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MONO NDJANA FAIT SON LIT DANS LE CONFORMISME SOCIAL par Louis-Marie Kakdeu

Cameroun : Mono Ndjana fait son lit dans le conformisme social::CameroonTout d’abord, je tiens à regretter moi-aussi de la dérive des réactions ordurières qui tirent les débats politiques vers les injures et brouillent les ondes de l’opposition des idées. On peut aussi regretter que Mono Ndjana lui-même s’adresse à ses contradicteurs de façon méprisante comme s’il était obligé lui-aussi de sombrer dans l’injure pour ajuster son point de vue largement discutable en violation même des principes de la dialectique qu’il enseigne. En rédigeant cet article, je ne crois pas que la pensée du Professeur Mono Ndjana relève du tribalisme mais, je pense plutôt qu’elle s’inscrit dans la lignée de la « logique des tours » qui est défendue en Afrique subsaharienne dans une approche « d’en haut ou du dehors » comme étant la solution idoine pour instaurer la paix et la stabilité politique. 


Je m’inscris en faux contre cette approche parce qu’elle pervertit le sens de la démocratie en particulier et des sciences politiques en général en faisant de la conquête du pouvoir ou du Chef de l’Etat le bénéficiaire de l’action politique en lieu et place du peuple qu’on devrait servir. La logique des tours ne place pas le peuple au cœur de l’action politique ; elle fait le lit du Chef de l’Etat et conduit toute la réflexion politique aux stratégies de conquête ou de conservation du pouvoir. Ce faisant, les gens comme le professeur Hubert Mono Ndjana détournent l’opinion du sens réel de la démocratie.
Le raisonnement de l’universitaire est fondé sur un mensonge, celui de faire croire que le peuple veut au niveau tribal qu’un de ses filles ou de ses fils arrive au pouvoir. Il fait croire qu’en attribuant un poste de responsabilité à un enfant du village, on résout tous les problèmes du village. Cette approche serait très pertinente au Cameroun puisque nous avons la paix et la stabilité « si chères à notre Nation ». Soyons clairs : Paul Biya a pu se maintenir au pouvoir pendant 32 ans mais, il a plongé le pays dans la paupérisation. Défendre le clientélisme politique de Paul Biya comme vecteur de la paix revient à mettre la croix sur les ambitions de développement de notre Nation. 
L’universitaire ne fonde pas son raisonnement sur la réalité sociale car, ce qui choque l’opinion publique camerounaise aujourd’hui est moins l’ethnie de Paul Biya que sa longévité au pouvoir.  Quand on discute avec les Camerounais, ils disent qu’ils veulent l’alternance « d’abord » et « après, on va voir ». C’est en cela que l’approche décriée est « d’en haut et du dehors ». Tout peuple au monde ne veut qu’une chose : l’amélioration de ses conditions de vie. Celui ou celle qui a fait ses preuves dans l’amélioration des conditions de vie sera soutenu-e. Celui ou celle qui se montre digne de confiance ou capable de dire « Non ! » au clientélisme de Paul Biya sera soutenu-e au Cameroun à moins que l’opinion dominante ne fasse le lit de la logique des tours.
Je n’ai pas pu résister à la tentation de répondre encore au Professeur Mono Ndjana parce qu’il invoque les grands penseurs du monde pour justifier la médiocrité politique de Paul Biya en violation même du fond de la pensée de ces grands hommes qui n’ont écrit ni pour défendre le néo-présidentialisme ni pour valider le clientélisme politique. L’universitaire nous demande avec un conviction déconcertante de « respecter » la politique du ventre en vigueur et d’en tenir compte dans l’équation de la transition politique. Ce faisant, il fait son lit dans le conformisme susceptible d’être appelée la philosophie d’ « on va faire comment ? » On entendait les citoyens désemparés s’exclamer : « quand on est dépassé, on va faire comment ? » et aujourd’hui, ils ont la chance de trouver un professeur émérite qui leur donne raison : « tu te conformes et tu manges ta part. Tu penses que c’est toi qui va changer quoi ? Mêmes les Atéba Eyéné ont parlé, n’est-ce pas ils sont morts ? Tu penses que c’est toi qui va faire quoi ? Tu veux mourir aussi ? Mon frère, cherche là où tu peux bouffer pour toi et tu restes tranquille ! ». En nous demandant de « respecter la politique du ventre en vigueur », Mono Ndjana passe du statut du défenseur acharné du « libéralisme communautaire » à celui du défenseur dépourvu « du libéralisme alimentaire ». La politique du ventre n’est pas une fatalité. Ce n’est pas un fait culturel au Cameroun ; c’est conjoncturel. Le changement du centre d’intérêt de la politique nationale réduira l’incidence de cette pratique. 
On ne le dira jamais assez. La force politique de Paul Biya n’est rien d’autre que la démission de la société civile camerounaise. Les universitaires, supposés être d’office membres de la société civile et militants du changement social, se sont installés dans leur quasi totalité dans le conformisme social : ils ou elles servent « celui qui est au pouvoir » en stricte application de la « mentalité alimentaire ». C’est le lieu de rappeler quelques fondamentaux susceptibles d’éclairer l’opinion sur la possible porte de sortie du Cameroun actuel :
1.    Le clientélisme politique est une institution humaine. Cela veut dire que l’être humain qui l’a créé peut encore le détruire. Dans les années 1990, cette pratique s’est accentuée en Afrique subsaharienne suite à la volonté des pouvoirs en place de barrer la voie à l’alternance politique. Au Cameroun, Achidi Achu, l’alter ego de l’opposant Ni John Fru Ndi, a lancé la « politics na ndjangui » qui a bouleversé le pratique politique au Cameroun en promettant implicitement la récompense à toutes celles et à tous ceux qui feraient allégeance au régime de Paul Biya. Pendant la campagne électorale qui conduisit aux présidentielles de 1997, le langage du « njangui » consistait à proposer du « fifty-fifty » aux électeurs à savoir que « votre village donne ses voix à Paul Biya et ce dernier lui donne en retour une action publique, sinon il n’a rien». Achidi Achu lui-même témoigne : «Nous disions aux gens que si vous donnez vos voix à Paul Biya, étant donné qu’il gère le pays, il sera à mesure de vous donner en retour en fonction de vos besoins et des disponibilités du pays ». Ce clientélisme peut être combattu. En matière de formation de l’opinion, il suffit que les leaders d’opinion comme le Professeur Mono Ndjana cessent de s’y conformer.
2.    La logique des tours est un mensonge car, toutes les tribus n’arriveront jamais au pouvoir. Au Cameroun, il n’y a qu’une place pour 283 tribus. A qui le tour ? Non, il faut que nous cessions de nous focaliser sur les tribus et que nous passions à l’essentiel qui est la démocratie pour le développement. Le peuple veut le développement et il s’en fout de qui fera briller le soleil. Une équipe politique est comme une équipe de football. A l’entrée du stade, on ne sait pas qui va marquer le but de la victoire malgré l’existence des attaquants attitrés. Il arrive que le but de la délivrance vienne d’un défenseur. Pour que cela soit réalité, l’attaquant qui a la balle accepte de faire la passe au défenseur qui, par concours de circonstance, est mieux placé pour marquer. La logique de Mono Ndjana consisterait à dire que si un Béti est mieux placé pour nous marquer le but de la victoire, alors il ne faudrait pas lui faire la passe parce que son frère Béti a déjà eu à marquer le but par la passé. On comprend pourquoi notre équipe de football ne gagne plus ! Franchement, on n’a rien à foutre de qui marque le but. L’essentiel, c’est la victoire et les Camerounais doivent se concentrer sur l’essentiel.
3.    La personnalité politique qui sera mieux placée pour marquer le but sera soutenue, n’en déplaise à Mono Ndjana. En matière de formation de l’opinion, on n’a pas besoin d’un mois pour transformer les mentalités. Par exemple, les musulmans et les chrétiens qui s’entretuent maintenant en RCA vivaient quelques mois au paravent en paix. En 1990, Ni John Fru Ndi n’avait pas eu besoin de plusieurs mois pour devenir l’idole des Camerounais. D’ailleurs, au paravent, c’était un simple conseiller municipal inconnu sur la scène nationale.  En Tunisie, la révolution n’a pas eu besoin d’un mois pour s’imposer. C’était déjà le cas en Afrique subsaharienne et au Cameroun en février 2008 lors des émeutes de la faim. Cela veut dire que la mentalité alimentaire des Camerounais peut être changée dès le départ de Paul Biya et avant l’organisation des élections. Il suffit que chacun soit préparé à ne pas y faire obstacle le moment venu. C’est en cela que la persistance des opinions comme celle de Mono Ndjana sévit comme un poison social qui détournera les Camerounais de la mobilisation susceptible de conduire au changement politique.
4.    Mono Ndjana appartient à la génération des universitaires qui ont instauré la norme sociale selon laquelle « l’université doit suivre Paul Biya » alors que « c’est Paul Biya qui devait suivre l’université ». Une bonne partie de la recherche universitaire à consister à tout faire pour prouver la pertinence de la pensée de Paul Biya et justifier son éternisation au pouvoir, au lieu de tout faire comme c’est de coutume dans la démarche scientifique pour montrer les limites de la pensée de Paul Biya et l’emmener à améliorer sa politique. Si le Professeur Mono Ndjana veut nous passer ce témoin, alors on ne le prendra pas. On critiquera le Président en place pour son bien à lui-même et pour le bien du peuple. C’est notre contribution légitime de la société civile pour le changement social et l’amélioration des conditions de vie du peuple. Et c’est dans ce contexte que la réponse du peuple de France au roi Louis XVI a un sens: «Dites au roi que le peuple n'a pas d'ordre à recevoir de lui, mais que c'est à lui de recevoir les ordres du peuple».
Pour terminer, j’inviterai les Camerounais de bonne volonté à se mobiliser pour démentir, chacun autour de lui, le mensonge selon lequel seul un fils ou une fille du village est en mesure d’améliorer les conditions de vie des villageois. A la rigueur, il faudrait dire au peuple que la décentralisation permettra de résoudre les préoccupations locales et qu’au niveau national, on devrait rester ouvert à la productivité. On ne partage pas avec de produire. Après la production, l’Etat résoudra le problème des inégalités sociales non pas à l’aide de l’équilibre des postes politico-administratifs, mais à l’aide de la péréquation financière. Les nordistes n’ont rien à foutre qu’un des leurs soit au perchoir à l’Assemblée nationale : ils veulent plus de ministères opérationnels dans l’espoir que cela permettra de développer leurs régions. Les Bamilékés n’ont rien à foutre que monsieur Niat soit au Sénat : ils veulent pouvoir se mouvoir tranquillement au Cameroun. Les anglophones n’ont rien à foutre qu’on leur donne le premier ministère. Ils veulent vivre dans un pays plus juste et égalitaire. Ne détournons pas les vraies préoccupations du peuple par des postes alimentaires. Soutenons la logique de l’équilibre économique et financier qui permettra de demander aux collectivités décentralisées les plus riches de contribuer beaucoup plus à l’effort de solidarité nationale dans les collectivités les plus pauvres.  Cette politique a déjà fait ses preuves ailleurs. On l’adaptera chez nous avec succès si nous en avons la volonté politique. 
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