Décédé le 30 novembre 1989, exactement vingt-cinq ans comme
le premier président de la république du Cameroun quittait si soudainement des
liens terrestres à Dakar, terre d’asile pour pénétrer le secret surréaliste du
mystère de la vie. C’était des suites d’une crise cardiaque dit-on. Ahmadou
Ahidjo quittait ainsi dans le silence et l’indifférence des autorités
camerounaises. Mais, dans la dignité. Avec l’affection de sa famille et de
quelques rares amis dont Emile Derlin Zinzou, ancien président du Dahomey
(actuel Bénin). Dans l’oraison funèbre prononcée par ce dernier et tirées des
archives sonores de RFI, certaines phrases méritent d’être revisitées
« Ahidjo mon ami, mon frère, voici notre dernier
rendez-vous, du moins en ce monde, puisque nous sommes croyants. Heureux ceux
qui meurent en laissant des traces, un sillon. Les sillons que tu as creusés
attesteront longtemps encore aux yeux des générations qui se succèdent, ce que
tu fus que nul n’oserait contester : le bâtisseur, le père du Cameroun moderne.
A la vérité, tu n’eus qu’une seule et grande passion : le Cameroun. »
« Nul ne pourra t’interdire d’Histoire et empêcher que
celle-ci sereine et impartiale, dise que tu fus de ta patrie et de l’Afrique un
grand et digne fils (…) Et le destin n’est point oublieux qui t’a ramené mourir
en Afrique et ici (à Dakar). Pour l’authentique Africain que tu étais, c’est
une grande consolation », avait déclaré Emile Derlin Zinzou le jour des
obsèques.
Dans une interview accordée il y a de cela quelques années à
la chaîne de télévision française France 24, Paul Biya , le chef de l’Etat
camerounais abordait la question relative à la dépouille de son prédécesseur restée
à Dakar depuis sa disparition le 30 novembre 1989. « J’ai cru comprendre
qu’il y avait un problème pour ce qui est de l’ancien président … Oui. Il y a
eu des événements malheureux sur lesquels je ne reviendrai pas, en 1984, et l’Assemblée
nationale, sur ma proposition, a voté une loi d’amnistie. Ceux qui ont vécu ces
tristes événements ont retrouvé leurs droits, il y en a même qui sont au
gouvernement. Le problème du rapatriement de la dépouille de l’ancien président
est, selon moi, un problème d’ordre familial »
Dans un autre entretien accordé à Jeune Afrique Economie (No
169, juillet 1993), l’ex-première dame et veuve de Ahmadou Ahidjo faisait des
précisions qui restent d’actualité sur cette question. Germaine Habiba Ahidjo
indiquait que: « Je tiens à rappeler qu’Ahidjo était un chef d’Etat. Il n’appartient
pas qu’à sa famille. Il appartient en premier lieu au peuple camerounais. Il n’est
pas un simple citoyen. Il a été président de la République dans son pays, et il
a été enterré ici (ndlr, à Dakar) par un président de la République (ndlr,
Abdou Diouf). Tout ce que je peux dire, c’est que l’on a fait en sorte que si
un jour il devait rentrer au Cameroun, ce soit possible, dans le respect des
rites de notre religion. Le reste ne m’appartient pas », avait-elle déclaré.
« La dépouille de l’ancien président camerounais
Ahmadou Ahidjo mort et enterré au cimetière de Yoff à Dakar le 30 novembre 1989
sera rapatriée dans son pays en mars 2010 » titraient quelques journaux
camerounais dans leur parution du mois de Juin 2009. Selon ces sources, Cette décision
avait été prise d’un commun accord entre les autorités sénégalaises et
camerounaises.
En effet, du 8 au 14 juin 2010, Martin Belinga, conseiller
spécial du Président Paul Biya, avait séjourné au Sénégal en vue de s’entretenir
sur le sujet avec l’ancien Président Abdoulaye Wade. Les discussions avaient
donc abouti à un accord sur la date du transfert des restes de l’ancien chef de
l’Etat camerounais. Depuis lors, c’est le silence radio à Yaoundé
Qui était Ahmadou
Ahidjo ?
Peul, né à Nassarao, près de Garoua le 24 août 1924, c’est
en 1941 qu’Ahmadou Ahidjo, après deux ans de formation à l’école primaire supérieure
de Yaoundé, est recruté à la Poste et affecté à Douala.
Entré en politique en
1947, il est élu délégué de la Bénoué à l’Assemblée territoriale. Conseiller de
l’Union française en 1953, il consolide sa position en accédant à la présidence
de l’Assemblée territoriale en 1956, année où il crée le Mouvement pour l’évolution
du Nord-Cameroun. En 1957, le Cameroun devient un état sous tutelle, avec André-Marie
Mbida comme Premier ministre et Ahidjo comme vice-Premier ministre.
Pour la France, ce statut doit évoluer vers l’indépendance.
Mais elle se trouve devant deux écueils :
- l’insurrection des nationalistes de l’Union des
populations du Cameroun (UPC) depuis décembre 1956
- l’opposition de Mbida à toute idée d’indépendance.
Paris ne tergiverse pas, qui décide de mater la rébellion de
l’UPC et d’évincer Mbida, qu’il fait remplacer par Ahidjo, considéré comme plus
souple. Ce dernier joue le jeu et transforme son groupe parlementaire en parti,
l’Union camerounaise (UC), dont l’influence se limite au nord du pays. Le 1er
janvier 1960, il proclame l’indépendance du Cameroun, dont il devient, cinq
mois plus tard, le premier président.
(2)Une fois au pouvoir, Ahidjo montre clairement sa volonté
d’être le seul maître à bord, avec pour unique leitmotiv l’unité nationale. Réunification
avec ce qui reste du Cameroun sous tutelle britannique, création d’un parti
national grâce au ralliement des autres formations politiques à l’UC, rebaptisée
Union nationale camerounaise (UNC), musellement de l’opposition? Tels sont ses
grands chantiers. Et il les réalise avec une habileté et une fermeté
inattendues. Si les libertés individuelles sont sacrifiées, il cherche en
revanche à moderniser son pays. Ahidjo entre dans l’Histoire le 4 novembre
1982, lorsqu’il renonce au pouvoir à l’instar du Sénégalais Léopold Sédar
Senghor, deux ans auparavant. Et passe le flambeau à son Premier ministre Paul
Biya. Mais il garde la présidence de l’UNC. Biya vit mal cette situation, qui
le prive, en quelque sorte, du plein exercice du pouvoir.
En mars 1983, Ahidjo propose l’institutionnalisation du
parti, pour affirmer sa primauté sur l’état. Biya répond en limogeant du
gouvernement des proches de ce dernier, qui quitte le pays en juillet et s’installe
en France. Un mois plus tard, son successeur annonce la découverte d’un complot
qu’aurait instigué Ahidjo. En février 1984, au terme du procès des putschistes,
l’ancien président est condamné à mort par contumace. Vivant désormais entre la
France et le Sénégal, Ahidjo suit de près l’évolution de son pays. Et entre
dans des colères récurrentes à chaque mauvaise nouvelle. Sa santé en pâtit,
jusqu’au dénouement fatal. Son corps, inhumé à Dakar, n’a toujours pas été
rapatrié au Cameroun, faute d’autorisation.
En dehors de la réhabilitation,
dans le cadre du processus de démocratisation en décembre 1991, d’Ahmadou
Ahidjo en même temps que Ruben Um Nyobe, Félix Roland Moumié et Ernest Ouandié,
le gouvernement camerounais va-t-il engager une autre phase significative de
reconnaissance de ces figures historiques ? Y a-t-il un signal fort ce 30
novembre 2014 à l’endroit de la famille d’Ahmadou Ahidjo et des Camerounais ?
On ne perd rien à attendre le dernier mot du « successeur constitutionnel »
d’Ahmadou Ahidjo.
A en croire certaines indiscrétions, l’une des dernières
volontés de Ahmadou Ahidjo serait d’être inhumé dans le caveau familial aménagé
à Nasarao, son village natal entre Garoua et Pitoa où reposent sa mère, sa première
épouse, et l’un de ses oncles.
(1) Histoire du Cameroun, Engelbert Mveng, P-P59- 60(2)
Tshitenge Lubabu M.K, Les cahiers de JA
Hugues
SEUMO
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