Opinions Nouvelles

Opinions Nouvelles
Opinions pour mieux comprendre où va le monde

Alfred KABORE : L’après-Blaise sera pire que l’après-Bozizé…

L’auteur du point de vue ci-après estime que le rejet du Sénat par des manifestations de rue est loin d’être une solution. Selon lui, en tant que terre de paix, le Burkina doit se féliciter de ce qu’il a plutôt que de chercher l’inconnu.Chaque peuple a le gouvernement qu’il mérite et ne doit pas se plaindre. Dans la situation actuelle du Burkina Faso, tout le monde est responsable et doit rendre compte d’une manière ou d’une autre en cas de besoin. Comme dit un proverbe mossi : "yirs bontaab ti koaba" « les moineaux donnent d’autres noms à d’autres moineaux alors qu’ils sont les mêmes ». Les "petits, les défavorisés, les abandonnés" dont parlent les éducateurs et les pasteurs de toutes les confessions religieuses ne savent ni demander ni recevoir dans beaucoup de cas. Ils en veulent à d’autres et les rendent responsables de leur situation au lieu de se battre.

Combien de personnes abandonnent leurs parents, leur famille, qui auraient pu leur trouver quelque chose à faire pour vivre ? La famille et la morale familiale n’existent plus. Chacun fait ce qu’il veut et souffre comme il veut en toute liberté. Beaucoup de jeunes se complaisent dans le chômage, fuient les efforts et recherchent les gains faciles ; ils rendent les vieux et les autres responsables gratuitement. L’homme qui vivait à la sueur de son front est remplacé par l’homme félon qui veut vivre à la sueur du front du voisin.

 Engagez un frère dans votre entreprise, dans votre métier ; il vous fera tomber en faillite, vous obligeant ainsi à renvoyer vos employés. Les parents ne peuvent rien, les gouvernants, et les religieux non plus. Les jeunes attendent et guettent la campagne électorale, par exemple, pour créer et utiliser le faux pour prendre de l’argent aux candidats. Ils ne croient en rien ! Les jeunes n’incarnent plus un idéal mais l’amour de ce qui peut être capté et avalé tout de suite. On ne peut rien tirer de concret ni de positif de ces genres de jeunes qui peuplent nos villes et nos campagnes et font pleurer leurs parents. Beaucoup sont ingrats. Il y a un dérapage social général. La jeunesse actuelle apparaît à bien des égards comme un mal nécessaire. Ce n’est pas une panacée.


 Les urnes ne mentent pas et ne donnent jamais de résultats  « fictifs ». C’est la volonté des hommes et des femmes, leur conscience pervertie, leur gourmandise qui faussent les résultats attendus. Beaucoup juraient par tous les diables qu’ils ne voteraient plus tel ou tel parti. Une seule nuit a suffi pour tout chambouler avec des billets de banque et autres bricoles pour ménagère. Il y a là aussi dérapage moral. La bonne conduite comme défaut d’homme est dépassée de nos jours.

Il y a plus grave ! Nos évêques ont toujours demandé aux fidèles chrétiens de ne pas se désintéresser de la chose politique pour corriger ce qui peut l’être par leur choix éclairé. Ce n’est pas une consigne de vote ni de chaise vide, mais un conseil pour participer de façon consciente et honnête à la gestion de la chose publique. Durant toutes les campagnes électorales que j’ai menées, les plus grands fraudeurs électoraux, les plus enragés contre toute idée nouvelle, tout changement, étaient les croyants chrétiens ou musulmans qui ont toujours accompagné massivement les gouvernements RDA, ODP/MT, CDP. Ils ont toujours aidé à vaincre dans les urnes mais il faut aussi aider à gouverner surtout après le vote d’une loi. Il est regrettable de constater que, comme les urnes, les églises, les mosquées et les temples se remplissent mais il n’en sort pas toujours des résultats attendus : l’amour de la justice, de la solidarité, du prochain, de la paix sociale, de l’unité nationale. L’échec de l’éducation nationale et religieuse est patent. C’est peut-être pour cette raison que certains hauts responsables religieux, profondément croyants, préfèrent rendre le tablier pour ne pas cautionner certaines actions qui prêchent le vrai et pratiquent le faux. C’est très honnête et ça donne à réfléchir.
Le débat actuel sur la vie chère et le Sénat interpelle tous les responsables et pose des questions à chacun de nous :

./ Comment gouverner, le cas échéant, un pays comme le Burkina Faso, pauvre et très endetté dont la population, longtemps tannée par la chefferie traditionnelle, ne demande qu’à obéir pour avoir la paix et un peu de pain quotidien ?

./ Comment gouverner un pays comme le Burkina Faso ayant eu à sa tête un chef comme Blaise Compaoré pendant vingt-cinq ans qui, après tout ce que l’on sait, a fini par concentrer quelquefois, malgré lui, entre ses mains, tous les pouvoirs et à remporter tous les succès électoraux sans aucune contestation de rue ?

./ Comment gouverner un pays comme le Burkina Faso dont le leader est devenu incontournable dans la région, dans la sous-région pour toutes les questions de gouvernance et de crise ?

./ Comment gouverner un pays où l’armée, unie et désunie à la fois, a refusé de prendre, sans coups férir, le pouvoir au moment où il tombait ?

./ Comment gérer un pays dont la population à majorité écrasée par la pauvreté, l’ignorance, la peur, l’égoïsme, la haine, la rancune, fournit un médiocre corps électoral à 90% analphabète qui doit choisir ses responsables ?

./ Comment gérer sans transition spéciale, consensuelle, un Burkina Faso où un combattant comme Blaise Compaoré a pesé de tout son poids sur la politique nationale pendant près de vingt-cinq ans avec les salaires régulièrement payés, un Burkina Faso où toute la logique politique s’efface devant la puissance d’argent et la force féodale ?

Blaise Compaoré après 2015 ? Pourquoi pas si ça plaît à la majorité silencieuse dans une nation qui se construit et qui a besoin de la paix pour poursuivre ? Pourquoi pas si tout pouvoir est un pouvoir, qu’il soit issu des urnes ou d’autres sources populaires ?

Après tout, le Moogho Naaba règne toute sa vie et sa succession se fait de père en fils et aucun moaga démocrate ne se plaint officiellement encore moins les autres ethnies qui sont aussi des Burkinabè ? Pourquoi pas alors que nous sortons à peine d’une révolution qui a transformé positivement certaines choses et a mis sur les rails un train de développement ?

Dans le contexte et la situation nationale actuels du pays, les acteurs au pouvoir comme à l’opposition ne pourront pas gérer seuls le Burkina Faso après Blaise Compaoré ; il faut éviter de « combattre pour le roi de Prusse » c’est-à-dire pour d’autres personnes. Il faut, pour cela, opérer un savant dosage alliant, sans haine ni rancune, les hommes du pouvoir actuel, les hommes de l’opposition, de la société civile pour sécuriser les uns et les autres en vue d’une bonne transition et d’une bonne gouvernance. Le rôle de nos institutions démocratiques (Assemblée nationale, Sénat) sera primordial avec Blaise Compaoré. Chasser un dirigeant du pouvoir ne doit pas être une fin en soi. Il ne suffit pas seulement de prendre le pouvoir, il faut savoir et pouvoir le gérer à la durée.


Nous sommes tous responsables et devons corriger ce qui ne va pas actuellement et ce dans la paix et non dans la violence. Il ne faut pas penser que ce qui se passe ailleurs n’arrive que là-bas ? Ne détruisons pas la paix pour la rechercher après. La politique ne doit pas être le « hôte-toi que je m’y mette ».

Le moment est venu où tout démocrate sincère, nationaliste doit, sans rejeter le raisonnement relatif au droit et à la Constitution, tenir compte de ce que le Burkina Faso a engrangé en matière de stabilité, de développement, de diplomatie, d’exercice démocratique (élections présidentielles, législatives municipales, sénatoriales). Certes, tout n’est pas parfait mais il y a un minimum perfectible. L’un des maux létaux dont souffre notre démocratie et dont personne ne parle est le corps électoral qui ne remplit pas toutes les conditions pour opérer un choix de qualité. Cet élément fondamental de tout processus démocratique est médiocre et incompétent dans une population analphabète à 90%. C’est un autre article 37
 qui doit être déverrouillé pour ne donner le droit de vote qu’à ceux et celles qui savent lire et écrire et qui peuvent avoir en poche, lors du scrutin, une somme de 5 à 10 000 francs CFA au moins. Il nous faut un corps électoral plus fiable, moins dépendant financièrement et pouvant résister un tant soit peu à la pression féodale.


L’après-Blaise Compaoré, si l’on n’y prend garde, sera pire que l’après-Bozizé, Kadhafi, Ben Ali, Houphouët Boigny, Moubarack, etc. La fin des longs règnes qui rimaient avec dictature est souvent catastrophique.

 Ni la haine du Sénat ni la peur du déverrouillage de l’article 37 ne doivent nous pousser à sauter dans l’incertitude et la violence politique. C’est toujours le "pauvre et le petit" qui payent. Le sang appelle le sang. L’histoire ne donnera raison à personne après des violences meurtrières. Entre la paix et le maintien de l’article 37, je choisis la paix. Entre la
 mauvaise gouvernance actuelle avec ses tendances et ses tares et la prochaine révolution qui n’épargnera personne, je choisis la mauvaise gouvernance pour le moment.



Ouagadougou, le 30/07/2013

Partagez sur Google Plus

About BIGDeals

This is a short description in the author block about the author. You edit it by entering text in the "Biographical Info" field in the user admin panel.
    Blogger Comment
    Facebook Comment

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Laissez nous un commentaire sur cet opinion.