Ça fait exactement 11 ans que
Marco a quitté la scène à la Molière, et depuis lors, il est entré dans la
triste liste des « morts inutiles » de notre pays. Et comme la plupart de nos
morts un tant soit peu célèbres, on dit de lui qu’il a été vendu, condamné
comme Sisyphe à rouler la pierre dans les enfers, et à battre les briques de
terre dans les airs. Marc Vivien Foé est aussi « mort pour rien », son sang n’a
pas pu servir de rançon pour les péchés que les générations futures devaient
commettre à foison ni de source d’inspiration où celles-ci pouvaient venir
étancher leur soif de gloire et de gloriole. Pour nous, faire une corrélation
entre la mort étonnante de Marco et la « malédiction indomptable » qui s’abat
depuis lors sur les lions n’est pas une affaire anodine. Le triste constat que
nous pouvons faire, c’est que, depuis les années 2000, les Lions avaient tout
remporté jusqu’à la mort de Marco, et depuis juin 2003, les Lions n’ont plus
rien gagné du tout.
Quand
nous disons « rien gagné » c’est rien au sens nihiliste du mot. Cet échec
visible des Lions n’est que le reflet de celui du pays qu’ils sont tenus de
représenter. Parce que le peuple camerounais, commençant par ses dirigeants qui
digèrent plus qu’ils ne dirigent, a l’habitude de ne rien gagner du tout : ni
ses combats contre les autres ni combats contre lui-même. On n’a rien gagné,
bien sûr à l’exception décevante des capsules de bières, de la ligue de
champions de la longévité aux pouvoirs, de la coupe du monde de la corruption
et autres lauriers fanés qui reposent sur nos fronts flétris. Personne ne fera
croire le contraire malgré le « chantage » folklorique qui sévissait il y’a
deux ans, où un tristement célèbre artiste osait claironner « on a gagné on a
gagné », pourtant les Lions venaient de louper leur participation à la CAN 2012
et 2013. Une honteuse absence, d’abord parce qu’il n’est pas admissible que le
Cameroun soit absent à une telle compétition, ensuite la 2012 était organisée
par deux de nos voisins, parmi lesquels la Guinée de Nguema, que le Cameroun
envisageait annexer dans ses tristes années de gloire. D’où l’introduction de
la langue espagnole dans nos écoles, tributaire de la velléité de faire de la
Guinée notre 11e province, avant que Kondengui ne vienne lui ravir la vedette.
On arrive même à comparer les Lions à la blonde bière Heineken, car comme eux,
elle mousse, coûte cher, mais elle ne gagne pas.
Depuis
la mort de Marco, plutôt que de faire une étiologie rationnelle de l’échec
cuisant et répétitif des Lions, on a plutôt cherché à classer cela dans des
préoccupations mineures. Quand ces caustiques causes ne sont pas dans les
luttes personnelles, elles sont dévoyées au monde du surnaturel. De ce point de
vue, quand les lions perdent comme ils savent déjà si bien le faire, c’est parfois
les ministres de sports qui en pâtissent. Bidoung Mkpatt en a payé les frais en
2004 après l’échec des Lions en ¼’ de finale de la Can en Tunisie, Mbarga Mboa
pour n’avoir pas qualifié les Lions au mondial 2006, va être doucement forcé à
libérer le plancher. A. Edjoa pour avoir hésité à qualifier les Lions en 2010
va être détaché de la prairie, privé ainsi de la beuverie. (Lire JBT,
programmés pour échouer, 2010), Le ministre Fofé avait connu le même sordide
sort après la coupe du monde 90. Connaissant le maitre des jeux, Adoum Garoua
ne va surement pas déroger à la maladroite règle. Ces sinistres ministres sont
tous
coupables de jouer ou d’avoir badiné avec la mascotte fantoche du régime, qui
aime à profiter des victoires des Lions pour mentir aux yeux du monde que le
pays va bien.
Quand
ce ne sont pas les ministres qui en payent les frais, se sont les entraineurs,
qui au lieu d’entrainer les Lions à la victoire, sont entrainés à agir selon
les volitions des vantards et des voleurs. Depuis les années 70, aucun
entraineur des Lions n’a passé plus de trois ans à son poste. Cette fugacité ne
peut qu’étonner pour un pays comme le Cameroun, réputé pour sa pugnacité en ce
qui concerne la confiscation ad vitam des postes de responsabilité. C’est le
poste le plus rotatif du Cameroun, preuve que depuis la mort de Marco, les
Lions ont connu dix entraineurs. De Arie Haan à Finke passant par Nyongha,
Pfister, Nkono, Clémente, Lavagne et consort. Et chacun de ces entraineurs a
été frappé en sa manière de la marco-malédiction-indomptable. Or chacun d’eux,
pris respectivement, exemptés les nationaux, était arrosé d’énormes et
anormales sommes d’argent. On dépensera par exemple 150 millions de nos pauvres
francs, juste pour l’accueil de le Guen, baptisé Paul le Gain à l’occasion. Il
bénéficiera en une naine année, d’un demi-milliard de nos francs qui ne le sont
pas du tout, plutôt tordus comme ceux chargés de les distribuer, toujours en
cash. En plus de l’argent qui tombe au même rythme que les malades du sida et
du paludisme, tombent aussi des diluviennes pluies de chansons dédiées aux
Lions, des sommes de psaumes et des quantités de cantiques des cantiques et
incantations incapables à épurer la marco-malédiction indomptable.
Quand
ce ne sont pas les entraineurs, qu’on accuse à cause de leur extranéité et de
leur défaut de charisme, on se tourne aux causes surnaturelles comme on sait
bien le faire. Pour le commun, si nous échouons tant, c’est parfois à cause du
maillot jaune, qui est défini comme un maillot maudit, dont sa couleur
ensoleillée ne fait pas toujours briller les Lions. D’autres ont eu à penser
que chaque fois qu’il pleut à Yaoundé lors d’un match des Lions, la malchance
se lave. De ce point de vue, il faut garder quelques millions de francs aux «
gardiens » des traditions, pour qu’ils provoquent toujours la pluie le cas
échéant, même en saison sèche. On n’avait donc pas compris que les Lions aiment
tant voir la pluie tomber, pour qu’on ait l’impression que ces « mouilleurs »
savent si bien mouiller le maillot. On se souvient encore en Afrique du Sud, le
Ministère des Sports a pris en charge une douzaine de féticheurs, pour aider
les lions à pousser le ballon et à « garder » les buts lors de leurs
rencontres. Mais apparemment la malédiction était plus forte que toutes les
allumettes, et cette fois ci au Brésil il fallait prendre la prophétie féerique
de TD Joshua à l’envers. Le numéro 17, est devenu dans l’éthos camerounais, lui
aussi un maudit numéro, et ce n’est pas Idrissou qui va le contredire.
Certains
patriarches n’ont pas hésité à souffler dans certaines oreilles qu’ils savaient
bavardes, qu’ils ont « maudit » le stade. En 2010, Samuel Eto’o n’a pas tardé à
leur mouiller la barbe avec du liquide qui sait rendre propre ce que lave
l’eau. Il a fallu que le Cameroun organise la Can 72, pour que sorte de la
broussaille, ce stade qu’on esquive de prononcer son nom de baptême pour
l’appeler « cuvette de Mfandena ». C’est que ce stade porte un nom, celui du «
bâtisseur », du « président fondateur ». Celui qui, malgré le fait de posséder
un stade aussi grand, ne puisse bénéficier d’un seul mètre carré dans « son »
pays pour reposer sa tête. Près de ce stade, nous avons une rue qui n’a
attendue que la mort de Marco pour porter son nom. Mais le malheur c’est que,
Marco n’a jamais marché sur cette rue quand elle portait son nom.
Ceux
qui ont donné de leur sueur ensanglantée pour l’image du Cameroun, mais qui ont
le malheur d’être encore en vie, passent indifférent face au faciès des «
nécropolitiques » : qui décident de qui doit « vivre » et qui doit « mourir».
En
réalité il y’a une « malédiction scientifique » qui frappe des nations qui ne
respectent pas leurs morts et leurs légendes vivantes. Mais il faudra aussi
reconnaître que les vivantes légendes doivent savoir provoquer ce respect.
C'est-à-dire partir à temps, que ce soit de manière brusque comme Marco, ou de
manière aussi juste comme Jojo. Rigo a tardé avant de le comprendre, et après
une décennie comme capitaine des Lions, a risqué sortir de la tanière comme un
chien, la langue pendante et la queue entre les jambes. Aujourd’hui il occupe
un poste par défaut dont il ne maitrise ni les tenants ni les aboutissants.
Eto’o qui a d’une certaine manière provoqué cette sortie du « capitaine courage
», feigne de ne pas avoir retenu la leçon : quitter les choses avant qu’elles
ne vous quittent. Lui qui a été ramasseur de balles au jubilé de « jojo »
Antoine Bell, devait savoir que « lorsque vient le moment de s’arrêter, il vaut
mieux le savoir soi-même que de l’apprendre par d’autres » (vu de ma cage, P.
31).
Et ceci
relève encore d’une marco-malédiction, celle qui consiste à faire croire
qu’aussi vieux soit’ il, « un lion ne meurt jamais » il dort. Le problème c’est
qu’un lion dans son sommeil de parésie ou dans sa mort royale, ne mérite de
place que dans les vestiaires ou au cimetière. Il est temps que meure le lion
pour que revive sa royauté. Tous les lions de la génération Marco, doivent pour
une bonne fois jeter l’éponge et quitter la tanière. Que l’équipe se débarrasse
de la vieille coupe pour ne plus souiller le vin nouveau, qu’elle fasse enfin «
peau neuve » dans tous les sens du terme et de l’épiderme.
Félix TATLA MBETBO,
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