Depuis
plusieurs années maintenant, le Cameroun est confronté à une sous-utilisation
grave de son Budget d’investissement public (PIB). Les fonds alloués à l’investissement
public au Cameroun ont été curieusement sous-utilisés alors que l’Etat peine
sous le fardeau de graves problèmes de développement et d’infrastructure. En
2013, le taux d’exécution a été plus faible en raison de la mise en place d’un
système de budget dont le modus operandi n’a pas été bien compris par de
nombreux agents de l’état.
Le nouveau
système de budget permet de garantir la continuité des programmes de l’état et
des budgets des projets d’investissement pendant cinq ans plutôt qu’un seul
exercice précédemment. La sous-utilisation du PIB est en effet une aberration
pour un état considéré comme pauvre et lourdement endetté. Est-ce dû aux
planificateurs du développement dans le pays ou aux députés et sénateurs qui
votent des lois sans réfléchir aux conséquences? Les agents de l’état appelés à
exécuter le PIB sont-ils inefficaces ou est-ce que c’est la lourde architecture
du gouvernement qui ralentit l’exécution du PIB?
En 2013, le
ministre camerounais des marchés publics, Abba Sadou, a déclaré que 6658 marchés
publics ont été attribués en 2013, ce qui représente 90% des achats prévus pour
cette période budgétaire. Selon un rapport de 2013, réalisé par un groupe se
concentrant sur les affaires économiques au Cameroun, appelé « Business in
Cameroon «, Abba Sadou a été interviewé par la Radio et la Télévision du
Cameroun (CRTV), au sujet de la raison derrière l’utilisation limitée du PIB
pour la précédente année 2012 (un taux d’exécution de 50%). Le ministre a estimé
que la responsabilité de la mauvaise exécution du PIB incombe à plusieurs
acteurs étatiques et non seulement au Ministère des marchés publics.
En 2014,
1.000 milliards de FCFA ont été alloués au PIB, conformément à la loi de
finances 2014. « Business in Cameroon » rapporte, dans un éditorial daté
du 28 octobre 2014, suite à un rapport du ministère de l’économie, que le taux
d’exécution pour l’année 2014 ne dépasse pas les 36%. Dans les régions du nord
du pays, le taux d’exécution atteint 50,2%. Dans la région de l’Ouest, le taux
d’exécution est de 62,2%. Dans la région Centre, qui abrite la capitale
politique Yaoundé, le taux d’exécution est d’environ 19%. Avec ces faibles exécutions
du PIB, le pays ne peut se vanter de services de transport, d’éducation et de réseaux
de télécommunications dignes de ce nom.
De nombreux
experts en développement et à l’étranger sont en effet perplexes. Il y a un
argument qui circule en particulier parmi les journalistes de la presse locale
selon lequel les agents de l’état ont peur d’utiliser ces crédits qui leur sont
alloués pour l’investissement public en raison de l’»opération épervier»,
toujours en cours. Une opération mise en place par l’état pour traquer et arrêter
les agents d’état corrompus.
En plus de
la raison invoquée ci-dessus, il est indéniable que les goulots d’étranglement
administratifs dans l’exécution des marchés publics au Cameroun sont devenus très
encombrants. Depuis la création du Ministère des marchés publics, l’exécution
des marchés publics au sein de l’état est devenu un cauchemar. Selon un avocat
basé à Douala, les entrepreneurs doivent subir la lourdeur des procédures, y
compris le paiement de gros pots de vin. Au moment où les pots de vin ont été
versés à des fonctionnaires au niveau des administrations centrales et régionales,
les entrepreneurs sont incapables d’exécuter les contrats en raison de l’insuffisance
des fonds qui leur restent. Ces pratiques ont conduit à l’abandon de divers
projets de développement sur tout le territoire national.
Il n’est
donc pas un secret que le problème de la mauvaise exécution du PIB au Cameroun
est multidimensionnel. Malgré le fait que certains agents de l’état ont peur de
se faire arrêté pour corruption, il est également clair que le manque de
professionnalisme demeure un grave problème dans l’exécution du PIB. L’état
aurait du former suffisamment les opérateurs budgétaires au système du budget
nouvellement introduit avant de le rendre opérationnel. Les membres de l’Assemblée
nationale doivent réfléchir davantage sur certains projets de loi avant de les
transformer en lois. Aussi longtemps que les agents de l’état restent ignorants
de ce système, le PIB restera sous-utilisé.
Une société
libre garantit qu’un gouvernement limité devrait se battre pour la prospérité
et le développement. Cela signifie aussi que le gouvernement doit être de
taille petite et efficace. Malheureusement, aujourd’hui en Afrique et au
Cameroun en particulier, nous n’observons que des gouvernements pléthoriques.
Beaucoup se sont demandés pourquoi le ministère de marchés publics a été créé
en premier lieu, surtout que le Cameroun conserve encore l’Agence de réglementation
pour les marchés publics. S’il y a une réduction du nombre de ministères, y
compris la dissolution du ministère des marchés publics, l’état aurait moins de
goulots d’étranglement administratifs et pourrait accélérer le rythme d’exécution
du PIB.
Article
publié en collaboration avec Libre Afrique : Chofor Che, analyste pour
Libreafrique.org
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