L’auteur du point de vue ci-après estime que le rejet du Sénat par des
manifestations de rue est loin d’être une solution. Selon lui, en tant que terre
de paix, le Burkina doit se féliciter de ce qu’il a plutôt que de chercher
l’inconnu.Chaque peuple a le gouvernement qu’il mérite et ne doit pas se
plaindre. Dans la situation actuelle du Burkina Faso, tout le monde est
responsable et doit rendre compte d’une manière ou d’une autre en cas de besoin.
Comme dit un proverbe mossi : "yirs bontaab ti koaba" « les moineaux donnent
d’autres noms à d’autres moineaux alors qu’ils sont les mêmes ». Les "petits,
les défavorisés, les abandonnés" dont parlent les éducateurs et les pasteurs de
toutes les confessions religieuses ne savent ni demander ni recevoir dans
beaucoup de cas. Ils en veulent à d’autres et les rendent responsables de leur
situation au lieu de se battre.
Combien de personnes abandonnent leurs parents, leur
famille, qui auraient pu leur trouver quelque chose à faire pour vivre ? La
famille et la morale familiale n’existent plus. Chacun fait ce qu’il veut et
souffre comme il veut en toute liberté. Beaucoup de jeunes se complaisent dans
le chômage, fuient les efforts et recherchent les gains faciles ; ils rendent
les vieux et les autres responsables gratuitement. L’homme qui vivait à la sueur
de son front est remplacé par l’homme félon qui veut vivre à la sueur du front
du voisin.
Engagez un frère dans votre entreprise, dans votre métier ; il
vous fera tomber en faillite, vous obligeant ainsi à renvoyer vos employés. Les
parents ne peuvent rien, les gouvernants, et les religieux non plus. Les jeunes
attendent et guettent la campagne électorale, par exemple, pour créer et
utiliser le faux pour prendre de l’argent aux candidats. Ils ne croient en rien
! Les jeunes n’incarnent plus un idéal mais l’amour de ce qui peut être capté et
avalé tout de suite. On ne peut rien tirer de concret ni de positif de ces
genres de jeunes qui peuplent nos villes et nos campagnes et font pleurer leurs
parents. Beaucoup sont ingrats. Il y a un dérapage social général. La jeunesse
actuelle apparaît à bien des égards comme un mal nécessaire. Ce n’est pas une
panacée.
Les urnes ne mentent pas et ne donnent jamais de résultats
« fictifs ». C’est la volonté des hommes et des femmes, leur conscience
pervertie, leur gourmandise qui faussent les résultats attendus. Beaucoup
juraient par tous les diables qu’ils ne voteraient plus tel ou tel parti. Une
seule nuit a suffi pour tout chambouler avec des billets de banque et autres
bricoles pour ménagère. Il y a là aussi dérapage moral. La bonne conduite comme
défaut d’homme est dépassée de nos jours.
Il y a plus grave ! Nos évêques ont toujours demandé aux
fidèles chrétiens de ne pas se désintéresser de la chose politique pour corriger
ce qui peut l’être par leur choix éclairé. Ce n’est pas une consigne de vote ni
de chaise vide, mais un conseil pour participer de façon consciente et honnête à
la gestion de la chose publique. Durant toutes les campagnes électorales que
j’ai menées, les plus grands fraudeurs électoraux, les plus enragés contre toute
idée nouvelle, tout changement, étaient les croyants chrétiens ou musulmans qui
ont toujours accompagné massivement les gouvernements RDA, ODP/MT, CDP. Ils ont
toujours aidé à vaincre dans les urnes mais il faut aussi aider à gouverner
surtout après le vote d’une loi. Il est regrettable de constater que, comme les
urnes, les églises, les mosquées et les temples se remplissent mais il n’en sort
pas toujours des résultats attendus : l’amour de la justice, de la solidarité,
du prochain, de la paix sociale, de l’unité nationale. L’échec de l’éducation
nationale et religieuse est patent. C’est peut-être pour cette raison que
certains hauts responsables religieux, profondément croyants, préfèrent rendre
le tablier pour ne pas cautionner certaines actions qui prêchent le vrai et
pratiquent le faux. C’est très honnête et ça donne à réfléchir.
Le débat actuel sur la vie chère et le Sénat interpelle tous
les responsables et pose des questions à chacun de nous :
./ Comment gouverner, le cas échéant, un pays comme le
Burkina Faso, pauvre et très endetté dont la population, longtemps tannée par la
chefferie traditionnelle, ne demande qu’à obéir pour avoir la paix et un peu de
pain quotidien ?
./ Comment gouverner un pays comme le Burkina Faso ayant eu
à sa tête un chef comme Blaise Compaoré pendant vingt-cinq ans qui, après tout
ce que l’on sait, a fini par concentrer quelquefois, malgré lui, entre ses
mains, tous les pouvoirs et à remporter tous les succès électoraux sans aucune
contestation de rue ?
./ Comment gouverner un pays comme le Burkina Faso dont le
leader est devenu incontournable dans la région, dans la sous-région pour toutes
les questions de gouvernance et de crise ?
./ Comment gouverner un pays où l’armée, unie et désunie à
la fois, a refusé de prendre, sans coups férir, le pouvoir au moment où il
tombait ?
./ Comment gérer un pays dont la population à majorité
écrasée par la pauvreté, l’ignorance, la peur, l’égoïsme, la haine, la rancune,
fournit un médiocre corps électoral à 90% analphabète qui doit choisir ses
responsables ?
./ Comment gérer sans transition spéciale, consensuelle, un
Burkina Faso où un combattant comme Blaise Compaoré a pesé de tout son poids sur
la politique nationale pendant près de vingt-cinq ans avec les salaires
régulièrement payés, un Burkina Faso où toute la logique politique s’efface
devant la puissance d’argent et la force féodale ?
Blaise Compaoré après 2015 ? Pourquoi pas si ça plaît à la
majorité silencieuse dans une nation qui se construit et qui a besoin de la paix
pour poursuivre ? Pourquoi pas si tout pouvoir est un pouvoir, qu’il soit issu
des urnes ou d’autres sources populaires ?
Après tout, le Moogho Naaba règne toute sa vie et sa
succession se fait de père en fils et aucun moaga démocrate ne se plaint
officiellement encore moins les autres ethnies qui sont aussi des Burkinabè ?
Pourquoi pas alors que nous sortons à peine d’une révolution qui a transformé
positivement certaines choses et a mis sur les rails un train de développement
?
Dans le contexte et la situation nationale actuels du pays,
les acteurs au pouvoir comme à l’opposition ne pourront pas gérer seuls le
Burkina Faso après Blaise Compaoré ; il faut éviter de « combattre pour le roi
de Prusse » c’est-à-dire pour d’autres personnes. Il faut, pour cela, opérer un
savant dosage alliant, sans haine ni rancune, les hommes du pouvoir actuel, les
hommes de l’opposition, de la société civile pour sécuriser les uns et les
autres en vue d’une bonne transition et d’une bonne gouvernance. Le rôle de nos
institutions démocratiques (Assemblée nationale, Sénat) sera primordial avec
Blaise Compaoré. Chasser un dirigeant du pouvoir ne doit pas être une fin en
soi. Il ne suffit pas seulement de prendre le pouvoir, il faut savoir et pouvoir
le gérer à la durée.
Nous sommes tous responsables et devons corriger ce qui ne
va pas actuellement et ce dans la paix et non dans la violence. Il ne faut pas
penser que ce qui se passe ailleurs n’arrive que là-bas ? Ne détruisons pas la
paix pour la rechercher après. La politique ne doit pas être le « hôte-toi que
je m’y mette ».
Le moment est venu où tout démocrate sincère, nationaliste
doit, sans rejeter le raisonnement relatif au droit et à la Constitution, tenir
compte de ce que le Burkina Faso a engrangé en matière de stabilité, de
développement, de diplomatie, d’exercice démocratique (élections
présidentielles, législatives municipales, sénatoriales). Certes, tout n’est pas
parfait mais il y a un minimum perfectible. L’un des maux létaux dont souffre
notre démocratie et dont personne ne parle est le corps électoral qui ne remplit
pas toutes les conditions pour opérer un choix de qualité. Cet élément
fondamental de tout processus démocratique est médiocre et incompétent dans une
population analphabète à 90%. C’est un autre article 37
qui doit être
déverrouillé pour ne donner le droit de vote qu’à ceux et celles qui savent lire
et écrire et qui peuvent avoir en poche, lors du scrutin, une somme de 5 à 10
000 francs CFA au moins. Il nous faut un corps électoral plus fiable, moins
dépendant financièrement et pouvant résister un tant soit peu à la pression
féodale.
L’après-Blaise Compaoré, si l’on n’y prend garde, sera pire
que l’après-Bozizé, Kadhafi, Ben Ali, Houphouët Boigny, Moubarack, etc. La fin
des longs règnes qui rimaient avec dictature est souvent catastrophique.
Ni
la haine du Sénat ni la peur du déverrouillage de l’article 37 ne doivent nous
pousser à sauter dans l’incertitude et la violence politique. C’est toujours le
"pauvre et le petit" qui payent. Le sang appelle le sang. L’histoire ne donnera
raison à personne après des violences meurtrières. Entre la paix et le maintien
de l’article 37, je choisis la paix. Entre la
mauvaise gouvernance actuelle
avec ses tendances et ses tares et la prochaine révolution qui n’épargnera
personne, je choisis la mauvaise gouvernance pour le moment.
Ouagadougou, le 30/07/2013
- Blogger Comment
- Facebook Comment
Inscription à :
Publier les commentaires
(
Atom
)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Laissez nous un commentaire sur cet opinion.