Le chef du groupe islamiste
nigérian Boko Haram, Abubakar Shekau, a annoncé le 7 mars avoir fait
allégeance au mouvement djihadiste Etat islamique (EI) qui cherche à
instaurer un califat au Moyen-Orient.
Boko Haram est un mouvement salafiste djihadiste du nord-est du
Nigeria ayant pour objectif d'appliquer la charia dans l'ensemble du
pays. Fondé par Mohammed Yusuf en 2002 à Maiduguri, le mouvement est
classé comme organisation terroriste par le Conseil de sécurité de l'ONU
et est parfois qualifié de secte. Abubakar Shekau a formulé cette
annonce trois semaines avant la présidentielle nigériane que les
insurgés islamistes menacent de perturber.
Son annonce d'allégeance n'est pas la première du genre, mais a
attiré cette fois-ci l'attention des médias internationaux, a indiqué Li
Wei, expert au Centre de recherche anti-terroriste de l'Institut
chinois des relations internationales contemporaines.
Selon M. Li, Boko Haram avait tout d'abord mené ses activités dans le
nord-est au Nigeria, mais depuis l'année dernière, ses activités
terroristes traversent les frontières pour entrer au Niger, au Cameroun
et au Tchad. Cette déclaration d'allégeance paraphe des similarités en
matière d'idéologie (tous deux souhaitent l'instauration de la charia et
d'un califat) et d'organisation d'activités entre les deux groupes,
mais on ne constate pas de lien substantiel entre eux pour le moment.
Boko Haram opère depuis 2009 au Nigeria, où l'insurrection et sa
répression ont fait plus de 13.000 morts et 1,5 million de déplacés. Les
insurgés islamistes de Boko Haram ont enlevé à la mi-avril 2014 plus de
200 lycéennes à Chibok, dans le nord-est du Nigeria, ce qui a suscité
l'indignation au niveau mondial.
Ces dernières semaines, les troupes nigérianes ont délogé les
combattants de Boko Haram de différentes villes et communautés dans les
Etats du nord du pays tels que Borno, Yobe et Adamawa. Pour sa part,
Boko Haram a depuis début 2015 intensifié ses attaques dans le nord-est
du Nigeria rongé par les violences.
M. Li a estimé que, grâce à son acte d'allégeance à l'EI, Boko Haram
espère devenir un groupe plus important en Afrique comparé au Maghreb
islamique et à al-Shabaab. Boko Haram souhaite aussi obtenir une aide
financière accrue, recruter des membres plus facilement, et améliorer
son influence régionale.
Boko Haram, dont le nom veut dire l'"éducation occidentale est
interdite", contrôle plusieurs parties des Etats du nord-est du pays. Ce
groupe armé se bat pour instaurer un Etat islamique au Nigeria, pays le
plus peuplé d'Afrique. Mais, le fondamental de la menace terroriste est
son caractère transnational.
He Wenping, chercheuse à l'Académie chinoise des sciences sociales,
pense que Boko Haram est parvenu à se développer en seulement deux
étapes : auparavant, il ne menait ses activités qu'au Nigeria, mais
depuis l'année dernière, il a lancé les attaques transfrontalières dans
les pays voisins tels que le Tchad, le Cameroun, et le Niger, ce qui l'a
fait devenir une organisation terroriste régionale. L'annonce de son
allégeance à l'EI l'a ainsi aidé à se transformer en une organisation
terroriste internationale.
Le 7 février 2015, lors d'une réunion à Yaoundé, le Nigeria, le
Tchad, le Niger, le Cameroun et le Bénin ont convenu de mobiliser 8700
hommes, au lieu de la projection de 7500 troupes annoncées par l'Union
africaine (UA) en sommet fin janvier à Addis Abeba, dans le cadre d'une
force africaine pour lutter contre le groupe terroriste Boko Haram.
L'offensive régionale lancée fin janvier
par le Tchad, le Cameroun et le Niger -- eux aussi touchés par des
attaques islamistes dans la région du lac Tchad -- a porté des coups aux
jihadistes, qui ont dû abandonner plusieurs positions dans l'extrême
nord nigérian. Tout cela a mis la pression sur ce groupe terroriste.
Ainsi, à travers son allégeance à l'Etat islamique, Boko Haram espère
pouvoir améliorer son recrutement international et renforcer sa présence
sur le continent, a indiqué M. Li.
Boko Haram veut être considéré comme l'EI de l'Afrique, mais la lutte
régionale et internationale contre le terrorisme n'est pas suffisante, a
souligné M. Li, qui a precisé qu'en Afrique, la lutte antiterrorisme
manque de cohésion, et que le contrôle des frontières doit être
amélioré.
L'avis de Li Wei est partagé par Pape Ndiaye Diouf, directeur de
l'Institut africain de formation pour le développement. Lors d'une
interview à Xinhua, l'universitaire sénégalais a souligné qu'"il faut
que les dirigeants africains prennent leur responsabilité historique
pour construire une véritable union africaine, capable de réagir chaque
fois qu'elle est menacée, chaque fois qu'elle est agressée, que ce soit
sous forme d'extrémisme idéologique, religieux ou même économique".
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