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Ndjama Benjamin :LES POINTS DE FRAGILITE DE LA COMPETITIVITE CAMEROUNAISE


On peut attester du retour d’une relative embellie économique comme le laisse croire la diversité des projets qu’il est devenu commode d’inscrire sous la rubrique des <<grandes réalisations>>. Nous avons observé parfois avec douleur la tâche titanesque qui a permis au pays de se replacer sur le chemin de la soutenabilité macro-économique. Nous revenons de loin. Le coût humain et social des plans d’ajustement structurel a été calamiteux au regard de la saignée du PIB par habitant, de l’effondrement du taux d’investissement, du délabrement des ressources énergétiques, de la détérioration des infrastructures de base, du rabaissement l’espérance de vie. Cette parenthèse de notre histoire économique est entrain de se refermer.
C’est l’idée que suggère la progression des indicateurs de la science économique sur le pays. De cette situation, Le camerounais moyen pouvait s’en réjouir à la sortie du boulot en liquidant une petite Guinness tiède ou glacée. Or ce n’est pas le cas. Nombreux sont les camerounais attentifs ou pas à la science économique qui doutent du potentiel de leur pays , écoutent sans y croire, le tam-tam des espérances de l’Etat , rigolent à l’idée que le triangle national puise se transformer en 2035 en pays émergent. Sur quoi comptent-ils, ces gens d’en haut ? entend-on souvent. Ce sceptique populaire a des origines multiples,  parfois psychologiques parfois politiques : Le camerounais moyen est un africain épuisé, désabusé et démoralisé. Epuisé par la transition trop longue et trop lourde de l’ajustement structurel ; désabusé par des politiques de développement dont on perçoit très peu les retombés en termes de bien-être collectif, démoralisé par l’absence d’alternance.
Ce scepticisme populaire rencontre parfois sur son chemin l’afro-pessimisme. Un pays comme le Cameroun est-il capable de grands sauts comme les dragons d’Asie. ? Se demande t-on souvent comme pour en douter.
Et si ce scepticisme populaire n’était pas seulement un problème de psychologie sociale ou même une réaction de désespérance généralisée devant la médiocrité de la politique mais correspondait plutôt à des constatations objectives sur le caractère illusoire des performances économiques du Cameroun des <<grandes ambitions>> ?
On constate justement que malgré le redressement macro-économi-que avéré et quotidiennement relayé par la chronique officielle, l’économie camerounaise reste parsemée de points de fragilité qui expliquent pourquoi ses performances restent en dessous de la moyenne africaine. Son taux de croissance est de 4 ,4% or la moyenne africaine est de 5%.A ce niveau nous restons en dessous des performances requises pour atteindre les objectifs du millénaire. Pour cerner les causes multiples de ce retard relatif, il faut analyser en profondeur la structuration de l’économie camerounaise et les choix stratégiques du cerveau économique du régime en place.
Voyons un peu plus clair sur ces deux éléments que nous allons associer : la structuration et les choix stratégiques.
Lorsqu’on observe la répartition du PIB par secteurs le Cameroun donne l’image d’un pays où toutes les strates de l’économie : Le primaire, le secondaire, le tertiaire se portent très bien. Or il faut aller plus loin au-delà des chiffres et faire un Etat des lieux des besoins réels et évaluer par la suite les réponses du système. C’est à ce niveau que la déception va prendre le dessus. Le Cameroun possède des possibilités considérables qui restent encore très largement sous-exploitées. On dit du tertiaire qu’il tient le haut du pavé. C’est vrai, mais c’est aussi un écran de fumée. Des secteurs comme la finance et les télécommunications  restent très peu structurés malgré leur potentiel qui est immense. Le magot de ces secteurs est contrôlé par des monopoles étrangers qui font obstruction à l’arrivée de nouveaux venus. Arrêtons-nous par exemple le secteur bancaire. De l’avis même des spécialistes  du domaine, le Cameroun n’a pas suffisamment de banques. Beaucoup appellent à mieux structurer le secteur en encourageant l’implantation des banques spécialisées, en créant des banques d’investissement ; Bref à densifier et en diversifier l’offre.
La contribution au PIB du secteur financier et des télécommunications reste encore insuffisante au regard de ce qu’on pourrait y faire. Il en est de même d’un secteur comme l’immobilier. On parle beaucoup d’un boom du logement. Le gouvernement est à l’oeuvre dans cette dynamique. Mais les réponses proposées ne représentent que 10% des besoins non satisfaits dans les agglomérations de Douala et de Yaoundé. Or nous sommes capables de faire mieux.
Le deuxième point de fragilité de l’économie Camerounaise c’est la faible diversification de son commerce extérieur du fait d’une liaison  excessive au marché Européen. Ce dernier représente à lui seul 41% des échanges en valeurs, suivi de l’Asie orientale 18.3% ;de la zone Cemac 8% ;de l’Amérique du nord 4.7% ;de l’Afrique de l’ouest 3,4% ;de l’Amérique latine 2 ,6%.Quelles conclusions tirons-nous de ces statistiques ?
Nous n’avons rien retenu des suggestions invitant les Etats Africains à investir activement les marchés internes à l’Afrique(ce n’est pas étonnant. Ce discours longtemps porté par les panafricanistes était très vite associé au ressentiment), nous n’avons rien compris des basculements de l’économie mondiale, de l’importance prise par l’émergence des nouveaux horizons (Inde, Brésil, Afrique du sud ,Indonésie…).Nos élites raisonnent encore comme si l’Europe était toujours le centre du monde. Or de toutes les régions du globe, l’Europe est celle qui affiche à l’heure actuelle les performances économiques les plus médiocres. En restant trop lié à cette région qui ne va pas seulement mal(ce qui peut être transitoire) mais semble glisser progressivement vers une réelle relégation, on court le risque d’être tiré vers le bas. Et c’est pas tout. L’Europe qui s’effondre en tant que pôle économique, ne veut pas tomber seule. D’où cette obstination à vouloir imposer aux africains une zone de libre échange que ces derniers n’ont cessé de bouder.
L’autre problème auquel le Cameroun fait face notamment dans son commerce international, c’est la question de l’éthique en affaires. On intègre souvent cette notion dans un concept plus global :la facilité à faire les affaires. On attend d’une nation qui aspire à être émergente qu’elle soit capable de parfaire son comportement éthique.
L’éthique se trouve au fondement de la confiance, qui elle-même est une valeur centrale dans le capitalisme. Quand l’image d’un pays en matière éthique est déplorable, l’investisseur réfléchit deux fois avant de prendre le vol, de signer un contrat.
On va s’attarder un instant sur un autre problème qui nous paraît tout aussi crucial, c’est le financement de l’économie. On ne saurait réfléchir sur la compétitivité d’un pays en faisant l’économie d’un regard attentif sur les mécanismes qui permettent d’alimenter le commerce en ressources. C’est l’occasion de revenir sur le secteur bancaire abordé plus haut. Déplorer son atonie est devenu un lieu commun de la littérature économique. Les critiques dont il a souvent été l’objet sont rarement dépourvues de justesse. Le secteur bancaire Camerounais est lui tout seul un condensé de paradoxes, de conformisme, de blocages multiformes. Le nombre de camerounais qui possèdent un compte bancaire restent trop faible. Néanmoins le secteur est en surliquidités. Cette situation de confort ne conduit pas pourtant  à un financement soutenu de l’économie. Le secteur souffre en outre d’une forte concentration des activités de dépôt et un faible développement des innovations financières. Tant que perdure cette situation, il sera difficile d’envisager une forte dynamique d’investissement portée par le capital privé endogène. Il faudrait bien qu’on sorte de ce blocage. Deux alternatives se dessinent depuis quelques années mais peinent à peser :La micro-finance et la bourse.
La micro-finance fait son chemin mais souffre d’une incapacité à porter des projets d’un fort potentiel capitalistique.
La bourse des valeurs a suscité à sa création un grand espoir. Elle sombre aujourd’hui dans l’insignifiance.
On nous répondra que les PME Camerounaises ont l’habitude de fonctionner sans le soutien des banques, sans intervention au marché boursier. Elles se financent auprès des tontines de millionnaires. C’est une réponse à l’africaine. Nous doutons pourtant qu’elle soit suffisante pour tirer la nation vers le grand capital mondialisé. Il faudrait que les banques acceptent de jouer le jeu comme cela fut le cas dans les années 70 ?que la bourse devienne un véritable levier du financement de l’économie, que l’Etat lui-même soit enfin un bon payeur. Il ne l’a pas toujours été. On attendra de lui qu’il soit beaucoup plus diligent à payer les prestations fournies par les PME.
Une petite et moyenne entreprise qui n’arrive pas  à recouvrer ses dettes fera face à de grosses difficultés lorsqu’il faudra voler à la conquête de nouveaux marchés,  lorsqu’il faudra solliciter la confiance des banques.
A Propos de l’industrie
La contribution du secteur industriel au PIB est en net ralentissement depuis les années 2000.Elle a baissé de près de 5 points. Cette situation découle aussi bien de la structuration de l’économie, des caractéristiques des entreprises industrielles que de l’environnement général des affaires.
Le Cameroun compte plus 11 885 entreprises industrielles dont 85% sont de très petites entreprises(TPE); 7% sont de petites entrepri-ses(PE); 6 ,70% sont des moyennes entreprises(ME), 2,2% sont des grandes entreprises(GE).
Le pourcentage des entreprises industrielles par catégorie
Le sous-secteur <<du textile, de la confection, du cuir et de la chaussure>> est dominant  et regroupe 54.7% des entreprises. Dans les GE on retrouve 25% d’entreprises <<d’alimentation, de boisson et de tabac>>,18% d’entreprises <<de bois, papier, imprimerie, édition>> ;17% d’entreprises de<< chimie ,raffinage de pétrole, caou-tchouc et plastique>>.Le secteur industriel génère un chiffre d’affaires de plus de 3503 milliards de francs et emploie environ 87 889 travailleurs. Les GE malgré leur faible nombre réalisent plus de 75% des investissements.
Les problèmes sectoriels
L’industrie camerounaise rencontre des problèmes très variés d’un secteur à l’autre :
Les industries chimiques sont peu diversifiées et dominées par la Sonara, plasticam, le complexe chimique Camerounais, l’union allumettière équatoriale ;La métallurgie est en plein essor comme l’illustre si bien la bonne tenue d’Alucam, de la Socatral..Les industries extractives sont embryonnaires. La branche la plus importante de ce secteur est celle des carrières où l’on extrait du calcaire, du sable, du Kaolin..On peut ajouter dans cette liste l’extraction des eaux minérales où Supermont est en rivalité avec les sources Tangui. L’agroalimentaire est en grande forme. C’est le domaine des brasseries, de la confiserie, du sucre, des huiles de palme…L’industrie des matériaux de construction possède un marché immense et peine à satisfaire toute la demande. Elle doit trouver proche des cours d’eau et des ports des espaces appropriés pour son installation..On peut faire l’économie du reste.
De manière générale l’entreprise industrielle quelque soit son orientation doit faire face à des problèmes qui sont liés à la pénurie du main d’œuvre spécialisée, à l’étroitesse des marchés nationaux, à la concurrence des produits étrangers, à la dépendance vis- à-vis de l’extérieur
La répartition des entreprises industrielles par région
En dehors de l’industrie du textile et de la confection ainsi que celle de la fabrication des meubles  et autres activités de fabrication non citées par ailleurs qui sont assez bien représentées dans chaque région, les différentes catégories d’industries sont inégalement réparties sur le territoire national.
Douala et Yaoundé concentrent à eux seuls 59% des entreprises industrielles soit 6906 unités. Ces deux agglomérations sont les lieux privilégiés de l’établissement des moyennes et grandes entreprises :80,6% et 78,5% relativement à ces deux strates.
Hormis Douala et Yaoundé(57% des unités) les TPE constituent plus de 10% des effectifs nationaux dans les régions du Nord-ouest et de l’ouest et dans une certaine mesure le sud-ouest. Par ailleurs l’ouest compte 10,3% de l’ensemble des petites entreprises et le sud-ouest 6,5%.Dans les autres régions les pourcentages sont inférieurs à 4% avec une valeur modale proche de 2%.


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