Le 06 novembre dernier, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) a célébré le 32ème anniversaire de l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême. Mais dans la Commune de Njombé-Penja, les militants de ce parti ont vaqué à leurs occupations. Leur indifférence à l’égard de cette journée traduit le ressentiment qui les habite depuis l’incarcération arbitraire de l’ancien maire Paul Eric Kingué, certes, mais la cause immédiate c’est la révolte populaire burkinabè (de fin octobre) qui a provoqué la chute du dictateur Blaise Compaoré après 27 ans au pouvoir.
Outre que le monarque Biya a déjà passé trois décennies à la tête du pays, il est âgé de 81 ans. Il fait partie de la minorité des vieillards qui ont accaparé les postes-clés au Cameroun. Paradoxalement, cette gérontocratie a enfoncé l’écrasante majorité des personnes âgées dans la misère. Le despote Biya roule sur l’or. Actuellement, il occupe la cinquième place dans le hit-parade des chefs d’État africains les plus riches. Sa fortune est en effet estimée à plus de 200 millions de dollars (plus de 105 milliards FCFA) !
Cet individualiste a l’habitude de tenir des discours dans lesquels il reproche aux jeunes le manque de respect envers les personnes du 3ème et 4ème âge, et au peuple le manque du sens de la collectivité. Le stratagème consiste à imputer la situation lamentable du pays aux victimes de l’injustice pour susciter en elles un sentiment de culpabilité. Depuis 32 ans qu’il règne sur le Cameroun, le régime du Renouveau est incapable de mettre en œuvre une politique de sécurité sociale globale. Les personnes âgées pâtissent elles aussi de cette situation. Cameroon Tribune, qui se définissait jadis comme « Grand quotidien national d’information », aimait insérer à sa tête une photo du Président accompagnée d’une citation. C’est ainsi que dans son édition du 03 septembre 1986, l’on pouvait lire l’extrait d’une communication qu’il avait faite le 23 juillet de la même année à l’Assemblée Nationale : « S’agissant de l’action sociale, nous allons renforcer la politique de solidarité envers les nécessiteux… Nous envisageons parallèlement d’étudier les possibilités réalistes de mise en place d’un système de sécurité sociale, adapté à notre pays. »
Ces déclarations se révèlent être des promesses en l’air.
Les médias ont fait grand bruit à propos de l’opportunité qu’ont les acteurs du secteur informel (depuis le 1er novembre de l’année en cours) de souscrire à l’assurance volontaire aux pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS). Quand on sait que plus de 80% de la population active du Cameroun évoluent dans l’informel, ceux qui se réjouissent de cette mesure ne tarderont pas à déchanter. La prédominance de l’informel traduit justement l’échec d’un régime qui n’a pas su créer des canevas pour les emplois décents aux citoyens. C’est un secteur où les revenus sont minables et où les employés/travailleurs sont exposés aux abus de toutes sortes. D’ailleurs, la CNPS précise que l’affiliation est ouverte seulement aux candidats qui gagnent au moins 37.000 FCFA par mois, ce qui correspond au Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG). L’armée des conducteurs de motos-taxis, les gérants de « call box », les laveurs de voitures, les petits paysans, les couturières, les tailleurs, les bûcherons, les « pousseurs », les cordonniers, les petits restaurateurs, les vendeurs de repas ambulants, les marchands de friperie et tous les autres vendeurs à la sauvette qui se plient en quatre pour joindre les deux bouts vont-ils pouvoir verser les cotisations de façon régulière et pendant au moins 15 ans comme c’est prescrit par la loi ? Si les souscripteurs potentiels peuvent espérer bénéficier des miettes plus tard, les citoyens qui ont plus de 46 ans ne sont pas autorisés à s’affilier à la Sécurité sociale, puisqu’ils auront atteint l’âge officiel de départ à la retraite avant les 15 prochaines années. Au Cameroun, cet âge c’est 60 ans.
Déjà, la majorité des salariés du secteur formel (agents de l’État, fonctionnaires, employés des entreprises privées et parapubliques) redoutent la retraite. Bon nombre d’entre eux se font établir un acte de naissance où l’âge n’a rien à voir avec la réalité. Ceci a pour conséquence la baisse de la productivité. Souvent, certains s’écroulent au lieu du travail. Les craintes qu’inspire la retraite se justifient par la modicité des pensions au Cameroun.
On peut compter sur les doigts de la main les salariés qui sont affiliés à une caisse d’assurance-maladie.
Les pensionnés ayant un compte en banque ne sont guère nombreux. Pour s’en convaincre, il suffit d’aller voir ce qui se passe dans les Centres de Prévoyance Sociale et dans les Perceptions (services du Trésor public) aux dates fixées pour le paiement des prestations. Ce sont quelques-uns des autels où le régime du Renouveau fait violence aux personnes âgées. Les sièges y sont toujours en nombre insuffisant. Les anciens, ne pouvant pas supporter la station debout prolongée, s’assoient à même le sol, dans la cour, autour des bâtiments. Certains, malades, sont soutenus par les leurs pour se déplacer. Les actes et paroles irrévérencieuses du personnel accroissent le mécontentement. Et quand le temps se met à la pluie, c’est le comble ! Les pensionnés subissent cette torture quatre fois l’an, car les prestations en espèces ont lieu chaque trimestre dans ces services.
Il est important d’ajouter que bon nombre d’agents de l’État touchent leur salaire dans les Trésoreries (qui sont aussi des services du Trésor public), à l’aide d’un bon de caisse. Donc, ils subissent eux aussi la torture lors de la paie. Elle leur est infligée à la fin de chaque mois.
Les pensionnés ayant un compte perçoivent leurs droits mensuellement, mais ils sont minoritaires. La réticence des autres est due à plusieurs raisons : il faut un montant minimum pour ouvrir et entretenir un compte dans une banque ou dans un établissement de microfinance, ce qui constitue une barrière infranchissable pour beaucoup. En outre, certaines opérations bancaires ne sont pas gratuites. Vu que les pensions sont modiques, ils évitent de les partager avec les établissements financiers. Ceux-ci se trouvent, tout comme les 33 Centres de Prévoyance Sociale du pays, uniquement en milieu urbain. Or ¾ des retraités résident en milieu rural. Les tarifs de transport étant élevés, ils trouvent judicieux de se rendre en ville quatre fois par an et percevoir leurs droits intégralement. La faillite récurrente des établissements de microfinance au Cameroun n’est pas de nature à rassurer les retraités.
Quand le travailleur affilié à la CNPS a cessé toute activité salariée, sa pension ne lui est pas versée automatiquement, car il est tenu d’en faire la demande. La composition du dossier est un véritable parcours du combattant. La liste des documents est longue. Certains n’arrivent pas à les fournir. Cette tactique est le levain de la corruption, un autre sujet brûlant au Cameroun. L’État bloque délibérément, donc injustement, les pensions de ces victimes. Certaines sont encore en vie tandis que d’autres s’en s’ont allées sans jamais eu l’opportunité de percevoir leur dû.
Un agent de l’État ou un fonctionnaire appelé à faire valoir ses droits à la retraite doit également constituer un dossier. Les pièces exigées ne sont pas nombreuses, certes, mais certains mettent un à deux ans pour les réunir. Même après avoir déposé un dossier complet, l’agent public retraité n’est pas toujours à l’abri de l’arbitraire. Il y a deux ans, je fis la connaissance de Sindjoun Pokam, un professeur d’université à la retraite. Mais avant de narrer cela, j’aimerais parler d’une nouvelle que j’ai apprise du journal récemment. À la fin du mois d’août de l’année en cours, Sindjoun Pokam alla à la banque pour toucher sa pension. Comme on refusa de le payer au guichet, il se plaignit à la direction, croyant que le problème serait facilement réglé. C’est là où il apprit que l’ordre était venu d’en haut. L’État ne céda qu’après que le professeur eut fait venir des journalistes. Il était remonté contre cet État qui bafoue les droits des personnes âgées. Il dit plusieurs fois que refuser de verser sa pension à un retraité c’est le vouer à la mort, que son problème avait commencé en 2003 et qu’il était convaincu que beaucoup de fonctionnaires à la retraite se trouvent dans la même situation que lui. La dernière révélation est atterrante : il y a donc de nombreux ex-agents publics qui ont du mal à entrer en possession de leurs droits. Je n’aurais certainement pas évoqué le problème de Sindjoun Pokam s’il n’avait pas fait cette déclaration bouleversante. Il doit sa victoire momentanée au fait qu’il intervient souvent dans les débats télévisés. Il a d’ailleurs juré qu’il alertera désormais la presse chaque fois qu’il aura des ennuis avec sa banque. Les autres victimes n’ont pas le moyen de faire entendre leurs cris plaintifs.
Je reviens à la rencontre de 2012 au quartier Omnisports de Yaoundé. Au fait, j’avais pris rendez-vous avec le docteur Paul Mekontso qui enseigne l’allemand à l’École Normale Supérieure de Maroua (ENS). Un an plus tôt, j’avais mis à sa disposition un exemplaire de ma pièce « Das zerstörte Dorf » (Fr. Le village anéanti) ainsi qu’un support numérique contenant les images de Bawock Mfeu Ngafa en flammes. Vu que les autorités politiques, militaires et policières trempent dans la tragédie sur laquelle la pièce est basée, l’assistant de l’ENS de Maroua s’est abstenu d’en faire la note de lecture. Les Bawockais, jeunes et vieux, avaient fui devant les gens de Bali-Nyonga qui s’approchaient en scandant leur chant de guerre. Ces derniers pillèrent et incendièrent le village entier. Après le retour dans les ruines, beaucoup de Bawockais succombèrent au froid, au chagrin et à la famine. Cet événement eut lieu en 2007 au Cameroun, dans la province du Nord-Ouest. Où était le ministère des Affaires Sociales? Celui de la Défense ? Celui de la Justice ? Celui de l’Administration Territoriale ? Le Président de la République ? Il y a peu, ce dernier a déclaré la guerre à la secte islamiste Boko Haram, au cours d’un séjour dans l’Hexagone. Lors de la célébration du 32ème anniversaire évoqué dès le début, les militants du RDPC ressassèrent que la nation entière doit soutenir Paul Biya dans la lutte qu’il mène contre la secte venue du Nigeria voisin. La réplique qu’on doit donner à ces démagogues c’est que la secte islamiste a fait son nid à l’Extrême-Nord du Cameroun parce que la tâche lui a été facilitée par les administrateurs, policiers et militaires vénaux, puisque la corruption est la marque déposée du régime du Renouveau.
Pendant que je m’entretenais avec Paul Mekontso sur la terrasse d’un bar au quartier Omnisports à Yaoundé, il reçut un coup de fil et dut s’éloigner momentanément. En effet, il partit vendre un porc qu’il élevait. Je sirotais ma boisson. Un homme âgé vint et me demanda s’il pouvait prendre place à ma table. J’acquiesçai. C’était donc le professeur Sindjoun Pokam. Il fut ému quand je lui dis que je l’avais déjà vu à la télé et que j’avais lu un article (de février 2006) dans lequel il se plaint entre autres de ce que le Président Biya ait institué un « comité de réflexion » dont le rapport présente les Bamilékés comme une menace pour le régime. Le rapporteur dudit comité n’est nul autre que le professeur Joseph Owona (le géniteur du politologue Mathias Eric Owona Nguni) ! Cet apôtre du tribalisme est à la tête du « comité de normalisation de la Fédération Camerounaise de Football (FECAFOOT). De son côté, le général Pierre Semengue, qui est né en 1935 et qui fut entre autres Commandant du Secteur Militaire de l’Ouest pendant le génocide des Bamilékés, occupe le poste de président de la Ligue de Football Professionnel du Cameroun (LFPC).
Quand le docteur Paul Mekontso regagna la terrasse du bar, je lui présentai le professeur de philosophie, et il se dit très honoré de faire la connaissance de cet homme dont il avait souvent entendu parler. À mon grand étonnement, le retraité déclara fièrement que son fils est un conseiller du Président de la République. Ma réaction ne se fit pas attendre. Je répondis que j’étais triste qu’il prît des airs parce que son fils est au service du tyran.
L’entretien se termina en queue de poisson, car Sindjoun Pokam fut choqué d’apprendre que j’avais osé affronter le professeur Gervais Mendo Ze et le professeur Richard Laurent Omgba (Doyen de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Yaoundé I) en 2009. Pour lui, le conseil de ladite faculté avait raison de me licencier. Pourquoi Biya a-t-il mis sept ans pour décider de jeter Mendo Ze en prison ? Ce dernier a eu le temps d’apprendre à ses étudiants comment on détourne les deniers publics, à l’instar de ceux qui me criaient : « Parle encore ! Parle encore ! Parle encore ! » J’étais K-O. L’Université de Yaoundé I qui avait pris le « mariologue » sous son aile est-elle prête à me rétribuer et me dédommager ? Les membres du conseil de la FALSH et les autres universitaires qui s’étaient mis derrière lui ne sont-ils pas ses complices ? Quand il occupait le poste de directeur général de la Cameroon Radio Television (CRTV), il avait l’habitude d’aller au campus de Ngoa-Ekellé distribuer des liasses de billets de banque à ses anciens collègues. Il faisait la même chose à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) situé au quartier Melen ! C’est l’une des grandes Écoles de l’Université de Yaoundé II. À l’époque, Sindjoun Pokam enseignait à l’Université de Yaoundé I. Était-il peut-être l’un des bénéficiaires de ces largesses ?
J’essayais donc d’expliquer à ce professeur de philosophie retraité que les criminels comme Mendo Ze et Biya ont enfoncé des millions de Camerounais dans la misère en détournant les fonds publics, et qu’ils ne méritent aucun respect, quels que soient leur âge et leur titre.
Il est établi que 48% des Camerounais (sur)vivent avec moins de deux dollars par jour. La situation des personnes âgées est encore plus dramatique, car elles (sur)vivent majoritairement avec moins d’un dollar par jour. Seulement 15% d’entre elles bénéficient d’une pension. Donc, le régime a oublié 85% des personnes âgées, ce qui constitue une violence sans nom. Il foule en même temps la Constitution aux pieds, car son préambule stipule entre autres que « la nation protège … les personnes âgées… »
La protection des personnes âgées suppose que le gouvernement s’assure qu’elles vivent dans des logements confortables (avec les installations sanitaires appropriées), qu’elles toutes ont un revenu raisonnable, qu’elles ont la possibilité de se faire soigner en cas de besoin et qu’elles ont accès aux outils de l’information et de communication modernes. Une politique volontariste peut facilement mettre de telles mesures en œuvre, d’autant plus que les personnes ayant 60 ans et plus représentent seulement 6% de la population camerounaise. Selon le Bureau Central des Recensements et d’Études de la Population (BUCREP), le pays compte 21.657.448 habitants en 2014. Le nombre des personnes âgées avoisine donc 1.300.000 (un million trois cent mille). Depuis que Biya règne sur le Cameroun, la pyramide des âges a une forme triangulaire. Elle a en effet une base très large et se rétrécit de manière effrayante au fur et à mesure qu’on va vers le sommet. Cela montre que l’espérance de vie à la naissance est basse au Cameroun. Un rapport publié conjointement par le Fonds des Nations Unies pour la Population et l’ONG HelpAge International indique que plus de 30% des Japonais sont âgés de 60 ans au moins. Ledit rapport est intitulé « Vieillir au vingt et unième siècle : Une victoire et un défi. » Il a été rendu public en 2012. L’une de ses recommandations est « que l’on investisse dans la future personne âgée dès la naissance. » La protection sociale des jeunes est l’autre domaine où le régime du Renouveau a lamentablement échoué. Ayant constaté que le gouvernement recevait de l’aide et se limitait à créer des écoles primaires publiques sur le papier, le Japon changea de méthode. Dès lors, il construit lui-même les bâtiments et remet les clés à l’État. C’est un exemple à suivre.
La majorité des personnes âgées du Cameroun sont analphabètes. De ce fait, leurs réseaux sociaux sont très limités. À cause de leur manque d’instruction, elles sont exposées à l’escroquerie et à l’exploitation. Ces injustices peuvent être commises par des particuliers, des associations ou des organisations non gouvernementales. Le gouvernement a intérêt à surveiller de près les activités de ces groupes. Malheureusement, le ministère des Affaires Sociales (MINAS) qui est chargé de la protection des personnes âgées fait la navigation à vue. Il s’avoue incapable de donner le nombre des organisations qui se sont fixé le bien-être de cette couche sociale comme objectif. Or ces bonnes intentions masquent souvent des projets funestes. Certaines ONG basées au Cameroun sont des filiales des associations de bienfaisance étrangères. Pour se confiner à celles qui ont inscrit l’assistance aux personnes âgées dans leur programme, elles lancent l’appel au public pour qu’il leur fasse don des objets usés tels que des lunettes, des vêtements, des chaises roulantes, des couvertures, des lits, des matelas, des chaises, des tables, des quatre-quatre, etc. Bien évidemment, elles demandent aussi des dons en espèces. Grâce à leur statut, les ONG locales reçoivent le matériel sans le dédouaner et le vendent sur le marché de l’occasion. Il est incontestable ces articles de mauvaise qualité sont dangereux pour leurs utilisateurs.
J’ai tiqué en voyant l’itinéraire de l’équipe médicale d’une association allemande qui a été accueillie par sa branche locale. Elle décolle de Francfort-sur-le-Main. À son arrivée à l’aéroport de Yaoundé, elle est accueillie par ses disciples qui l’amènent en voiture à la région de destination. Donc, les autorités camerounaises ne sont pas au courant de sa mission. Pourtant, ces médecins (charlatans ?) allemands vont faire des tests sur les personnes âgées à domicile et dans les hôpitaux. Quand ont sait que les médecins allemands utilisent des Noirs africains qui résident dans leur pays comme des cobayes, il y a lieu de tirer la sonnette d’alarme.
La plupart des guérisseurs sont des personnes âgées. Mais combien d’entre eux possèdent un brevet ? Les humanitaires venus de l’étranger n’exploitent-ils pas leurs connaissances à des fins inavouées ? Dans nos villages, il n’est pas rare de rencontrer des foyers où les gens du 3ème ou du 4ème âge s’occupent de certains de leurs petits-enfants. Les parents de ces derniers sont sans emploi, en difficulté ou emportés par le SIDA. Les loups déguisés en agneaux peuvent facilement exploiter ces familles. Le trafic des mineurs et d’organes est l’une de leurs activités clandestines. Certaines ONG prétendent renforcer les capacités des anciens par l’encadrement dans l’agriculture, l’élevage, la comptabilité, le marketing, etc. S’agit-il vraiment d’un élan désintéressé ? Le mercantilisme n’est-il pas le mobile qui sous-tend les groupes d’initiatives communes ? Le gouvernement accroît la vulnérabilité des personnes âgées en laissant le champ libre aux aventuriers.
Le MINAS a une sous-direction de la protection de cette tranche de la population. Seulement, il n’existe que sur le papier. Le Messager du 02 octobre 2014 écrit à cet effet : « Les personnes âgées se plaignent entre autres de ce qu’au ministère des Affaires Sociales, il n’y a aucun service chargé pour les personnes âgées. C’est à la sous-direction des personnes handicapées qu’on les renvoie systématiquement. » Même si un tel service existait, il ne pouvait pas répondre efficacement aux attentes des personnes âgées vulnérables.
Une autre méthode à laquelle le MINAS recourt pour se dérober de sa tâche consiste à se défausser sur les Communes. Sur son site, nous pouvons lire que « c’est désormais autour de ces dernières [des Communes] que s’organise la satisfaction des besoins des cibles de la solidarité nationale (cf. … l’Arrêténo 2010/A/MINAS du 27 août 2010 portant cahier de charges précisant les conditions et les modalités d’exercice des compétences transférées par l’État aux Communes en matière d’attribution des aides et secours aux indigents et nécessiteux). » Mais dans les Communes, les nécessiteux ne trouvent aucun interlocuteur pour leurs problèmes. Une situation kafkaïenne. Les personnes âgées qui ont besoin de l’aide de l’État sont donc abandonnées à elles-mêmes.
Au Cameroun, la phase de retraite n’a jamais été une de repos. Tout comme les anciens qui ne reçoivent pas de pension, les pensionnés sont obligés de continuer à exercer des activités génératrices de revenu. Ceux qui vivent en milieu urbain font principalement le petit commerce tandis que ceux qui vivent en milieu rural font l’agriculture de subsistance, l’élevage du petit bétail et des volailles, la chasse, la pêche, la vannerie, la sculpture. Les vignerons, les bûcherons, les forgerons et les guérisseurs complètent la liste.
Quels que soient les efforts que les anciens font, ils ont des difficultés à joindre les deux bouts. Ils vivent dans l’insécurité et l’anxiété. Ils ne savent pas ce qu’est le loisir. À propos ! Le projet de construction de la « Maison des Âges » dont le MINAS dit qu’elle sera un « centre pilote de loisirs et d’écoute pour personnes âgées » ne s’est pas réalisé, bien que la première pierre fût posée treize ans auparavant. Le journal en ligne Cameroon-Info.Net nous apprend que le terrain où ledit centre devait être bâti à Nyom dans la périphérie de la capitale a été abandonné dans la broussaille.
De même, le soit-disant « document de Politique Nationale de protection et de promotion des personnes âgées » est resté une ébauche depuis une décennie. Si cet avant-projet de 17 pages venait à être adopté, encore faudrait-il en appliquer les dispositions.
En Afrique, il y a quelques pays qui ont mis en œuvre le système de pensions (sociales) non contributives, à savoir l’Afrique du Sud, le Lesotho, le Botswana, la Namibie et le Swaziland. Pour bénéficier de ce genre d’aide, il suffit d’avoir atteint un certain âge. Les prestations se font de façon régulière. Les pensions non contributives permettent donc à toutes les personnes âgées originaires d’un pays d’avoir la sécurité de revenu. Il serait illusoire d’attendre qu’une telle mesure globale soit appliquée par le régime du Renouveau, puisque Biya la dénonce comme un encouragement au parasitisme. Le MINAS se réfère d’ailleurs au livre « Pour le libéralisme communautaire » pour préciser le concept de Solidarité Nationale : « Toutefois, la solidarité nationale dont il est question doit se démarquer du parasitisme, car comme le relève le chef de l’État dans son ouvrage déjà cité, il s’agit d’une solidarité double, aussi bien dans l’effort que dans le partage des fruits de cet effort. Ainsi, la finalité recherchée est l’autonomisation des couches vulnérables en vue de leur participation effective au développement de notre pays. » En clair, les couches vulnérables ne doivent rien attendre du gouvernement, car selon ce dernier, elles n’ont jamais participé de manièreeffective au développement du Cameroun. Quelle ingratitude !
Dans les hôpitaux et les centres de santé à travers le pays, on voit souvent des personnes âgées couchées sur le lit, sans avoir les moyens de se faire soigner comme il se doit. Les médicaments et les soins prescrits sont hors de portée de leur bourse. Il en va de même pour les frais d’analyse. Beaucoup n’osent pas aller chez le médecin ou le technicien de santé, n’ayant d’autre choix que de se procurer les médicaments de la rue qui sont de qualité douteuse et qui aggravent le plus souvent le mal. La gériatrie, une spécialité de la médecine qui étudie les maladies des personnes âgées, est presqu’inconnue au Cameroun. Le seul établissement qui dispose d’un service dans ce domaine c’est l’Hôpital Central de Yaoundé, mais on y trouve seulement une dizaine de lits.
Il n’y a ni de maisons de retraite ni d’établissements médicalisés publics dans ce pays. Qu’en est-il du domaine privé ? J’ai trouvé une seule structure. Et laquelle ! Le centre humanitaire Béthanie qui reçoit des Vieux Invalides Abandonnés du Cameroun (VIACAM) est une petite Œuvre Sociale où tout manque : eau potable, médicaments, etc. Un journaliste du quotidien Mutations qui l’a visité le 13 septembre 2006 le présente comme « un bâtiment poussiéreux au quartier Nkolmesseng, non loin de la sous-préfecture de Yaoundé V. » L’infirmière qu’il a rencontrée lui révèle que « nous nous contentons d’un puits d’eau pour les soins des malades », avant de faire une énumération des médicaments essentiels qui font défaut. La fondatrice, une sœur, ne passe pas par quatre chemins pour dire que « nous faisons comme à la campagne. S’il n’y a pas de paracétamol, on se contente des plantes médicinales recueillies dans cette broussaille. » Le centre est en effet entouré d’une végétation luxuriante.
De nombreux villages camerounais ne sont reliés ni au réseau électrique ni à celui hydraulique. Peu sont ceux qui ont un centre de santé. Les routes qui relient les villages avec les villes sont pour la plupart dans un état piteux. Sur les 50.000 km dont est constitué le réseau routier du pays, seuls 6.000 sont bitumés ! Les surcharges dans les taxis et les « clandos » ainsi que l’absence de permis de conduire chez les conducteurs de « motos-taxis » sont autant de facteurs qui rendent les voyages hasardeux et désagréables. En milieu rural, presque toutes les personnes âgées utilisent le bois de chauffage pour faire la cuisine et pour se chauffer. La fumée et la mauvaise qualité de l’eau qu’elles consomment sont les causes de la cécité et des problèmes visuels qui touchent bon nombre d’entre elles. En milieu urbain, la situation n’est guère différente. Le prix du gaz domestique est prohibitif, ce qui pousse les citadins à recourir au bois de chauffage.
Dans les grandes villes (Yaoundé et Douala), les personnes du 3ème âge résident majoritairement dans les quartiers pouilleux. Là-bas, les habitations sont serrées, désordonnées et mal construites. Dans ces deux métropoles, mais aussi dans les villes moyennes, on rencontre des vieux (lépreux) qui mendient leur pain quotidien. Les fous de leur côté fouillent de temps à autre les poubelles pour trouver de quoi se mettre sous la dent. Ils sont, tout comme les mendiants, sans abri.
À la campagne, les maisons dont les murs sont crépis et dont le sol est cimenté peuvent se compter sur les doigts de la main.
La misère est le dénominateur commun des centaines de milliers des personnes âgées du Cameroun. Celles qui sont emprisonnées ont l’impression de séjourner en enfer, les occupants des cellules « VIP » exceptés. Pourtant, ce sont ces derniers qui ont pillé les caisses de l’État. Le vieux Mendo Ze et les autres détenus nantis occupent des pièces individuelles et confortables, consomment des plats exquis apportés journellement par leurs familles respectives et reçoivent des soins de santé de qualité à souhait. En revanche, les anciens pauvres souffrent de la promiscuité, de sous-alimentation et du manque de soins médicaux. Les leurs n’ont le droit de leur rendre visite qu’une fois par semaine.
Comme le régime est foncièrement inhumain, la solidarité familiale reste le seul recours des personnes âgées vulnérables. Généralement, lorsque l’une d’elles est sérieusement malade, les siens ayant un revenu se cotisent pour qu’elle ait accès aux soins. Cependant, cette solidarité devient de moins en moins efficace, surtout que les couples actifs ont de plus en plus du mal à subvenir aux besoins de leurs propres enfants. Les contributions que les descendants font ne permettent pas toujours d’assurer un traitement qui nécessite du temps ou beaucoup de moyens. Une autre limite des cotisations familiales réside dans le fait qu’elles ne commencent que lorsque la situation est grave. La maladie a eu le temps de ronger leurs anciens… Dans la plupart des cas, les sacrifices consentis sont infructueux. Il arrive que la maladie cloue un vieux couple au lit. Là, leurs familles sont très vite dépassées par les événements…
Les descendants ont bien la volonté de faire à ce que leurs ascendants vivent dans la dignité et la sécurité, mais leurs mauvaises conditions de vie les empêchent de réaliser ce rêve. Le gouvernement qui sermonne souvent la jeune génération oublie qu’il a le devoir de soutenir les membres de la famille qui s’efforcent d’assister les leurs âgés.
Nous avons abondamment parlé des pensionnés affiliés à la CNPS et de ceux qui sont des anciens fonctionnaires et agents de l’État. À cela, il faut ajouter que les institutions religieuses ont leurs propres caisses de retraite. Il y a longtemps que le régime du Renouveau a cessé de subventionner leurs établissements scolaires. Cette absence d’appui a des répercussions négatives sur les salaires et les pensions. En vérité, Paul Biya est un nul. Il est grand temps que le peuple camerounais le renverse.
Hilaire Mbakop, Écrivain
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