Depuis sa démission du gouvernement et son élection à la tête du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), l’auteur de «L’Urgence de la pensée», Maurice Kamto, a, en moins d’un an, contribué à changer le paysage politique camerounais. Après être entré dans l’histoire comme l’artisan de la rétrocession de l’île de Bakassi au Cameroun, le président du MRC dont le passage au gouvernement a raffermi l’expérience dans la gestion des dossiers et des procédures politico-administratives de l’État, et dont la maîtrise des dossiers internationaux en fait l’un des hommes politiques qui pourront restituer au Cameroun sa respectabilité internationale, est désormais au centre de toutes les attentions au moment où, dans le triangle national, on l’appelle déjà le Barack Obama du Cameroun.
Le parti politique qu’il dirige, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), a initié une formation politique à ses jeunes membres qui occupent d’ailleurs des postes de responsabilité à tous les niveaux. Sans tambour ni trompette, le MRC, qui a fait le pari de réaliser le changement dans la paix, suscite l'adhésion progressive des personnalités traditionnelles, des intellectuels, des jeunes de tous bords et des opérateurs économiques qui pensent à raison que le système en place n’a jamais su les protéger. À l’origine de cet engouement, son projet de société reposant sur cinq piliers qui vont de la défense des valeurs fondamentales de la république (liberté, égalité et justice) à l’instauration d’un système de pension retraite pour tous et d’une couverture sanitaire universelle, en passant par la production des richesses, la solidarité nationale entre les régions, la réorganisation du système scolaire et le pacte stratégique avec la diaspora.
La nouvelle dynamique inspirée par Maurice KAMTO et le MRC a donc de quoi redonner espoir à un peuple dépassé et désorienté par plus trente ans de gabegie et de perte de valeurs. L’appel à la prise de conscience politique des masses, doublé de la formation de celles-ci, a fait tache d’huile et mis le gouvernement et le régime à mal. L’origine de l’organisation des sénatoriales avant les municipales et les législatives est à chercher dans ce contexte. En effet, en faisant élire, en avril 2013, les Sénateurs par un collège de conseillers municipaux au mandat expiré depuis juin 2012, le régime mettait en place la phase 1 de la stratégie de torpillage du MRC. La nomination de Marcel Niat Njifenji à la tête du Sénat représente la phase 2.
Comment comprendre ce jeu? On sait que depuis 1990, le régime de Yaoundé a toujours considéré les régions d’origine des leaders politiques comme leurs bases électorales. Cette vision régionaliste et tribale de la politique lui a longtemps permis de créer la division et le découragement des masses à travers la promotion spectaculaire d’autres ressortissants de la région d’origine des leaders politiques influents. C’est le jeu politique le plus permanent du système Biya. Pour montrer en quoi il consiste, on peut en retracer quelques moments forts et en dégager les règles:
1. 1991, l'UNDP de Samuel Eboua bénéficie d’une vaste adhésion des populations dans la région du grand Ouest (Littoral, Sud-ouest, Nord-ouest et Ouest). Le pouvoir, inquiété, encourage Bello Bouba Maigari qui débarque Samuel Eboua de la tête du parti à l'issue du Congrès des 4 et 5 janvier 1992 à Garoua. Samuel Eboua, insatisfait, crée le MDP qui disparaît à sa mort. La mobilisation populaire dans le grand Ouest faiblit et le grand Nord (Adamaoua, Nord, Extrême-nord) se rallie massivement à l’UNDP. Fidèle au principe de diviser pour mieux régner, le régime copta Hamadou Moustapha et Issa Tchiroma au gouvernement. Bello Bouba ne résista pas lui aussi à la tentation d’y entrer et perdit de ce fait sa posture d’opposant. Depuis lors, le grand Nord est suffisamment émietté et ne saurait plus servir de base à une force politique soudée pouvant mobiliser les masses populaires.
2. La prise de l’UNDP par Bello Bouba ressemblait, en 1992, à un hold up, encouragé par le pouvoir pour contrer la mobilisation populaire dans le grand Ouest (Littoral, Sud-Ouest, Nord-ouest et Ouest), ce qui irrita les populations de cette région. Le SDF de John Fru Ndi, originaire Bamenda, devint alors l’alternative, et c’est la dynamique du changement inspirée par ce parti qui suscita désormais l'adhésion massive des populations. Le régime rejoua le jeu et nomma un autre ressortissant de Bamenda, Simon Achidi Achu, Premier ministre, le 9 avril 1992 afin de freiner l'adhésion en masse au SDF. Lorsque la mobilisation populaire en faveur du SDF baissa, le jeu se termina et le Premier ministre perdit son poste le 19 septembre 1996. Le même Achidi Achu n’a-t-il pas été réutilisé dans le jeu pour contrer John Fru Ndi aux sénatoriales du 14 avril 2013 et consacrer ce que plusieurs analystes ont considéré comme étant la mort politique de ce dernier?
3. 2012-2013, avec la nouvelle dynamique portée par Maurice Kamto et le MRC, le régime a repris le jeu dont les règles n’ont ni changé ni évolué. Conscient de la force montante du jeune parti, ce n'est pas pour faire honneur à la région de l'Ouest ou pour rééquilibrer les forces politiques nationales que Paul Biya a nommé Marcel Niat Njifenji président du Sénat. L’objectif est, au contraire, de disperser les adhésions au MRC, créer la confusion et calmer les rancoeurs pour un temps, le temps des élections municipales et législatives. Nul doute que Marcel Niat Njifenji pourra être éjecté le moment venu, si jamais il est établi que le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) faiblit dans sa capacité à mobiliser les masses.
Comme on le voit, on peut changer les joueurs et les pions, mais le jeu est toujours le même, à savoir un ensemble de stratégies de division des forces politiques dans la perspective de la conservation du pouvoir. Jamais la modernisation des institutions républicaines n’en est le but ultime.
L’actuel président du Sénat fait donc partie du jeu et se prête volontiers comme un pion aux mains du joueur Biya, de la même manière que l’ont fait Simon Achidi Achu, Bello Bouba, Issa Tchiroma, et la liste, construite en plus de trente ans, est longue. Maurice Kamto et le MRC sont donc au cœur de la reconfiguration de la carte politique du Cameroun. Le défi de ce parti est dès lors de trouver le moyen de contrer ce jeu, de le rendre caduque, ce que ni l’UNDP ni le SDF n’ont pu faire en leur temps.
Pour le contrer, son approche pédagogique et socio-communicative sera certainement d’une grande utilité. Il importe aussi que les populations camerounaises y participent en prenant conscience de ce que l’opposition politique, en laquelle elles ont bien souvent placé leurs rêves et leurs espoirs, ne s’est jamais divisée d’elle-même. Le pouvoir l’a divisée en nommant à des postes pompeux des concurrents aux leaders politiques à l’effet de semer le doute. La responsabilité populaire dans l’échec de la révolution camerounaise est à voir dans le découragement qui a fait suite à ce doute. Plus que l’opposition politique, ce sont donc les populations camerounaises qui devront surtout reconsidérer leur vision en s’armant d’un esprit téméraire pour ne plus se laisser abuser de façon répétitive par des promesses sans lendemain et des nominations à grand renfort médiatique. Elle doivent dès lors cesser de tomber dans le piège du pessimisme et s’inscrire massivement sur les listes électorales afin de faire valoir leurs voix, sachant que la biométrie offre des chances que celles-ci soient comptabilisées et reconnues.
C’est maintenant qu’il faut préparer le grand tournant de l’histoire du Cameroun.
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