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LE PROCHAIN PRESIDENT DU CAMEROUN VIENDRA-T-IL DE KONDENGUI ? Par P. Ludovic Lado

L’ « opération épervier « continue de faire des ravages et sa plus récente victime n’est personne d’autre que le professeur Gervais Mendo Ze, l’homme de lettres et de culture au talent indéniable, dont le record de longévité à la tête de la CRTV, la chaine nationale de radio et de télévision du Cameroun, lui a valu une certaine célébrité. Il vient allonger la liste d’anciens collaborateurs proches ou lointains du président Paul Biya qui croupissent désormais dans les geôles, accusés pour la plupart, sinon tous, de détournements de fonds publics.
Cette opération, diversement interprétée, mérite une attention particulière au regard des enjeux de la transition qui se dessine au Cameroun. Si certains saluent en elle un effort louable d’assainissement du management public de la part du régime Biya, d’autres n’y voient qu’une machine de règlement de comptes qui risque d’enfermer le Cameroun dans un cycle de vengeance potentiellement déstabilisateur. C’est un paramètre important de la transition politique qui s’annonce au Cameroun et qui justifie la question de savoir si le prochain président du Cameroun ne viendra pas de Kondengui.


Inoni, Marafa, Mebara, Abah Abah, etc., voilà des grands noms du régime Biya dont l’incarcération de prime à bord sembler créditer l’opération épervier d’un certain sérieux. Les plus optimistes semblent y voir l’indicateur d’une lutte sans complaisance contre la corruption et la mauvaise gestion des biens publics. Biya semble décidé à faire le ménage dans son camp avant de passer la main à son successeur à la tête de la République. Le tout dernier rapport 2013 de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL) n’a pas manqué de délivrer un satisfecit aux acteurs de cette opération en saluant sa contribution à la promotion de la bonne gouvernance. Mais cette lecture n’est pas partagée par tous !

Les plus sceptiques ne voient dans l’opération épervier qu’un système mis sur pied par le régime Biya pour broyer les anciens collaborateurs devenus indésirables. « Ils ont volé, oui, mais plus que qui ? « s’interrogent-ils ? Pour ne prendre que le cas du Pr Gervais Mendo Ze, on se demande bien pourquoi il est resté si longtemps à la CRTV et pourquoi sa gestion de la chose publique n’était pas contrôlée alors qu’il était aux affaire. Et même si l’on accordait le bénéfice du doute au régime actuel dans sa volonté de lutter contre la corruption et la mauvaise gestion du bien public, comment s’assurer que les victimes de l’opération épervier bénéficient d’un procès équitable dans un contexte où le système judiciaire reste inféodé à l’appareil exécutif ?

On voit de plus en plus certains mourir en prison sans avoir eu la possibilité de se défendre dans le cadre d’un procès équitable. Ce n’est pas normal dans un Etat de droit. Tout cela conforte dans leurs positions ceux qui pensent que l’opération épervier a été déclenchée pour éliminer tous ceux qui ont manifesté d’une manière d’une autre l’intention de précipiter le départ de Biya et d’occuper l’espace.

On a vu récemment au Burkina Faso d’anciens collaborateurs proches de Blaise Compaoré, lassés d’attendre leur tour, quitter subitement le navire présidentiel pour grossir les rangs d’une opposition qui s’est très vite réorganisée pour mettre fin à son long régime. L’opération épervier est certainement l’indicateur d’une fissure profonde du camp Biya mais habilement contenue pour que l’édifice désormais très fragile ne s’écroule immédiatement. N’oublions pas que chacun de ces « éperviés « a ses soutiens dans l’administration qui n’attendent que le moment favorable pour se manifester. Cette situation sera certainement un facteur potentiel de déstabilisation dans les années à venir. Pourquoi ?

                 S’il s’avère que les victimes de l’épervier ont beaucoup volé, et cela se chiffre généralement en milliards, alors nous avons affaire à des barons friqués et humiliés qui n’hésiteront pas à prendre leur revanche dès que l’occasion leur sera donnée. Il est évident que Mr Biya, s’il ne meurt pas au pouvoir, cherchera à passer la main à un de ses fidèles pour éviter de tomber entre les mains des ennemis fabriqués dans son propre camp, les victimes de son opération épervier. Ce qui s’annonce alors, c’est une bagarre généralisée entre les fidèles de Biya et ceux qui sont aujourd’hui à Kondengui et qui en ont les moyens. S’ils ont eu par le passé l’intention que certains leur prêtent de remplacer Biya, ils l’auront encore demain, si l’occasion leur est donnée. Il faut donc craindre que ce scénario impliquant des adversaires qui connaissent bien le système en place n’embarque le Cameroun dans un cycle de déstabilisation qui nous fera regretter la « relative paix « de Mr Biya.

La nouvelle opposition camerounaise, avec de nouvelles figures, qui se met en place a donc du pain sur la planche. Les interdictions de conférences ou dédicaces à Yaoundé, comme le Dr Christopher Fomunyoh en a fait l’expérience récemment, revivant ainsi ce qu’on avait servi au prof Kamto en son temps, annonce donc une transition qui sera loin d’être tranquille. Les fidèles de Biya, terrorisés par l’éventualité d’une prise de pouvoir par leurs victimes de l’épervier, se battront becs et ongles pour le conserver d’une manière ou d’une autre. On voit donc se dessiner dans un proche avenir quatre tendances ou forces politiques principales au Cameroun : celle de l’ancienne opposition qui a presque épuisé ses cartouches, celle de la nouvelle opposition qui se met en place et qui n’a pas encore montré de quoi elle est capable, celle des « éperviés « de l’actuel régime, et celle du régime au pouvoir.

Difficile de prédire le rôle que l’armée, la société civile et les populations joueront dans ce rapport de forces. L’avenir nous le dira. Il ne faut donc pas absolument exclure que le prochain président du Cameroun vienne de Kondengui ! Si l’on regarde encore du côte du Burkina, on ne peut ne pas admirer le rôle stabilisateur joué par les autorités religieuses et traditionnelles dans la transition en cours. Nous risquons d’en avoir besoin très bientôt ! S’il y a une société civile au Cameroun, il est temps qu’elle s’organise pour contribuer à une transition pacifique et démocratique.



Correspondance de : P.  Ludovic  Lado 
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