En affirmant ceci: «Aujourd’hui, il apparaît à l’ensemble de la classe politique que le développement du pays ne peut pas se faire sans incorporer les multiples talents, savoirs et savoir-faire qui sont ceux des Camerounais de la diaspora. Il faut noter que cet intérêt pour la diaspora est également le lieu de déploiement de la concurrence entre le pouvoir et l’opposition. » Mathias Eric Owona Nguini balançait intentionnellement ou non un coup de pied dans une fourmilière au cœur de laquelle la double nationalité est devenue un menu qui cause des coliques.
Nous sommes là au centre d’un tourbillon plus médiatique que normatif, organisé autour de la question de la nationalité se posant désormais et se proposant comme perspective de nationalité double. Comment en sommes-nous arrivés là.
Peut-on amenuiser la portée politique que représente l’attribution d’un autre passeport à un camerounais d’origine ? Que dire de notre drapeau national, cet autre symbole de la patrie ?
On serait tenté de penser que le temps où porter le drapeau de notre beau pays était un symbole de grande fierté nationale est derrière nous, dans ce Cameroun à la Paul Biya où de nationalité seule semble avoir survécu la surenchère oratoire. Et si ce n’est pas le cas, comment expliquer, je n’ose même pas dire justifier, comment expliquer que la remise de notre drapeau par notre Premier Ministre à l’entraineur allemand Finke en Juin 2014 n’ait pas provoqué un tsunami au sein du gouvernement de ceux qui veulent nous donner des leçons de nationalité mais ignorent ses symboles forts quand cela leur semble commode ? Il me semble que derrière tout le bruit organisé autour de la question non- question de la double nationalité, soit masquée une intention politique d’instrumentaliser la peur de voir la diaspora devenir une force qui compte politiquement.
Les camerounais dits de la diaspora ne sont que des acteurs sociaux de notre peuple au même titre que ceux résident à l’intérieur de notre triangle national. Ils ne rêvent que de voir leur pays évoluer, se développer et en général ils n’envisagent que de contribuer directement, honnêtement et efficacement à l’édification de leur pays d’origine qui est le Cameroun. Et en réalité leur acquisition d’une autre nationalité, celle que leur offre leur pays d’accueil est toujours pour eux et effectivement un paramètre de cette équation nationaliste.
Evacuons de suite quelques explications, la surenchère que le gouvernement du Cameroun fait sur la question de la double nationalité.
DOUBLE LANGAGE ET HYPOCRISIE NOTOIRE
Il est de notoriété publique que les successifs et diverses gouvernements de notre République sous le Lion de Mvomeka’a ont toujours regorgé de camerounais issus de la diaspora. Nombreux connaissent donc de bien prés la situation de la double nationalité. A dire donc que ce n’est pas la double nationalité qui est en question, ni la question dans leur imaginaire partisan. C’est la double nationalité de qui semble ne pas être de leur camp politique qui dérange. En effet lorsque les grands commis de l’Etat ne se cachent pas pour afficher leurs seconds passeports, les thuriféraires du régime se taisent. Tant que ces personnes sont membres ou sympathisants du parti au pouvoir, tout est en ordre. Ici le silence est une bénédiction et de confiance et de complaisance. C’est comme dans la mafia sicilienne : c’est la « cosa nostra », notre chose, nous en faisons donc ce que nous voulons.
Qui ne se souvient pas de la campagne macabre via la télévision nationale en 1991 contre Mongo Beti lynché publiquement sur le petit écran, avec à l’affiche des copie de ses documents français. Tout ceci dans le but de remettre en cause son patriotisme et faire de sa « longue » bouche une « bouche étrangère » et expatriée donc certainement pas un amant fidèle de notre peuple. Voilà le business de la peur en œuvre ici dans toute sa puanteur.
INTERPRETATION POLITICIENNE ET VOLONTAIREMENT BIAISÉE
Peut-on prétendre être plus patriote juste parce qu’on a jamais eu une seconde nationalité ? Personnellement, je ne le crois. Ne tombons pas dans ce qu’on peut qualifier ici de « nationalisme de pacotille » Parlons un peu des acteurs de tromperie publique. Je convoquerais volontiers ici Messanga Nyamding, politologue et membre du comité central du RDPC. Il est le visage même de cette race qui entretient la suspicion vis-à-vis des « Bi-nationaux.» On peut le prendre en flagrant délit proposant un mauvais exemple, notamment celui d’un ancien prisonnier franco-camerounais du nom de Thierry Michel Atangana, libéré pour ce qui semble sur la pression des autorités françaises. Ici le manipulateur notoire omet volontairement de dire que la France est intervenue pour signifier son désaccord pour le prolongement d’une seconde détention illicite ordonnée par une justice aux ordres de l’exécutif. Mr Atangana avait effectivement déjà purgé une peine de 17 ans de prison ferme.
Et que dire de la récente condamnation de maitre Lydienne Eyoum ?
Mais nous devons dire que s’ il y a des crainte légitime, on peut bien législativement les formuler à travers des lois justes et équilibrées qui résolvent des problèmes au lieu de détourner l’ attention sur la panne de l’ imagination politique de l’ oligarchie qui dirige notre pays.
CODIFICATION REAL-POLITIQUE PROTEGEANT LA NATIONALITÉ CAMEROUNAISE
Pour évacuer la peur des dirigeants locaux, on peut imaginer que nos régents puissent introduire un amendement constitutionnel autorisant à tout citoyen camerounais de détenir plusieurs passeports. Mais ceci entrainerait la restriction de l’accès à certaines fonctions publiques électives ou non comme la Présidence et le Parlement. Les binationaux seraient simplement exclus de toute possibilité de les briguer ces postes. Ceci permettra de prévenir une situation comme celle qu’a connue le Pérou avec son président Alberto Fujimori, refugié actuellement au Japon pour éviter les poursuites judiciaires. Gouverner c’est légiférer en fonction d’un projet de société et non vendre la peur.
Si un pays comme le Togo bien que n’assurant pas encore la double nationalité a décrété la fin des visas pour les togolais d’origine ayant un autre passeport, on comprend que l’enjeu pour ce pays est plus économique. Ici on essaye de voir ce que le pays peut bien tirer comme avantage de la situation. Ainsi ces « citoyens » bénéficieront de plus de facilité pour les déplacements et investissements. Mais chez nous on a organisé la chasse aux sorcières par réflexe de protection de la « mangeoire nationale « décrétée propriété privée du club des amis et des amis des amis.
Le slogan de la « double allégeance » qu’on prête à tous ceux qui ont « rejeté » momentanément la nationalité camerounaise est une insulte à ces vaillants compatriotes dont les transferts de fonds vers le pays atteindraient au moins 2% du PIB, plus que l’Aide Publique au Développement (APD) que les puissances nous vantent tant.
Ferdinand Mayega, chercheur et journaliste camerounais s’interrogeait déjà : « la diaspora […], ne constitue-t-elle pas le meilleur pilier de l’Afrique pour sortir du labyrinthe de la néguentropie ? »
Et pour multiplier les chances de réussite dans les pays hôtes, les citoyens camerounais de l’extérieur ont généralement besoin d’un nouveau passeport, d’une citoyenneté dite économique permettant de garantir un permis de travail définitif et des facilités de voyages et déplacements à travers le monde. La mobilité est bien la clé de l’entreprenariat. Avec un passeport britannique, c’est 160 pays qui vous ouvrent leurs frontières sans visa. Ceci représente bien un complexe d’opportunités qui constituent une valeur ajouté à notre passeport vert national.
Une bonne stratégie ferait porter l’accent sur le développement économique et la mise en place des programmes visant la réinsertion systématique des Camerounais d’origine formés à l’étranger dans tous les secteurs clés utiles pour le pays. Voilà ce sur quoi notre gouvernement devrait plancher, au lieu de tenter de masquer son manque d’ imagination et de créativité dans une lutte inutile contre un groupe de camerounais qui peuvent bien devenir partenaire de la reprise par nous même de notre destin nationale. Quand tu es en panne d’imagination, ouvre au moins tes yeux et tes oreilles si au moins tu en a encore.
Un pays africain comme l’Ethiopie a créé une synergie productive avec sa Diaspora. Et son économie gagne énormément des actions entrepreneuriales de ses ressortissants vivants à l’étranger. Avec des obligations pour ses populations lointaines, les "Diaspora Bonds" ont permis en partie le financement de la plus grande centrale hydraulique du continent. Un projet de 5 milliards de Dollars pour une production d’environ 6000 Mega Watt d’électricité sans financiers internationaux.
La compagnie aérienne, Ethiopian Airlines, a commandé ces jours directement 20 exemplaires d’avion Boeing 737, avec option sur 15 supplémentaires d’une valeur de plus de 2 milliards de Dollars. Ethiopian Airlines exploite une flotte de plus de 60 machines pendant que Camer-Co lutte encore pour sécuriser son site internet contre les pirates et n’arrive pas à concrétiser l’achat de 2 machines chinoises. Une performance impossible sans participation et apport palpables de la diaspora éthiopienne.
Au lieu d’attiser des guéguerres entres les composantes d’une même patrie qui est le Cameroun, les décideurs de Yaoundé feraient mieux d’imaginer comment mettre à profit l’expertise multi sectorielle de ses fils dispersés à travers le monde entier. L’heure n’est pas à l’exclusion. La double nationalité doit bien être sur la table comme une plus-value et non comme pomme de la discorde.
Toutes les organisations démocratiques de la diaspora Camerounaise annoncent se battre avec vigueur pour la reconnaissance de la double nationalité : j’y ajoute ma voix et mon énergie.
Senusret Nkohom WAD
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