Quelles quantités d’eau les Camerounais, ces gens dont on dit pourtant qu’ils sont, globalement, sains d’esprit, intelligents et même géniaux, devraient-ils encore continuer de verser dans ce petit vase de rien du tout qu’est le football, pour qu’ils se rendent compte, enfin, que ce pauvre vase est archiplein et qu’il déborde lamentablement ? Quelles humiliations encore, à cause du football, tout le peuple camerounais devrait-il continuer d’essuyer, avant que la lucidité, revenant dans les esprits, aide les gens à s’apercevoir que «trop c’est trop » ? Sous combien de fourches caudines le football devrait-il encore nous condamner à ramper, avant que nos courages se lèvent et allument en nous l’étincelle de la révolte ?...
A l’heure qu’il est, nous ne pouvons donner la moindre réponse juste à une seule de ces questions. Cependant, nous estimons qu’il est temps que les Camerounais cessent, en ce qui concerne le football, de continuer de se faire des montagnes d’illusions. Après tout, le football n’est qu’un jeu ; il n’est qu’un simplement divertissement, même si le politique s’en sert parfois, en poussant le peuple à y évacuer ses véritables angoisses.
Malheureusement, à bien des signes, le football devient de plus en plus, pour notre pays, un divertissement plutôt nocif. Non seulement son écroulement technique et pratique n’apporte plus aux Camerounais ces émotions et ces joies passagères qu’ils ressentaient au temps lointain des victoires remportées, mais encore, par ses dirigeants interposés et sous le parapluie de la fameuse Fifa, il foule aux pieds les lois et règlements de la République ; il est, en quelque sorte, face au pouvoir en place, une sorte de contre pouvoir dont l’arrogance récurrente ne connaît plus la moindre mesure.
Le plus déplorable dans tout cela est, assurément, le fait que le football, bien que de plus en plus mal géré, de plus en plus moribond, parvient toujours à reléguer au second plan la plupart des autres disciplines sportives, dans la pratique desquelles le Cameroun récoltait déjà de beaux succès. Qu’est devenue la boxe camerounaise grâce à laquelle Jo Bessala, de regrettée mémoire, a ramené au pays, en 1968, la toute première médaille (argent) que le Cameroun ait jamais remportée aux Jeux Olympiques ? Et bien avant Jo B., les Ayissi Jean, Makoulet Manga ou Akono Anicet ont, en leur temps, assis la légende en France selon laquelle le Cameroun est une précieuse pépinière de boxeurs exceptionnels. Ne parlons pas de Ndongo Ebanga, (un autre médaillé olympique), ni, surtout, de Jean M. Emebe qui fut à deux doigts de monter sur la plus haute marche du podium mondial, dans la catégorie des Moyens.
Qu’est devenu le volleyball camerounais, si performant et si conquérant naguère, qui, à deux reprises, (au Brésil et au Japon), a eu l’honneur de représenter tout le continent africain à la phase finale de la Coupe du Monde ? S’agissant du cyclisme, qu’avons-nous fait du précieux héritage que nous ont légué les Atangana Omengue, Pommier, Awouma et Kono ? La misère généralisée dans laquelle se court aujourd’hui le soi-disant Tour du Cameroun devrait nous faire pleurer tous de honte. Que dire de l’athlétisme, ce parent le plus pauvre de tout notre mouvement sportif ?
Même les deux jolies médailles d’or olympiques de Mbango n’ont pas réussi à lui apporter une petite once d’une meilleure considération qu’il méritait pourtant largement. Pendant ce temps, même après que le Cap Vert – un minuscule pays moins peuplé que le quartier Mokolo à l’heure du marché – est venu nous barrer la route pour la Can, on continue de nous faire avaler le football dans toutes les sauces. Un étrange football où, au lieu du sport proprement dit, l’on parle surtout de l’inamovible président de la Fecafoot, de la valse des entraîneurs et, surtout, d’argent… On en a marre. « Footez »-nous la paix !
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