Depuis une semaine, des chrétiens catholiques venus du monde entier, débattent à Rome sur l’avenir de la famille, dans le cadre d’un synode convoqué par le Pape François qui a placé son pontificat sous le signe de la miséricorde divine. Le mariage, la famille et la sexualité sont des réalités sociales qui, dans toute société, constituent le dernier bastion de la résistance à la dérégulation éthique. Mais depuis quelques décennies, les théories du genre et assimilées pilonnent les certitudes et les idées reçues sur ces piliers sociaux et culturels et les répercussions se font sentir jusque dans les Eglises, comme le montrent les débats houleux qui ont cours actuellement au synode sur la famille à Rome.
Le Pape François veut promouvoir une Eglise plus ouverte et accueillante, qui écoute, accompagne et encourage tous ses enfants quelles que soient leurs situations. L’idée est que Dieu rejoint chacun là où il se trouve dans sa vie et fait le chemin de la conversion avec lui. Mais certains chrétiens se demandent si une telle approche ne risque pas de conduire à des compromis doctrinaux qui risquent d’édulcorer la radicalité du message évangélique. Non, rétorquent d’autres, il s’agit plus d’un changement de ton et d’approche pastorale que de reforme doctrinale. Deux problématiques illustrent bien ce débat houleux : la place des chrétiens divorcés remariés et des chrétiens homosexuels dans l’Eglise catholique. Et pourquoi pas des chrétiens polygames aussi, se demandent certains !
Le mariage sacramentel étant indissoluble, les divorcés remariés sont considérés dans la doctrine et la pastorale catholique comme vivant en situation irrégulière, pour ne pas dire de péché, et par conséquent, ne peuvent pas accéder à la communion eucharistique. Au nom de la miséricorde, certains plaident pour l’assouplissement des dispositions pastorales de manière à permettre, dans certains cas, l’accès de ceux-ci à la communion eucharistique. Est en délibération aussi la révision éventuelle, en vue de l’assouplissement, des procédures de reconnaissance de la nullité de mariage pour permettre à des personnes dont le mariage avait été pourtant célébré de se séparer, sans qu’on ne parle de divorce. Quant aux homosexuels, toujours sans changer sa doctrine qui dit que l’homosexualité est un désordre moral, l’heure est aussi au changement de ton, pour encore une fois favoriser l’ouverture de l’Eglise à tous ses enfants. Mais le « mariage pour tous » n’est pas à l’ordre du jour.
Ces tentatives d’assouplissement ne sont pas bien accueillies par ceux des chrétiens catholiques qui y voient une tentative d’édulcoration de l’idéal moral et évangélique. Mais surtout, certains chrétiens africains trouvent ces débats trop centrés sur des problèmes qui, tout en étant réels, ne sont prioritaires qu’en Occident. Pour eux les priorités pastorales en Afrique concernent plus la polygamie, les familles monoparentales, la pauvreté, les mariages mixtes, et non les divorcés-remariés et les homosexuels. Si pastorale de miséricorde il doit avoir, il n’y a aucune raison de ne pas l’étendre aux situations pastorales particulières à l’Afrique. Mais il faut que les évêques africains parlent un peu plus fort et ensemble, s’ils veulent se faire entendre.
Lors des débats, c’est le Cardinal Wilfrid Napier, archevêque de Durban en Afrique du Sud, qui a courageusement enfoncé le clou en se demandant pourquoi les polygames en Afrique ne bénéficieraient pas des mêmes assouplissements pastoraux envisagés pour les divorcés remariés. D’après lui, le divorce-remariage serait en effet une polygamie qui ne dit pas son nom, une polygamie successive. Tandis que l’autre polygamie, très répandue en Afrique et ailleurs, est simultanée et aurait même l’avantage d’avoir des antécédents bibliques. Selon lui, s’il faut porter la croix des situations familiales et matrimoniales difficiles, c’est tout le monde qui doit le faire. Mais il a très peu de chances d’être entendu si les débats continuent à être dominés par les priorités pastorales occidentales.
L’Eglise catholique reste pour beaucoup en Afrique comme en Occident l’un des derniers bastions de la défense de la famille comme union d’un homme et d’une femme ouverte sur la procréation. S’il faut s’attendre à un changement de ton sur certaines situations humaines, il n’y a pas à s’attendre de si tôt à une reforme doctrinale sur le mariage et la famille dans l’Eglise catholique. Sur un sujet aussi sensible, les démons du schisme ne sont jamais loin !
P. Ludovic LADO, Jésuite
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