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Y A-T-IL ENCORE UN CAPITAINE DANS LE NAVIRE CAMEROUN ? par Florent Ndabo

Y a-t-il encore un chauffeur dans cette voiture qui a, semble-t-il, perdu la direction ? Y a-t-il encore un pilote dans cet avion qui perd de l’altitude ? Autant d’interrogations qui défilent à l’esprit du citoyen qui vit au Cameroun. Ceci au regard des affaires publiques.
ON POURRAIT SE poser ce genre de questions jusqu’à se fatiguer ou à perdre le nord dans la mesure où le navire Cameroun tangue dangereusement et semble sur le point de chavirer. En effet, à la lumière des récents événements survenus à la veille du départ du président Paul Biya au sommet Afrique, Union Européenne, à savoir l’incarcération du ministre des Enseignement secondaires Louis Bapès Bapès à Kondengui pendant 48 heures et sa remise en liberté provisoire, les Camerounais ne savent plus si leur pays est gouverné par un chef tout-puissant ?

En effet qui a ordonné l’incarcération du Minesec et qui a également ordonné sa libération ? Ces deux événements jurent et démontrent à souhait que quelques part, au sommet de l’exécutif, la machine s’enraye à travers des ordres et des contre-ordres. La preuve avant que le judiciaire n’ordonne la convocation et la détention d’un citoyen, de surcroît un ministre de la République en fonction et en poste, le ministère public prend la peine de se référer au garde des sceaux, le chancelier. Le ministre Laurent Esso, informé par le Procureur général près le Tribunal criminel spécial Emile Zéphyrin Nsoga, aurait dû obtenir les instructions de la présidence de la Républqiue.
En donnant le feu vert au Pg près le Tcs, Laurent Esso a dû obtenir toutes les garanties de sa hiérarchie. D’où vientil que le lendemain de l’incarcération du Minsec, on assiste à sa mise en liberté même provisoire. Sans être devin, l’ordre est venu du sommet de la relaxer immédiatement. Preuve d’une incoordination et de l’existence d’un affrontement des clans et des différents réseaux au sommet de l’Etat.
Atmosphère de fin de règne
N’ayons par peur des mots, le Cameroun actuel me rappelle la Côte-d’Ivoire les dernières années du règne de Félix Houphoüet Boigny. On assise à des luttes de positionnement des différents dauphins de la République. Il faut tout faire pour mouiller certains, accabler d’autres pour essayer de faire le vide le jour J. Le motif est tout trouvé : l’opération Epervier qui indexe les détourneurs de fonds publics ou de deniers publics. Cette épuration rappelle un certain « Goulag » qui existait du temps de l’Union des République socialistes soviétiques (Urss).
En Chine, aux lendemains du décès de Mao Ze Dong, ou a connu les camps de concentration chinoise où les cadres étaient systématiquement accusés de déviationnisme et bannis à vie. En général, quand on assiste à une atmosphère de fin règne, les règlements de comptes meublent la vie politique car celui qui détient le pouvoir commence à montrer des signes d’essoufflement couplés aux mouvements d’impatience des dauphins pressés de régler des comptes à d’autres dauphins potentiels, présumés ou en pôle position.
Nuit des longs couteaux
Nous assistons donc au prélude de la nuit des longs couteaux où chacun soupçonne l’autre de vouloir sa tête et sa peau. L’avantage revient donc à celui qui dégainera le premier et malheur à lui s’il rate ou loupe sa cible, il sera à nu. Il faut donc frapper le premier et avec précision. Ceux qui réussiront à faire le vide autour d’eux à  travers la délation pourront donc espérer être en vue le jour J. En effet depuis la proclamation des élections sénatoriales et des élections législatives et municipales l’année dernière, les citoyens camerounais attendent impatiemment la formation d’un nouveau gouvernement.
Malheureusement, Paul Biya, le sphinx, maître du temps au Cameroun, s’occupe d’autres dossiers prioritaires à ses eux. En plus, le chef de l’Etat du Cameroun n’aime jamais agir sous le coup de la pression car, c’est lui le chef d’orchestre. Il est le maître du temps qui parfois ou souvent, ignore la notion d’opinion publique. En plus gouverne-t-on souvent avec l’opinion publique ? «Rien ne fait mieux passer le message de l’obéissance qu’une tête sanguinolente au sommet d’un pieu» apprentis sorciers veille au grain et peut jamais se laisser surprendre. Le grand économiste John Kenneth Galbraith nous explique que «la politique n’est pas l’art du possible elle se réduit à choisir entre ce qui est désastreux et ce qui est désagréable». Dans le même ordre d’idées, Peter Drucker écrit «les dirigeants ne doivent pas attacher de valeur morale à  leurs idées. S’ils le faisaient, ils ne pourraient pas faire de compromis».
Calculs politiques machiavéliques
La situation que nous vivons aujourd’hui au Cameroun découle de ces calculs politiciens et machiavéliques car, selon moi, il est plus facile d’hériter du pouvoir que de le conquérir. Néanmoins, le passage de témoin est souvent étonnamment difficile. Avis donc aux dauphins présumés ou potentiels car, l’après-Paul Biya ne sera plus comme l’après Ahmadou Ahidjo car, on ne peut plus avoir un dauphin constitutionnel comme en novembre 1982. Nous allons assister à deux cas de figure :
- Le président Paul Biya arrive au terme de son mandat en octobre 2018, il aura alors 85 ans et il décide de ne plus être candidat, il organise donc l’élection présidentielle tout en battant campagne pour un candidat qu’il aura choisi et la transition se fera sans heurts.
- Soit, le président du Sénat organise les élections présidentielles et à ce niveau, on assistera aux déchirements au sein même du parti au pouvoir, ce qui pourrait favoriser un candidat de la dernière heure car, au niveau de l’opposition camerounaise il ne peut avoir aucune entente pour favoriser l’émergence d’un candidat unique  issu du consensus. Ces deux cas de figure sont possibles à condition que le président du Sénat et celui du Conseil constitutionnel (pas encore en place/jouent franc jeu en toute impartialité.
Il convient donc au chef de l’Etat en place à appliquer scrupuleusement cette réflexion de Thomas Jefferson : «pour un politicien, l’avenir ce sont les prochaines élections. Pour un homme d’Etat c’est la génération suivante ». En toute sérénité, le chef de l’Etat en train de préparer sa sortie en toute discrétion. Il se retrouve donc seul face à son destin et à celui du Cameroun. Pour l’intérêt supérieur de la Nation, la succession de l’actuel chef de l’Etat devrait se faire en douceur en pensant aux générations futures «pensons à l’avenir de nos enfants».
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