« Une
justice des blancs, instrument de l’Occident pour maintenir sa main sur le
continent noir... « les accusations font légion de la part des chefs d’état
africains envers la Cour pénale internationale. Le président ougandais vient de
demander ouvertement à ses homologues de retirer leurs signatures du Statut de
Rome. Beaucoup de bruit pour rien, peut-être.
C’est à l’occasion
de la célébration du 51e anniversaire de l’indépendance du Kenya qu’a retenti l’annonce-choc
faite par Yoweri Museveni, le président ougandais. Hôte de marque de son
homologue Uhuru Kenyatta, qui vient de voir son dossier clôturé à la CPI « par
manque de preuves », Museveni a promis de déposer une motion de retrait à
la Cour au prochain sommet de l’Union africaine.
Des dossiers [...] ouverts sur
demande des Africains eux-mêmes.
Mais, que
signifient au juste les jérémiades de ces Africains ? Tout se résume en une
phrase, deux tout au plus : presque tous les dossiers que détient la CPI ont été
ouverts sur demande des Africains eux-mêmes. Pire ou mieux, ça dépend, c’est l’Afrique
qui semble avoir le plus voulu et qui adhère, plus que quiconque, aux principes
de ladite Cour avec ses 34 états parties au Statut de Rome, sur les 53 pays du
continent. Un petit tour d’horizon pour y voir clair.
République démocratique du Congo
En 2004,
Luis Moreno Ocampo, alors procureur à la CPI, annonce qu’il ouvre une enquête
sur les crimes commis depuis juillet 2003. L’affaire fut un « deal » entre
la Cour et Kinshasa. Preuve : novembre 2003, le gouvernement envoie une lettre à
la CPI pour « saluer la participation de la CPI ». Et en mars 2004, le
gouvernement de la RDC déféra à la Cour la situation qui règne dans le pays. La
suite ? Thomas Lubanga sera arrêté pour crimes de conscription et d’enrôlement
d’enfants de moins de quinze ans en les faisant participer à des conflits armés,
et écopera de 14 ans de prison après un long feuilleton juridique. Il ne fut
pas le seul : Bosco Ntaganda, ex-patron du M23, préfèrera être jugé à La Haye
plutôt qu’à Kinshasa ou ailleurs. Il s’est livré lui-même, le 18 mars 2013, à
la CPI.
Mali
Simple. Qui a demandé
à la CPI d’intervenir dans cet imbroglio malien, où différents groupes sont
accusés de crimes graves ? N’est-ce pas le gouvernement malien ? Si ! La
demande ayant été formulée le 18 juillet 2012 par le biais du ministre de la
Justice.
Centrafrique
Le 30 mai
2014, Catherine Samba Panza, la numéro un de la République centrafricaine, écrit
elle-même à la CPI pour demander l’ouverture d’une enquête sur les « crimes
relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis depuis le 1er août
2012. A partir donc de la création de l’alliance rebelle Séléka «. Deuxième cas
(qui est en fait le premier) : l’affaire Jean-Pierre Bemba. Avril 2006, « la
Cour Suprême de la RCA décide que son système judiciaire n’est pas capable d’engager
des poursuites pour des crimes prévus par le Statut de Rome «. Deux ans avant,
Bangui avait demandé à la CPI de venir enquêter sur les atrocités commises
entre 2002 et 2003. Pour rappel, Jean-Pierre Bemba est poursuivi pour des
crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qu’a commis une milice sous
ses ordres en RCA quand il combattait aux côtés d’Ange-Félix Patassé, alors
chef de l’état.
Côte d’Ivoire
Cas spécial.
Bien que le pays ne soit pas signataire du Statut de Rome quand le gouvernement
demande à la CPI d’intervenir, les deux chefs d’état, Laurent Gbagbo et
Alassane Ouattara, ont tour à tour reconnu la compétence de la Cour sur le
territoire ivoirien. Le premier en avril 2003, et le second en décembre 2010.
Plus tard, en 2013, la Côte d’Ivoire finit par ratifier le Statut pour ainsi
devenir le 122e état partie de la Cour et le 34ème en Afrique.
Ouganda
Même
scenario avec le dossier sur la LRA, l’Armée de résistance du seigneur. La CPI
ne commencera à s’intéresser à l’Ouganda qu’avec la demande de Yoweri Museveni,
président ougandais, en décembre 2003. L’on précisera que Kampala finira par se
rétracter arguant que les crimes commis par la LRA pouvaient être jugés par la
justice traditionnelle.
Les exceptions : Libye, Soudan et
Kenya
La Cour pénale
internationale est intervenue sur demande du Conseil de sécurité des Nations
unies pour les deux premiers pays. Le bureau du procureur ne s’est autosaisi
que pour le Kenya sur les crimes commis après les élections de 2007. Un dossier
qui a mis devant la barre les deux hommes forts kenyans, Uhuru Kenyatta et
William Ruto, respectivement président et vice-président de la République.
« L’Afrique
reste le seul endroit au monde où l’on agit pour réfléchir après »
Pourquoi avoir signé le Statut de
Rome ?
« L’Afrique
signe pour faire plaisir. » C’est purement et simplement le constat de
Makane Moise Mbengue, professeur de droit à l’Université de Genève, qui révèle
: « l’Afrique est le continent à avoir le plus de signataires du Statut de Rome
sur toute la planète. Et c’est la même Afrique qui est en train de crier au
scandale. « Pour le professeur, originaire du Sénégal, l’explication est simple
: « L’Afrique reste le seul endroit au monde où l’on agit pour réfléchir après.
«
Armel
Gilbert Bukeyeneza
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