Monsieur le Président,
Il y a deux semaines, les rumeurs ont confirmé votre visite d'Etat au Cameroun, pays où je suis né, ont déclenché une avalanche de réactions positives et d'opinions favorables, chez les jeunes. Ce extraordinaire élan d'enthousiasme perceptible est en contraste avec le sentiment généralement de désamour à l'encontre d'un occident de plus en plus pointe du doigt comme principal responsable de la pauvreté a cause entre autre de l'infaillible soutien aux régimes faussement démocratiques qui trônent à la tête des Etats pour une durée indéterminée. Ce sentiment pro-italien n'est pas le fait de hasard. En effet, l'Italie s'est manifesté depuis toujours par une présence caractérisée par son élan de générosité et de solidarité, grâce à sa politique de neutralité. Vous arrivez donc en tante que Chef de l'Etat d'un pays ami qui a su magnifier toute la beauté de sa Cooperation bilaterale avec le Char des Dieux.
Vous avez raison de venir chez nous-chez vous, raviver cette flamme au demeurant jamais eteinte, mais qui n'a pas vraiment brillé autant qu'elle le meriterait. L'Italie c'est la centralite de la personne humaine, selon la vision italienne de la Cooperation intrenationale. Au dela des actes, il y a de schifare qui le disent. Chaque année, au mois d'Août, un contingent de 400 jeunes camerounais, une fois le diplôme attestant de la connaissance (B2) de la langue italienne en poche, vont frequenter les Universités de la presqu'Ile. A l'issue de leur formation, ils décident souvent pour une raison ou une autre, d'aller ailleurs, de revenir au Cameroun ou de rester en Italie. Devenant par la même des ambassadeurs (malheureusement négligés) de la culture, la beauté et l'expertise italienne plus appréciées chez nous que les plats de Pasta milanaise ou la Pizza napolitaine. Avec ce chiffre, le Cameroun se trouve au rang de plus grand contingent d'étudiants étrangers en Italie après l'Albanie. La communauté camerounaise en Italie est essentiellement éstudiantine et adepte d'une immigration régulière et qualifiée. Alors que le Cameroun est confronté à l'agression de la secte Boko Haram, le gouvernement de l'italie vient de débloquer 3 millions d'euros en faveur des refugies et déplacés de la frontière Est et des victimes des exactions de Boko haram dans le Nord. C'est cette centralite de la personne humaine qui guida mon "choix" d l'Italie, lorsqu'en 2008, je fus contraint de quitter précipitamment mon pays, laissant derrière un travail décent, un projet de rêve et ma famille, avec le seul reflexe de sauver ma vie, après que de nombreux membres du gouvernement, dont plusieurs sont aujourd'hui incarcérés pour des faits de corruption, des réseaux mafieux et les suppôts de certaines puissances étrangères qui appauvrissent culturellement et matériellement le Cameroun, soit avec leurs habitudes culturelles inacceptables aujourd'hui même en Italie telle que l'usage capricieux et abusif des droits civils, soit avec leurs multinationales qui ont fait main basse sur notre économie, avaient décidé d'attenter à ma vie. Aujourd'hui, grâce à ce sens de la dignité humaine, je suis heureux d'être devenu en Italie, plus qu'un exilé politique, un citoyen à part entière, capable de promouvoir les échanges entre les deux pays.
Monsieur le President,
Mon excitation au sujet de votre visite au Cameroun, va au-delà des limites de la normalité, quand je pense que le samedi 19 Mars, vous, Président de la République Italienne, visiterez les oeuvres du COE (Centro Orientamento Educatico) ONG italienne qui oeuvre depuis les annees 60 a Mbalmayo, et dont le siege se trouve à quelques metres de la maison de mon enfance. Il suffisait de traverser la rue pour me distraire en me faufilant entre les structures de l'Institut de Formation Artistique (IFA), le Collège Nina Gianetti, l'Hôpital St. Luc et l'ecole maternelle dont j'oublie le nom. J'y ai rencontré l'education catholique grandir au milieu des missionnaires et coopérants italiens, prêtres et religieuses, qui m'inculquerent les concepts et les valeurs d'honnêteté et de tolérance, "richesse humaine sans fin ", malheureusement vues comme un "delit" au sein d'un régime dictatorial et intolérant, où l'honnêteté est haïe et la dépravation erigée en modele de societé.
A Mbalmayo donc, vous visiterez un mini village en ruines et abandonné, dont l'histoire s'est écrite dans le sang de ses martyrs anti colonialisme, jusqu'à être définie par les écrivains pro occidentaux comme "Ville Cruelle". Mais cette ville cosmopolite où convivent paisiblement et pacifiquement les 250 groupes ethniques du Cameroun, dans un climat de tolérance, de fraternité et de respect, subira certainement une cure de jouvence de circonstance en votre honneur. Et la population locale ne pourra que vous en remercier de plus belles. Cette communauté vous remerciera d'autant plus que ce sont des gens qui n'ont jamais reu la visite du Président du Cameroun en 34 ans de son règne. Pour cette raison, vous devriez vous attendre à un accueil de Rock Star. Au milieu de cette foule hétérogène, grande, émue, excitée, surchauffée qui vous criera son amour, il y aura aussi ma mère et des membres de ma famille, mais il n'y aura pas ma sœur Thérèse, une ancienne élève du collège Nina Gianetti que vous visiterez, parce qu'elle est décédée le 7 Janvier 2016 sans que je n'ai pu, pour de raisons évidentes de sécurité, lui donner le dernier Adieu.
L'Italie represente pour les Camerounais une sorte de juste milieu d'une voie diplomatique souvent à cheval entre intérêts et abusivisme des plus forts. L'accueil qui vous sera réservé representera également un geste de reconnaissance de la nouvelle approche du gouvernement italien dans son ensemble, traduite dans les faits par la représentation diplomatique italienne au Cameroun, en particulier l'Ambassadeur Samuela Isopi, qui a été en mesure d'approcher les populations à travers le pays, voyageant sans relâche et essayant de comprendre les personnes et les problèmes de la vie quotidienne. C'est le point d'achevement du travail commencé il y a plusieurs années avec le concours precieux de la Communauté de Sant'Egidio avec des personnalités efficaces et consensuelles telles que le Vice-Ministre Mario Giro, parfait ami du Cameroun, sans faire entorse à la grande ouverture du ministre des affaires etrangeres et d ela cooperation internazionale, Paolo Gentiloni.
Monsieur le Président,
Vous arriverez au Cameroun en un moment marqué par de fortes tensions sociales. Et votre perception/analyse de la situation, vous aidera à sceller de manière définitive l'alliance avec les citoyens du Cameroun qui scruteront chacun de vos gestes pour en trouver un peu d'espérance et de réconfort, conscient que nos dirigeants sont très peureux des critiques extérieures. Je ne doute pas de votre capacité à saisir la grande occasion historique de faire de l'Italie un partenaire et un allié qui fait rêver les Camerounais, marre de l'arrogance et du diktat de la France. Votre visite sera une mise à jour bilatérale, et un temps de récupération ou de croissance de l'estime réciproque. Votre temperament de sage et la finesse qui vous vaut d’être a ce jour la personnalité politique preferee des italiens vous sera utile. Monsieur le Président, trouverez des portes largement ouvertes. Le Cameroun qui se présente a votre pays fort industrialisé et développé, démocratique et solide, telle une jeune nation africaine, la beauté sauvage et la richesse naturelle inexploitée, intelligente et orgueilleuse de ses ressources humaines plurisectorielles, et sa jeunesse dynamique, avec autant d'atouts que de qualités. L'Italie sera t-elle à la hauteur de cette campagne de seduction? Le made in Italy, l'experience de sa micro-économie faite d'entreprises familliales socle d'un secteur privé, véritable tissu economique, les entreprises italiennes et leur savoir-faire, la beauté et la mode italienne, sont des atouts indeniables pour conquérir sans difficultés, cette beauté naturelle à l'Africaine qui s'offre à vous.
Mais, le Cameroun est un pays malade, souffrant, sinistré, blessé. Vous trouverez au Cameroun un peuple massacré et martyrisé par ses dirigeants adeptes de l'intérêt personnel au détriment du bien-être de la population. Deux faits récents sont représentatifs de cet état de choses. De faits qui feraient réfléchir n'importe quel gouvernement en Italie, mais qui au Cameroun à laissé comme toujours, la température des dirigeants à 37 degrés.
Samedi 12 Mars, alors que la journée pompeusement dédiée à la Femme vient d'être célébrée, une jeune femme a été abandonnée jusqu'a ce que mort s'en suive dans la cour de l'hôpital Laquintinie, le plus important de la capitale économique camerounaise à savoir Douala. Une ville du Cameroun dans laquelle n'importe quel gouvernement sérieux vous aurait fait visiter en trois jours, au vu de l'importance économique de la région du Littoral. La raison ? Monique Kamoute, 31 ans, déjà mère de trois enfants, qui devait donner naissance à deux jumeaux, ne pouvait pas payer en avance les près de 20.000 FCFA (environ 30 euros) nécessaires à la première visite. Une premiere visite pour une Dame enceinte. Avez-vous bien lu, Monsieur le Président ? Si en Italie il y a des services et prises en charge d'urgence dans des hôpitaux, au Cameroun, vous devez payer de l'argent cash aux médecins et au personnel medicosanitaire, sinon vous mourrez. Très souvent, toute tentation de manifestation est reprimée à coups d'armes à feu par une armée tribalisée à la solde du gouvernement. Dimanche, au lendemain de ces évènements, le Dr Vincent Sosthène Fouda, homme politique bien connu a été victime d'une arrestation en direct par la police politique alors qu'il était hôte d'une chaine TV pour demander des comptes au gouvernement. Quand vous arriverez au Cameroun, un mot, une pensée pour ces trois vies perdues, peut sécher les larmes d'un peuple fatigué, massacré par son gouvernement. Un mot, une pensée pour Monique et ses jumeaux, favorisera la confirmation de la sensibilité de l'Italie par rapport à la vie de la personne.
Monsieur le President,
En raison d'un calendrier diplomatique fixé il y a longtemps, vous arriverez au Cameroun à un moment de grande tension politique également, la mobilisation observée du régime depuis des semaines, avec des appels des ministres, directeurs des sociétés d'Etat et d'autres fanatiques et fonctionnaires zélés qui profitent de la durée du régime, afin que le président Paul Biya, 83 ans, au pouvoir depuis 34 ans, dont le mandat devrait prendre fin en 2018 (depuis 1962 il n'a jamais quitté le gouvernement comme ministre et le Premier ministre) à changer la constitution pour organiser des élections anticipées qui seraient gagnées sans problèmes. La première session parlementaire de l'année 2016, qui a débuté vendredi 11 Mars est présentée comme pleine de mauvaises surprises pour tous ceux qui rêvent de changement. Parce que selon les indiscretions qui arrivent des salons du pouvoir, le gouvernement se prépare à la septième modification de la constitution, la loi fondamentale du pays, la troisième depuis 1982, lorsque Paul Biya est arrivé au pouvoir après une démission volontaire de l'ancien président Ahmadou Ahidjo. S'il sera élu au moyen de consultations illicites avec le scénario d'une élection à la fin de cette année, il aura eu 90 ans à la fin de son mandat, dont 60 sont au pouvoir. Dans la nomenclature camerounaise, les différents appels d'élite sont toujours considérés comme une indication du même Président. Ce dernier amendement à la Constitution prévue immédiatement après sa visite, selon les informations, comme beaucoup d'autres, n'a pas été fait avec la participation de la société civile et alors que les partis politiques eux ont été ignores.
En 2008, pour faire passer et accepter à tous son inacceptable forfaiture, de changer la constitution pour supprimer le nombre de mandats présidentiels limites à deux, le président avait utilisé la force de l'armée, tuant environ 300 jeunes manifestants pacifiques à diverses manifestations que la presse franaise, principal bénéficiaire du budget du gouvernement pour la publicité, avait présentées comme étant des émeutes de la faim ... car au Cameroun, le président est le propriétaire absolu et unique de l'agenda politique, on ne sait pas la date de l'élection jusqu'à un mois quand il est décidé unilatéralement, à la surprise générale, de convoquer le corps électoral au moyen d'un décret reu comme un geste de magnanimité présidentielle. Ses laudateurs parlent du temps et de l'autorite discrétionnaire du Président. Quand on sait que, en Italie toute decision est prise par le parlement represente par toutes les tendances politiques. L'Italie gouvernee par un Premier Ministre age de 40 ans.
Je ne pouvais pas terminer ma lettre, Monsieur le Président, sans mentionner que cette volonté de ne pas partager la gestion des affaires publiques, qui considere les opposants comme de traitres ou des ennemis de la Republique, reduite au cercle gouvernant, est "encadrée" par divers actes d'intimidation de la presse. Il y a un an, afin de préparer le terrain à la répression judiciaire et militaire des manifestants, le gouvernement a fait adopter par son écrasante majorité au parlement qui a seulement 40députés de l'opposition sur 180 (opposition par ailleurs constituée des partis alliés au pouvoir) une loi anti terrorisme. A cause de cette loi liberticide, quatre journalistes sont actuellement jugés et risquent une peine de mort devant le tribunal militaire de Yaoundé, accusés de n'avoir pas divulgué leurs sources journalistiques en rapport avec des informations publiées au sujet de la guerre contre la secte Boko Haram.
Avec la coïncidence que ce dernier massacre, la modification de la constitution pourrait avoir lieu immédiatement après votre visite historique, il est à craindre que le gouvernement du Cameroun veuille exploiter votre visite comme un soutien direct à la politique intérieure de l'Italie et de ce hold-up qui est en cours de préparation. Pour cette raison, les jeunes, la société civile et la classe politique du Cameroun seront attentives à tous les mots que vous direz durant votre séjour, ce voyage à la fin des comptes hautement politiques. Ce que vous direz ou tairez définira et marquera longtemps l'histoire des relations entre l'Italie et le Cameroun. Si vous choisirez de ne pas faire d'ingérence dans les affaires internes du Cameroun, vous aurez servi du pain béni au gouvernement afin que ses griots célèbrent une gouvernance sans reproches. Si au contraire vous direz un mot, vous devrez savoir clairement exprimer et de partager avec les Camerounais, les valeurs qui ont fondé et maintenu l'Italie dans le concert des pays démocratiques, des valeurs qui prennent en compte le consensus et la volonté populaire. Dans un pays où 90% des citoyens, malgré les difficultés, tiennent à étudier durement, convaincus de pouvoir réussir ailleurs si ce n'est au Cameroun, votre message aura un impact aussi moral que politique, et remontera le long de la côte du Golfe de Guinée, parce que le Cameroun pour son influence stratégique, est souvent considéré comme un cadre de référence dans la région.
Comme vous le voyez, la première visite d'Etat d'un chef de l'Etat italien dans un pays si jeune et si sensible avec un grand désir de changement, n'est pas une tâche facile, et rien ne peut être pris pour acquis. Votre visite, Monsieur le Président, restera dans l'histoire. En mal ou, comme nous l'espérons, en bien.
Je vous souhaite un bon voyage dans la terre de mes ancêtres.
Respectueusement,
Correspondance : Jean Claude Mbede Fouda, Journaliste/Italie Jcmbede@hotmail.com
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/ Jean Claude Mbede Fouda écrit au président de l'Italie pour lui faire le point sur la situation au Cameroun avant sa visite annoncé pour très prochainement.
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