ibérer le Cameroun, un projet qui dure encore et encore, malgré les sacrifices, les innombrables morts, malgré l’agonie qui s’éternise. Et le Cameroun lui-même, ce nom quelconque, modelé en un destin commun, une République nous apprend-on, dirigé par l’un des nôtres qui, étrangement, écrase les siens. D’où vient-elle cette histoire ? D’où vient-elle cette trame macabre qui tue et broie les âmes ? D’où vient-il tout ce grabuge infâme que deviennent nos vies, une impasse si enracinée qu’elle a pu apprivoiser les victimes et produire la fabuleuse patience face à la mort ? D’où venons-nous pour en être là où nous sommes ?
Comme beaucoup d’autres de mes concitoyens, je n’ai jamais cessé de m’interroger sur le sort de notre pays, ce bout de terre niché au cœur d’un continent qui, ayant été la première puissance politico-économique et militaire du monde il y près de six mille ans, ayant produit un niveau de civilisation jamais égalé, a basculé un jour pour être un réservoir d’esclaves et finir aujourd’hui en jungle bananière située en périphérie de l’histoire. Une dégringolade si invraisemblable qu’à la faveur de la mémoire historique jonché de vides implacables, on a dû opérer un déchirement de l’Afrique en deux phases ; dans le temps d’abord, en hypothéquant son passé ou sa mémoire et, dans l’espace ensuite, par l’établissement des frontières arbitraires. Voilà l’origine de la domination qu’on subit et d’emblée, je vous dis qu’on n’y peut rien, à moins de procéder autrement que ce qu’on a toujours fait.
D’abord, il faut comprendre comment, dans le processus de l’histoire, on en arrive à perdre le contrôle de son destin. Pour cela, je vous épargnerai des analyses académiques complexes, on aura juste à observer autour de soi : passer de l’ordinaire au pire part l’infime bavure, basculer de pharaon d’un puissant empire du cac 40 à clochard de rue part d’un petit détail ayant pris corps dans un contexte favorable. Et pour changer le cours de la situation, il faut faire exactement pareil, en sens inverse, partir du détail déterminant pour créer le contexte favorable.
Malheureusement, dans nos dynamiques de combat pour la libération du Cameroun, on s’éloigne de cette méthode. On veut créer le contexte favorable avant. Alors pour cela, on implore l’unité des membres de la dynamique de lutte, on déplore l’indifférence des masses pour lesquels on se bat, nos efforts sont jonchés de heurts ou de décisifs recommencements qui finissent par être vains, les générations se succèdent et on en reste là, au même point de départ, pris en otage. Et au fil des impasses, l’espace de la contestation s’érige en un pôle de subsistance qui finit par enliser le combat, compromettant gravement l’éclosion de l’idée compétitive. Voilà pourquoi l’émancipation des Noirs d’Amérique a longtemps piétiné, voilà pourquoi l’Apartheid s’est éternisé, voilà pourquoi l’Afrique ne s’est jamais libérée. Face ce déclin de la stratégie, il faut oser la rupture, comme le fit Steve Biko qui, énonçant le détail déterminant, permit la victoire la plus importante (l’abolition du pass) de l’histoire des Noirs d’Afrique du Sud. Cet apôtre de la conscience noire dut rompre avec les manœuvres sans fin de Mandela qu’on érigera en dieu pour tuer la fibre décisive du nègre.
Chaque jour, nous sommes confrontés à cet enlisement historique. Venant des partis d’opposition ou des organisations citoyennes censées défendre le droit, nous vivons les contradictions les plus spectaculaires qui ne font que légitimer le règne de la dictature. Avec les sénatoriales 2013 annoncées, l’opprobre bat son plein. On crie au respect de la Constitution comme si on ignorait que le Cameroun en avait trois, on participe aux élections alors que la libre expression est gravement compromise, on continue d’accepter l’autorité illégitime d’un président qui est auteur des assassinats systémiques découlant des conditions inhumaines d’incarcération et de la précarité scandaleuse du système d’hygiène et de santé publiques. Bref tous les concitoyens qu’on croyait lutter pour libérer le Cameroun donnent aujourd’hui le sentiment de participer à la danse de la mort du peuple, à l’intérieur comme à l’extérieur du Cameroun. Tel est l’état d’avancement de notre projet de liberté.
Alors comment faire ?
D’abord, chaque citoyen concerné par le rêve de liberté doit réaliser que le héros et l’homme ordinaire ont chance égale quand à l’opportunité de triomphe face à l’injustice. Et ensuite, comprendre que quel que soit l’objectif qu’on se donne, il y a toujours, à portée de main, les moyens nécessaires pour l’atteindre, il suffit tout simplement de savoir les capitaliser. Voilà les amis, on a 20 millions de chanceux face à Biya, au boulot !
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