Les Camerounais ont un lointain souvenir du séjour dans leur pays d’un chef d’Etat parmi les grands du monde. En 2001, le chef de l’Etat français, Jacques Chirac était à Yaoundé, à l’occasion du XXIème sommet franco-africain. Avec une virée fort symbolique à Garoua, pour rattraper l’étape qu’il avait manquée en 1999, lorsqu’il fut obligé d’écourter sa visite officielle, en raison de l’annonce du décès d’Hassan II, alors roi du Maroc. C’était alors le plus gros poids lourd de la scène politique mondiale, qui rehaussait par sa présence, le rayonnement diplomatique du président camerounais, Paul Biya. Puis, il a fallu du temps, lorsqu’en 2007, le chef de l’Etat chinois, Hu Jintao effectua une visite officielle à Yaoundé. Le président Biya vantait autant les retombées économiques de la présence au Cameroun du géant chinois que le prestige diplomatique qui en découlait.
Les analystes politiques qui notent avec scepticisme que la diplomatie de Yaoundé est plombée par la mauvaise gouvernance du régime en place ont aussi conscience de l’absentéisme du président Biya sur la scène internationale quand bien même il passe plus de temps à l’étranger que dans son propre pays. Mais les partisans du régime évoquent plutôt l’idée obscure d’une « diplomatie efficace ». Position du reste démentie par la réalité des faits. En effet, de 2007, il faut attendre 2010 pour voir l’arrivée en terre camerounaise d’un autre « poids lourd ». Le président de la Turquie débarque au Cameroun, au cours d’une visite officielle annoncée à grands renforts de publicité. Abdoullah Gül est présenté comme un véritable trophée de guerre dans un pays où les visiteurs de première zone se font rares. La Turquie à l’étroit en Europe recherche des partenaires en Afrique pour son économie en pleine expansion. Le Cameroun lui avait alors ouvert ses portes, avec à la clé une visite du président Biya à Ankara.
Paria
C’est avec la France que le régime de Biya a essuyé ses revers diplomatiques les plus cuisants. Dans les antichambres, de gros moyens financiers et ésotériques sont mobilisés pour obtenir la visite du successeur de Jacques Chirac. Sauf que Nicolas Sarkozy fait le tour de l’Afrique, du Sud à l’Ouest, en passant par le Centre où le Cameroun se donne la position de locomotive. Libreville peut se vanter d’accueillir le chef de la « métropole ». Un privilège auquel Biya et ses courtisans ne peuvent prétendre. On prête même au patron de l’UMP français, l’idée de renverser le pouvoir de Biya, pour « déficit démocratique ».
François Hollande qui succède à Sarkozy reste sur la même ligne d’isolement de Paul Biya. Il va et vient en Afrique Centrale. Bangui déchiré par la guerre accueille le Français. Le Tchad du président Idriss Déby obtient aussi facilement une visite amicale de Hollande. Pour le Cameroun, c’est Niet. Pour se donner bonne conscience, le régime agite des promesses pour entretenir l’espoir et sauver la face. « Le président Hollande effectuera bientôt une visite officielle au Cameroun ». C’est le ministre français des Affaires étrangères qui a officialisé la nouvelle récemment. Mais il ne s’agit que d’une annonce, dans un climat tendu par des suspicions de déstabilisation du pays par l’ancienne métropole.
L’ambassadeur de France en poste à Yaoundé a dû multiplier des sorties médiatiques pour démentir tout complot contre Biya, toute implication dans l’offensive djihadiste de la secte Boko Haram au septentrion. Mais dans les couloirs du palais d’Etoudi, Paris est pointé du doigt comme un adversaire qui soutient les plus farouches opposants au régime. Si Paris est ouvertement ou discrètement indexé par le pouvoir en place, il ne peut en être de même pour les Etats-Unis d’amérique. Paul Biya ne rêve même pas de voir un jour l’arrivée sur notre sol d’un président Américain. Clinton, Bush père et fils, Obama n’ont jamais pensé à la destination Cameroun. Idem pour les Premiers Ministres qui se sont succédé à la tête du gouvernement britannique.
Pour Sarkozy, Hollande, Obama ou Cameron, le pouvoir de Yaoundé n’est pas un modèle de démocratie, et ne mérite pas une visite officielle. Le régime de Biya, très efficace en diplomatie d’absence, est tout autant efficace lorsqu’il faut dissimuler ses échecs diplomatiques. Il n’a pas droit à la visite des « grands », peut-on constater, dans les faits.
Denis Nkwebo
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