Et durant ces trente premières années, la CAF avait connu… six
présidents. Mais, depuis trente ans, elle est présidée par le même
homme, ce qui est déjà une anomalie. À cette anomalie s’ajoute une
autre, sous la forme d’une nouvelle candidature… du même homme
Sans vouloir faire concurrence à Rémy Ngono, excellent analyste du
football africain et européen, et qui s’est, par ailleurs, souvent
révélé être une encyclopédie vivante de la sagesse africaine, rythmant
ses analyses par de pertinents proverbes africains, l’on a envie de
servir à Issa Hayatou ce proverbe qui dit que lorsque vous vous
installez sous un arbre, à profiter indéfiniment de son ombre et de ses
fruits, et que vous vous obstinez à ne jamais céder la place, les
oiseaux finissent par déverser leur fiente sur votre crâne. Trente ans,
c’est non seulement trop, mais cela n’est pas sain ! Vraiment !
Issa Hayatou a peut-être encore des choses à proposer…
D’autres peuvent s’en charger ! Et son attitude passée vis-à-vis de
ceux qui ont tenté de lorgner sur son siège ou de contester son autorité
laisse craindre qu’il ait, comme certains dirigeants politiques
africains, envie… de mourir au pouvoir. Et d’ailleurs, le programme du
seul candidat qui ose l’affronter, cette fois-ci, est une critique, en
creux, de tout ce qui était détestable dans l’interminable gestion de
Monsieur Hayatou. Le Malgache Ahmad Ahmad, ancien footballeur, a même
été entraîneur, puis ministre, et il fait preuve d’une modestie que l’on
aimerait tant voir à l’œuvre à la tête de la CAF.
Son nom a été cité dans le fameux «QatarGate», mais sans suite.
Oui. Et, à la différence d’autres éminents responsables du football
africain régulièrement cités, par le passé, dans des scandales, à la
FIFA ou au CIO, il n’a pas réfuté avec dédain les accusations. Et il
admet avoir, en effet, demandé l’assistance du Qatar pour les élections
dans sa Fédération. Parce que la pauvreté contraint des fédérations
comme la sienne à demander de l’aide. « Il n’y a pas de honte à cela »,
dit-il. Aide qu’il n’a pas reçue, parce que, entre-temps, la FIFA la lui
avait apportée, en dotation extrabudgétaire. Voilà pourquoi il a été
blanchi sans avoir eu à se défendre. Cet homme, par sa simplicité, rompt
avec la morgue de certaines gens qui, du haut du pouvoir que leur
confère l’argent du football continental, méprisent et écrasent tout ce
qui leur résiste, tous ceux qui les défient.
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Il n’empêche que ce candidat d’un petit pays est poussé par de grands…
Oui, et Ahmad Ahmad ne le nie pas. Amaju Melvin Pinnick, le président
de la Fédération du grand Nigeria est de ceux qui peuvent oser le
soutenir ouvertement. Cela est sain. Le candidat en est à son troisième
mandat, et il promet que ce sera le dernier, quelle que soit l’issue de
l’élection à la présidence de la CAF. Parce que, de son point de vue,
au-delà de trois mandats, c’est la léthargie, la monotonie.
«Toutes les autres confédérations ont, à ce jour, changé leurs leaders. L’Afrique va-t-elle rester en marge de tout cela ?», s’interroge Ahmad Ahmad.
Que reproche-t-il d’autre à Issa Hayatou ?
Rien, dit-il. Mais en même temps, il faut l’entendre préciser qu’il voudrait être «un président à l’écoute de toutes les fédérations».
Il faut l’entendre rappeler que les membres de la CAF ne sont que des
administrateurs du football africain, qui devraient faire davantage de
place «aux acteurs», «aux anciennes gloires», «à ceux-là qui, pieds nus, ont amené le football africain là où il est». Il faut l’entendre préciser que le football doit aussi être «un instrument de stabilisation sociale», en Afrique.
Et il précise: «Si je dis que je dois instaurer une bonne
gouvernance, c’est parce qu’il n’y pas de bonne gouvernance. Le Comité
exécutif s’arroge beaucoup trop de pouvoirs. Y compris ceux qui
devraient être dévolus aux organes juridictionnels, par exemple».
Il fallait vraiment quelqu’un de l’intérieur pour dire cela. «Si c’est une élection normale, je suis gagnant»,
assure-t-il. Et lorsqu’on lui demande s’il doute de la transparence du
scrutin, l’homme politique s’empresse de répondre qu’en politique, il
faut toujours douter».
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/ Opinion de Jean-Baptiste Placca sur la condidature d'Issa Hayattou à la présidence de la CAF
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