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CAMEROUN : AU NOM DE QUOI JE FERAIS LA GUERRE ? par Arnaud DJEMO

Les frontières de mon pays sont connues, certaines. Mais celles de ma camerounité, de mon patriotisme floues, inconnues et incertaines. Le patriotisme en fait est un concept qui ne s’applique que dans la défense du pays. être camerounais, c’est être prêt à donner sa vie pour défendre l’honneur du pays, son intégrité, sa souveraineté, son territoire. être camerounais c’est être prêt à payer de sa vie pour défendre la patrie. Voilà qui est dit.

Aujourd’hui au front contre des «  djihadistes » devenus en peu de temps, des ennemis contre lesquels officiellement, une guerre est déclarée, de jeunes camerounais, des soldats, sont prêts au sacrifice de leur vie pour défendre ce qu’il a de cher. Sur un plan purement technique, ils sont dans leur élément. Ils ont été formés pour ça, et maîtrisent donc l’art de la guerre mieux que moi qui recherche depuis l’art d’écrire. En plus, ils sont payés pour ça même si une vie n’a pas de prix.

Aujourd’hui, un « Je suis soldat camerounais » circule sur internet en même temps que « je suis Charlie ». Mais je suis certain que ce dernier arrive en premier dans la liste. Est-ce donc un simple suivisme, ou la flamme patriotique est en train de brûler sa jeunesse ? Moi, je ne suis ni « soldat »  ni  « Charlie », bien que mon humanité m’oblige à ressentir une affliction profonde pour toute les victimes, et notamment à condamner les coupables de ces actes meurtriers. D’un côté comme de l’autre, c’est toujours l’islam qui est mis en cause. Mais l’islam est-elle réellement une religion meurtrière ? Laissons chacun à son opinion en reconnaissant toujours qu’ ‘‘ Allah akbar ‘‘. Est-ce la terminologie qui est coupable ou ceux qui la prononcent comme on prononce le nom de ‘‘ Dieu en vain ‘‘ ? Laissons aussi derrière nous cette digression et ne nous laissons pas distraire par des mots quels qu’ils soient.


Dans un pays où les frontières sociales sont largement dessinées par la pratique politique, où la fracture politique laisse voir d’un côté une population clochardisée et de l’autre, ceux qui vomissent le trop plein de leur bien-être dans des produits de luxe sans importance pour eux ; dans un pays où certains doivent chercher journalièrement leur pitance dans l’antre du diable, tandis que d’autres à Rome invite le pape à déjeuner ; dans un pays où certains vivent comme des exilés tandis que d’autres se paient chaque jour des exils ; dans un pays où certains croupissent dans des maloca, ces maisons collectives d’Amérique du sud dans lesquelles on retrouve une famille de la première à la troisième génération, tandis que d’autres ont des châteaux avec 20 ou 30 chambres,  il est bien difficile de nous faire croire que la patrie existe.

 Chaque personne ne se sent plus concernée par les affaires de son pays qu’il se sent citoyen et non sujet. A certains on a confié des affaires et à d’autres, rien à faire. Considérés comme des moins que rien, ils ont été sommés à applaudir, à jubiler, à chanter à la gloire d’un seul. Préoccupé par son pouvoir, il a réduit sa gouvernance à la mise en place d’une pluralité de ministère tous dédiés à sa glorification. Réduits à leur statut d’exécuteurs de sa politique, de démarcheurs auprès des populations, comme des marionnettes ils ont bravé la pluie et la canicule, pour jouer leur rôle d’entremetteurs, de porteurs de bonnes nouvelles à travers des fausses nouvelles, visant toujours à faire garder l’espoir. Certains sur le chemin ont pris le goût du pouvoir, et leurs ambitions démesurées au fond d’une cellule ont trouvé leur mesure. Mais toujours, et chaque jour le peuple attendait à côté son tour.

Et voici donc que son tour est arrivé. A la guerre comme à la guerre. Chaque citoyen doit être prêt à s’engager, sinon à manifester son élan de solidarité. Le discours est on ne peut plus clair, raffiné, soutenu et défendu par des braves porte-paroles, improvisés ou non. L’élite joue son rôle une fois de plus. La nation a besoin de tous ces fils.

Nous voilà debout aujourd’hui plus que jamais, mais notre patriotisme n’est pas le vôtre. La vérité, c’est que notre patriotisme n’est que cet élan instinctif qui nous oblige à nous défendre lorsque l’on se sent personnellement ou individuellement en danger, ce que certains psychologues ont nommé l’instinct de survie. Ou alors, notre patriotisme c’est cette réaction qui nous oblige à défendre les nôtres lorsqu’on estime qu’ils sont en danger. Mais le patriotisme que beaucoup de camerounais évoquent aujourd’hui n’a rien à voir avec l’amour d’un pays. L’exil étant devenu le seul moyen d’espérer.

Nous ferons cette guerre s’il le faut, pour nos familles, pour nos proches. Pour une nation qui a existé bien avant les indépendances, et pendant les guerres qui nous ont conduit jusqu’à l’indépendance. Nous ferons cette guerre s’il le faut, mais pas pour défendre le Cameroun postcolonial, surtout le seul régime sous lequel je suis né. Nous ferons cette guerre, parce que certains pensent la France coupable et qu’ils refusent la récidive. Nous ferons cette guerre pour nous s’il le faut, car nous savons que vos biens et vos familles se trouvent dans des lieux hautement sécurisés à l’étranger.


Arnaud DJEMO
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