’existe pas, l’espace public, matériel ou non, national ou international, est un lieu où, mis en interlocution, différents acteurs privés et/ou publics, individuels et/ou collectifs, produisent le bien public qu’est l’information, résultante de différentes façons de faire et de dire la polis, au sens de communauté politique. A notre avis, l’opinion publique est le prêt-à-penser et la pensée prête construits par les acteurs politiques, économiques, intellectuels, sociaux et culturels qui dominent l’espace public de façon simultanée ou intermittente. C’est d’ailleurs pourquoi Kant souhaitait que les plus cultivés éduquent les citoyens ordinaires afin qu’ils puissent aussi contribuer à l’opinion publique et éviter, comme le pensait Rousseau, que l’opinion publique soit toujours l’opinion d’autrui. Nous devons donc tous contribuer à la formation de cette opinion publique, citoyens que nous sommes, non seulement pour éviter d’être des adeptes de « la politique du perroquet » qui revient à répéter ce que disent et pensent les autres, mais pour apporter notre pierre à son édification et, ainsi, participer à la vie des idées dans le pays.
Mais, alors qu’à l’instar des échanges épistolaires entre Jean-Jacques Rousseau et Voltaire, la vie intellectuelle mondiale regorge d’exemples de correspondances historiques entre grands esprits dont l’élégance dans l’expression, la courtoisie dans l’approche, le tact dans la critique et la solidité de l’argumentation continuent d’éduquer des générations actuelles d’hommes et de femmes à travers le monde, il est peu probable que les échanges enregistrées dans l’espace public camerounais ces derniers temps puissent se targuer de pouvoir en faire autant pour les générations futures ni du point de vue de l’élégance de l’exercice épistolaire, ni de celui de l’argumentation sereine parce que solide, et encore moins du point de vue de l’honnêteté intellectuelle, qualité première de tant de brillants esprits mondialement connus.
Un examen du débat qui s’est développé depuis la série de décès d’hommes publics qui frappe le Cameroun ces derniers temps, met en évidence une mise en avant de la question du héros. Cependant, au moment où le débat autour de l’œuvre des disparus s’abîme dans un cul-de-sac discursif étant donné l’impossible universalité et unanimité des critères de classement des hommes en héros, statut qui implique toujours de la subjectivité partisane ou oppositionnelle dans l’histoire de l’humanité, il nous semble au moins autant urgent d’esquisser des réponses aux questions suivantes :
Que traduit politiquement le surgissement de cette problématique du héros dans l’espace public Camerounais ? Quels en sont les dangers par rapport à l’idéal démocratique ? Le débat
sur le populisme de gauche versus le populisme de droite fait-il sens dans le Cameroun actuel ? Quelle autre pathologie camerounaise cache ce débat entre les populismes au 21ème siècle ? Pourquoi, après la motion de soutien à la dictature, l’élite camerounaise de l’intelligence invente maintenant la potion d’injures entre ses membres ? Le pire du pays n’est-il pas devant nous une fois que ceux qu’ont dits éclairés éclairent moins « la caverne » qu’ils ne la plongent dans l’obscurité la plus totale à cause d’une pensée plus à l’aise dans l’invective, le narcissisme et l’auto-plagiat que dans l’argumentation d’une politique juste et du juste ?
* Ateba Eyene, Abel Eyinga et Lapiro : que traduit le surgissement de la problématique du héros au sein de l’espace public Camerounais ?
Sur le plan politique et en dehors de quelques exceptions qui confirment la règle, les Camerounais ne connaissent d’alternative politique que traumatique, c'est-à-dire conjuguée de façon mémorielle autour de l’éradication des leaders historiques de l’UCP, principale force inspiratrice de la révolte populaire contre la domination coloniale dans son histoire politique. De leur vivant, Um Nyobè et ses pairs n’ont jamais été, en dehors de la survivance atavique de leur projet de société, des vainqueurs du jeu politique camerounais. Ils sont nos héros parce qu’ils sont morts avec leurs idées alors qu’ils auraient pu, comme plusieurs de leurs camarades de route, choisir de collaborer avec le régime vainqueur au sens politique de ce terme. Ils font autorité comme héros camerounais et africains non seulement parce que l’histoire a révélé la justesse, le bien fondé et la puissance humaniste de leur combat, mais aussi parce que, désormais, sans contraintes et sans forces coercitives ou paillettes externes, les Camerounais et les Africains sont convaincus qu’ils avaient, du moins théoriquement, un projet d’indépendance plus souverainiste et moins inégalitaire que celui de leurs adversaires politiques. Cela n’enlève cependant rien au fait que la conscience politique camerounaise ait retenu que nos héros, du moins sur le plan de la real politik, sont des compatriotes vaincus politiquement et morts parce que vaincus politiquement. En conséquence, la première chose qui explique la résurgence de la problématique du héros dans l’espace public camerounais suite aux décès évoqués est que « les grands hommes » de son histoire politique sont des figures de la défaite politique, des figures disparues. Choses que nous aimons célébrer et en être les hérauts étant donné que de leur vivant nous ne mettons jamais notre énergie, notre verve et notre engagement à leur service. Nous ne descendons jamais en masse dans la rue avec eux pour soutenir leurs actions pour la victoire sur terre de politiques alternatives. Hier comme aujourd’hui, nous sommes des égocentriques lorsque nos compatriotes sont en vie et devenons des adeptes d’un altruisme politique égoïstes et opportuniste une fois qu’ils passent de vie à trépas.
Par ailleurs, il faut garder présent à l’esprit que la conjoncture historique est ce qui révèle l’homme d’exception. Autrement dit, c’est l’histoire qui offre aux hommes et aux femmes des problématiques de combat grâce auxquelles ces hommes et ces femmes se révèlent en faisant en retour de ces conjonctures de grandes époques historiques. A titre d’exemple, le Général de Gaulle restera unique pour la France autant que son œuvre de résistance grâce bien sûr à son courage exceptionnel, mais aussi parce que Pétain et l’occupation allemande ont servi de catalyseurs à l’explosion exceptionnelle de son talent hors du commun. C’est la même interaction réciproque entre conjoncture historique et hommes d’exception que l’on retrouve au Cameroun entre Um Nyobè, ses camarades et les luttes d’indépendances. A l’instar de Mandela ou de Mohammed Ali, ces hommes-là, sans faire l’unanimité, sont exceptionnels pas uniquement grâce à une conjoncture historique précise, mais surtout parce que celle-ci leur aura permis de montrer qu’ils étaient au-dessus du lot parce qu’ayant trouvé ce pourquoi ils sont prêts à se sacrifier. Si l’excellence du commandement colonial dans la domination a fait d’Um Nyobè quelqu’un qui se devait d’être excellent dans la résistance, la médiocrité
généralisée du « Biyaïsme » est aussi l’élément conjoncturel qui, au lieu de catalyser les forces d’opposition excellentes, en génère de médiocres.
Il va donc sans dire, dans le cas du Cameroun actuel, que le pays, englué dans la médiocrité d’un régime tyrannique parce qu’esclave de l’assouvissement des désirs de son élite dirigeante, traverse une conjoncture historique médiocre qui ne peut produire que des héros médiocres qu’elle mérite : le « Biyaïsme » a les héros qu’il mérite car la médiocrité du système fait aussi la médiocrité de ses héros. A titre d’exemples, c’est au sein de ce système et grâce à lui qu’un ministre qui ne pille pas l’Etat, un étudiant qui n’a pas de faux diplômes, un policier qui ne raquette pas et un haut fonctionnaire qui ne devient pas milliardaires sont pratiquement des héros !
En conséquence, Charles Ateba Eyene, Abel Eyinga et Lapiro de Mbanga sont des produits sociopolitiques dérivés d’un régime médiocre qui ne méritent pas mieux comme figures du héros par rapport à lui. Et les échanges entre intellectuels au sein de l’espace public camerounais par rapport au statut de ces figures disparues confirment cela au sens où leur teneur est moins la conséquence de la faible qualité des hommes en débat, que le résultat d’une conjoncture historique médiocre qui produit des débats médiocres et plonge dans les abysses de la bêtises des esprits contaminés par la médiocrité ambiante. Le défi à relever en pareilles circonstances n’est pas de donner raison au système en place via des débats qui font de nous ses névrosés, mais de sortir de la faillite de la raison qui constitue toujours le fondement de l’enfer en faisant des intelligences la lie de la société.
Une troisième raison explique le surgissement de la problématique du héros au sein de la société camerounaise après les morts d’Ateba Eyene, d’Abel Eyinga et de Lapiro de Mbanga. Cette raison est liée à l’horreur que la nature a du vide.
En effet, le vide, depuis 1960, de résultats conséquents et décisifs en matière de développement humain, de développement social, de développement politique et de développement économique, entraîne, couplée à la faillite institutionnelle subséquente, la naissance dans l’imaginaire populaire d’un besoin ardent d’hommes providentiels. Autrement dit, puisque ce sont des hommes (Ahidjo et Biya) qui ont fait du pays ce qu’il est devenu, le peuple camerounais pense, par effet mimétique, que ce sont aussi des hommes, que dis-je des héros qui se définissent en contradiction à Biya et à Ahidjo, qui pourront mener le Cameroun dans une voie différente. Dès lors, l’effervescence populaire spontanée et/ou organisée induite par les décès de Charles Ateba Eyene et de Lapiro de Mbanga n’est que l’exutoire, faute de mieux, de ce désir ardent d’hommes providentiels.
Pourtant, et il faut se le dire une fois pour toute, le besoin ardent de héros dans une société ou dans une conjoncture historique, est toujours le signe d’une faillite du politique car c’est la preuve qu’il n’a pas réussi à faire coexister pour un avenir meilleur des hommes et des femmes qui ne pensent pas la même chose. Autant, malgré des référentiels différents, Um Nyobè, Mandela, Che Guevara, le Christ, le Général De gaulle et j’en passe sont des héros pour certains, autant ils sont tous des conséquences d’un échec du politique. Autant Ateba Eyene, Abel Eyinga et Lapiro sont des héros que mérite le Renouveau National, autant leurs vies et leurs morts sont aussi les résultats des échecs politiques du Renouveau National. N’oublions jamais que là où le politique fait son travail avec excellence, c'est-à-dire en usant de la concertation, de la démocratie, de la tolérance, de la participation, de la justice et de la médiation comme méthodes de construction d’un Etat de droit prospère, le héros n’a pas sa place : il ne sert à rien car rien n’exige sa présence, il n’est pas rêvé car un tel rêve n’a pas de fondements tangibles à son émergence. Que traduisent donc la tourbe et la raque nauséabondes dans laquelle se vautre le débat entre intellectuels camerounais autour de la problématique du héros si ce n’est un autre échec. Celui de la raison censée nous sauver mais incapable de penser le juste et les conditions de possibilités de sa politique sans que ceux qui débattent ne rêvent en sourdine d’être des héros du Cameroun et du peuple camerounais.
Comment allons-nous faire jaillir la vérité et le juste pour notre pays si nos autorités dans nos domaines respectifs cherchent plus à s’autodétruire qu’à se questionner sereinement afin de se pousser mutuellement vers la lumière de la vérité et du juste ?
L’acte II, de cette réflexion va suivre. Il répondra aux questions suivantes : quels sont les dangers du rêve du héros par rapport à l’idéal démocratique ? Le débat sur les populismes fait-il sens dans le Cameroun actuel ? Pourquoi après la motion de soutien à la dictature l’élite camerounaise de l’intelligence invente maintenant la potion d’injures et la guerre ethnique comme horizon indépassable du politique ?
Thierry AMOUGOU, Fondateur et Animateur du CRESPOL, Cercle de Réflexions Economiques, Sociales et Politiques. Cercle_crespol@yahoo.fr
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