Une Eglise catholique qui valide des fraudes électorales en Afrique noire via sa participation aux commissions électorales partisanes n’est pas au service du développement de l’humain mais de la continuité de la servitude des peuples pour le pouvoir de rester au pouvoir avec les hommes de pouvoir.La tête de l’Eglise catholique est en Occident alors que ses membres sont en Afrique subsaharienne et en Amérique latine, le deux poumons contemporains du catholicisme. Si les Papes, monarques modernes, étaient élus à vie par les votes des fidèles, le prochain Pape serait automatiquement latino américain ou africain, bref du Sud en cas d’alliance stratégique entre ces deux continents pour promouvoir un cardinal. Nous n’y sommes pas car le Saint-Esprit qui choisit le Pape n’est pas encore convaincu par le principe démocratique faisant d’un catholique une voix élective d’un égal poids que celle de grands électeurs en soutanes. Les voies de Dieu étant cependant insondables, le fait que le sommet de l’Eglise soit dominé en nombre par les cardinaux occidentaux majoritaires dans le collège de cardinaux électeurs, ne rend pas saugrenue, au moment où le conclave s’ouvre à Rome, l’hypothèse d’un Pape africain. Il fait donc sens de se demander, le cas échéant, ce que celui-ci pourrait apporter au développement du continent noir.
* « N’ayez pas peur ! » : être un héritier africain de Jean-Paul II
Une des questions névralgiques que l’on peut se poser lorsqu’on observe l’Afrique subsaharienne est celle de savoir comment et pourquoi l’Eglise catholique peut être aussi à l’aise et aussi prospère au sein des dictatures africaines ? Répondre à cette question entraîne, pour peu que l’on veuille être sincère, à mettre en avant le fait qu’une compatibilité fonctionnelle, une parenté et une homologie de structure existent entre les dictatures subsahariennes et le fonctionnement de l’Eglise catholique en tant qu’institution dont l’objectif primordial est de consolider son pouvoir à travers le monde. Ces identités remarquables et affinitaires entre l’Eglise et plusieurs dictatures politiques subsahariennes sont la négation de la démocratie, la place prépondérante du discours sans réalisations concrètes, le goût morbide du pouvoir pour ses intérêts corporatistes, et la croyance conjointe en la fin de l’histoire suivant le dogme christique « tout est accompli ». Si l’on ajoute à cela le fait que l’esprit du pauvre est aussi dévot dans un environnement peu imprégné de rationalité scientifique que son lit est fécond dans les quartiers populaires, alors l’Afrique subsaharienne est un cocktail optimal dont la figure sociopolitique et économique en fait l’habitat préféré du catholicisme. Autant « tout est accompli » pour l’Eglise catholique avec le Christ sur la Croix, autant pour les dictateurs africains tout est aussi accompli avec eux au pouvoir ad vitam aeternam. Ce dogme de la fin de l’histoire est le signe d’un pouvoir
identique à lui-même et à celui qui l’incarne du début à la fin des temps. Le sous-développement du continent africain devient donc, que l’Eglise le souhaite ou pas, un engrais d’une efficacité redoutable pour le bourgeonnement prospère de la foi catholique car les pauvres et les exploités se réfugient dans la prière et délaissent le monde aux dictateurs dans l’espoir que les premiers ici bas seront les derniers dans un arrière-monde que promet l’Eglise aux gueux, aux exploités et petites gens.
Cela dit, un Pape africain ne peut être utile au développement du continent noir que s’il est un héritier africain de Jean-Paul II. Ce dernier ne s’est pas contenté de prier son Dieu pour sortir son pays la Pologne et tout le bloc de l’Est du totalitarisme. Il a concrètement fait alliance avec Margaret Thatcher, Ronald Reagan et la CIA pour combattre politiquement le bloc de l’Est afin de rompre le rideau de fer. Quoique combattant le courant latino américain de la théologie de la libération, Jean-Paul II l’a appliquée lui-même en finançant Solidarnosc, syndicat polonais révolutionnaire et en cautionnant les grèves d’ouvriers et d’ouvrières. Il a encouragé les peuples de l’Europe de l’Est à descendre dans la rue par la phrase « n’ayez pas peur ! ». Un Pape africain devrait donc être un héritier de Jean-Paul II afin de rompre l’union sacrée en les dictatures politiques subsahariennes et les dogmes catholiques qui en font le lit en inculquant aux fidèles que ce qui se fait sur terre a été décidé au ciel par Dieu le Père. Un pape africain devrait dire aux peuples africains, n’ayez pas peur ! Il devrait encourager les Africains à ne pas hésiter à descendre dans les rues pour revendiquer et défendre leur liberté. Cela reviendrait à encourager l’éducation au détriment du dressage des esprits à l’obéissance aveugle, la liberté spirituelle au détriment du slogan hors de l’Eglise point de salut, la science au détriment du dogmatisme, la démocratie au détriment des dictatures, l’égalité homme/femme au détriment l’inégalité de la femme par rapport à l’homme consacrée au sein de plusieurs versets bibliques et le progrès techniques dans tous les domaines en lieu et place du créationnisme abrutissant.
* Un Pape africain peut être plus conservateur qu’un Pape occidental
Les églises sont très belles, majestueuses, nombreuses et imposantes en Occident mais désertées par les fidèles au point d’être vendues aux enchères à des investisseurs immobiliers. Elles sont bondées en Afrique et en Amérique latine à tel point que leurs alentours immédiats sont envahis par une foultitude de fidèles avides de Dieu. Il ne faut pas se leurrer, le catholicisme est aussi si développé en Afrique subsaharienne et en Amérique latine parce que le retard de développement, de la science et de l’éducation favorisent sa version conservatrice. Dans ces conditions, malgré le souhait de voir un Pape africain au Vatican - une telle éventualité serait une fierté tout à fait compréhensible pour les catholiques subsahariens -, il semble évident qu’un Pape africain peut être plus conservateur qu’un Pape occidental. Cela peut être un argument favorable à l’Afrique car Benoît XVI, lui-même conservateur, influencera certainement l’élection à la tête de l’Eglise
d’un homme du même bord spirituel que lui. Le Christ n’était pourtant pas un conservateur loin s’en faut : il a accueilli de la prostituée au brigand et a transgressé la loi de Moïse afin de se mettre au service de l’Homme.
Il apparait ainsi qu’un Pape africain conservateur ne serait utile qu’à l’Eglise catholique en renforçant la foi naïve mais pas au développement de l’Afrique. Il ne peut en être autrement que s’il est progressiste et veut servir l’émancipation des sociétés africaines, non seulement de certaines cultures patriarcales et machistes du continent, mais aussi des dominations économiques et politiques d’anciennes puissances occidentales avec lesquelles le Vatican vibre très souvent au même diapason. Cet aspect des choses est crucial car la dimension spirituelle du développement est non négligeable dans l’histoire du développement à travers le monde. Même si plusieurs réalités contemporaines viennent contredire certaines de ses concluions, Max Weber a démontré les décalages de développement économique en Occident selon que les pays étaient profondément catholiques ou protestants. Karl Marx a fustigé la religion catholique par rapport à la torpeur et la contemplation dans lesquelles elle installe l’Homme en lui faisant croire que son destin ne dépend pas de son action concrète en situation réelle, mais des prières adressées à Dieu : la religion c’est l’opium du peuple disait-il.
Toute la contradiction entre le besoin de développement de l’Afrique subsaharienne et une Eglise catholique régie par le droit canonique puis une curie romaine majoritairement conservatrice, est que le développement de l’Afrique, forme de changement social, est incompatible avec les dogmes de l’enseignement catholique car la fin d’un dogme c’est rester identique à lui-même jusqu’à la fin des temps quand le développement exige de l’innovation permanente. Comment donc concilier l’immobilité substantielle du dogme catholique et le changement des structures mentales, économiques, morales, spirituelles et comportementales qu’exige le développement du continent africain ?
* Le marché de Dieu en Afrique et ses conséquences
Le destin du catholicisme en Afrique subsaharienne se joue au sein d’un marché de Dieu où se rencontrent les offres religieuses et les demandes religieuses. Le catholicisme est donc fortement concurrencé par les Eglises évangéliques et autres sectes dans un continent où Dieu parle de plus en plus en anglais via l’inspiration et l’obédience anglo-saxonne de plusieurs pasteurs. Cela n’est pas anodin car l’anglais que parle Dieu via le pasteur ou le gourou d’une secte est aussi la langue du commerce mondial. Le marché de Dieu est donc une variante du marché du développement car la demande de Dieu est une demande de sécurisation de sa vie économique et sociale sur terre via ce que promet la religion. Un Pape africain devrait donc savoir qu’on ne peut croire en Dieu dans un environnement de carences généralisées sans que celui-ci ne soit transformé en un argument purement sécuritaire, financier et utilitaire. Il en résulte la naissance de plusieurs figures particulières
du « Dieu des Blancs » que l’Africain capture pour en faire une solution concrète à sa misère. Ce sont « le Dieu alibi », « le Dieu fonds de commerce », « le Dieu passeport » et « le Dieu paravent ». Autant de mutations utilitaristes du Dieu catholique capturé par la condition au monde des misérables qui veulent en faire une chose qui règle concrètement leurs problèmes du quotidien via le marketing du concept vendeur « Jésus sauve et guérit ».
Dans ces conditions, être utile au développement de l’Afrique noire implique qu’un Pape africain oriente l’Eglise africaine plus vers le développement de structures associatives et concrètes de développement humain. Il est temps que l’Eglise s’occupe plus du sort des Africains et du peuple en situations réelles que des lieux de pouvoir et de ceux qui les incarnent comme cela est démontré lors des multiples visites papales en Afrique noire.
Cette nouvelle orientation est possible à condition que l’Eglise catholique cesse, en étant membre des commissions électorales en Afrique subsaharienne, de valider les faux résultats des élections présidentielles truquées par des dictateurs au pouvoir. Une Eglise catholique qui valide des fraudes électorales en Afrique noire via sa participation à des commissions électorales partisanes n’est pas au service du développement humain mais de la continuité de la servitude des peuples pour le pouvoir de rester au pouvoir avec les hommes de pouvoir. Un Pape africain devrait donc sortir de cette logique du marché de Dieu pour bâtir une religion de l’humain en situations réelles. Dans le cas contraire, le catholicisme, religion historiquement alliée du projet colonial en Afrique, continuerait son ouvre de colonisation des esprits pour le triomphe des lieux de pouvoir sur les souhaits d’émancipation multiforme des peuples africains.
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