L’organisation de la Journée Mondiale des Enseignant(e)s 2014 est placée sous le thème « Investir dans l’avenir, investir dans les enseignants. » Le choix des termes de ce slogan cadre parfaitement avec la logique de la mondialisation marchande dont le paradigme s’impose douloureusement à nos sociétés depuis des décennies. Il s’agit d’une logique de chiffre d’affaires et de profit, qui est en même temps une logique d’exploitation radicale et éhontée des individus et des biens.
L’éducation publique, destinée à assurer dans nos pays pauvres l’égalité d’opportunités entre les riches et les déshérités, est aujourd’hui hors de prix, en raison de l’érosion des interventions de l’Etat et des taux prohibitifs des contributions APEE qui s’y pratiquent. Le prix du livre scolaire aujourd’hui, laissé à la discrétion d’un secteur privé dominé par les multinationales, met hors de portée de la plupart des enfants scolarisés un outil essentiel à une formation de qualité. La proportion d’enseignants vacataires ou « de parents » ne cesse d’augmenter, et dans certaines zones côtoie les 50%. Ces derniers, payés au SMIG au Secondaire et en-deçà au Primaire et Maternel, ne sont pas motivés pour demeurer dans l’enseignement et, par conséquent, n’ont aucune ambition d’y offrir des prestations de qualité.
Depuis quelques années, cette logique marchande s’est emparée également de la Journée Mondiale des Enseignant(e)s à travers l’impression et la vente de pagnes. Dans des établissements scolaires où il manque souvent de tout y compris de simple craie, les maigres caisses sont vidées pour subventionner l’achat dudit pagne, et enrichir ainsi les brasseurs de capitaux aux dépens d’une éducation de qualité. Afin de muscler les chiffres d’affaires du pagne derrière lesquels se cachent peut-être des retro commissions, les enseignants sont contraints, directement ou indirectement, à acheter le pagne de l’année.
Sur un plan plus général, le Gouvernement, pour atteindre ses objectifs d’émergence, a fait le choix de tabler non sur la formation des hommes mais sur la réalisation d’infrastructures matérielles d’accompagnement de l’activité industrielle, les fameux projets dits structurants. Or cette activité profite massivement aux multinationales et marginalement à la dépense publique nationale. C’est ici l’occasion de rappeler que le PIB, qui en France finance la dépense publique à 57%, contribue à peine à 17% de celle-ci dans notre pays. Ce choix, à contre-courant de ce qui se fait partout où se produit le développement, explique le pitoyable état d’abandon qui est dans notre pays celui de l’éducation et de ses acteurs centraux que sont les enseignants. Le seul véritable projet structurant, c’est l’éducation et la formation.
Après avoir négocié avec les syndicats d’enseignants deux années de suite, et pris des engagements, l’Etat a brusquement fait volte-face, jeté aux oubliettes le produit de 24 mois de discussion et de négociation acharnées, et opté pour un début de répression. Mêmes les Palmes académiques difficilement accordées et qui ne coûtent pas grand-chose au budget de l’Etat ne seront pas décernées ce 05 octobre 2014.
L’éducation et ses enseignants sont décidément le dernier souci de notre Gouvernement qui semble, plus que jamais, se tromper de combat. S’il veut réellement investir pour l’émergence, c’est-à-dire pour l’avenir, il doit investir sur les enseignants maintenant.
En cette année-ci où le Nord de notre pays souffre des conséquences d’une insécurité liée aux exactions attribuées officiellement à la secte islamiste Boko Haram, nous demandons à tous les enseignant(e)s d’avoir une pensée pour les établissements scolaires déplacés, pour ces collègues à qui incombe la périlleuse mission d’assurer la continuité de l’éducation publique de jeunes compatriotes dans des zones à hauts risques. Dans nos zones rurales et plus particulièrement dans l’Extrême-nord cette année 2014 - 2015, l’enseignant est avant tout un « hussard » à qui manquent formation, équipement et primes appropriées.
Bonne journée mondiale à toutes les enseignantes et tous les enseignants. Un pour tous, tous pour un !
Roger KAFFO FOKOU
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