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PARANOÏA DE LA DESTABILISATION : POURQUOI PAUL BIYA AURAIT PU EVITER CELA par Michel Biem Tong

Si le président camerounais s’était retiré du pouvoir en 2011 comme le prescrivait la Constitution avant sa modification  en 2008, lui et ses lieutenants n’auraient pas eu ces 4 dernières années d’occasions de se plaindre d’ingérences et de velléités de déstabilisation occidentales, françaises notamment. Le Cameroun non plus ne serait pas plongé dans une ambiance de fin de règne comme c’est le cas en ce moment.
Les lecteurs de journaux au Cameroun ne l’ont appris qu’en mai 2012. Dans une lettre adressée au chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, l’ancien ministre de l’Administration territoriale, Marafa Hamidou Yaya, révélait  qu’au sortir de l’élection présidentielle de 2004, il avait conseillé à son patron de laisser tomber le fauteuil présidentiel afin de bénéficier d’un repos bien mérité à l’intérieur du pays. Quoi de plus normal d’ailleurs dans la mesure où les dispositions constitutionnelles interdisaient à Paul Biya de briguer un nouveau mandat. Aujourd’hui, Marafa purge une peine de 25 ans de prison ferme pour « détournement de deniers publics » à Yaoundé depuis avril 2012. Mais le concerné attribue ses ennuis judiciaires à ce conseil d’ami faite à son chef d’alors. C’est dire si l’addiction de Paul Biya pour son pouvoir est sans pareil. Et les Camerounais en ont eu la confirmation dès fin 2007.

Aux multiples appels de ses partisans qui lui parvenaient des 4 coins du Cameroun lui demandant de réviser l’article 6 (2) qui fixait le nombre de mandats à deux, Paul Biya a eu cette réponse pour le moins détonante : « De toutes nos provinces, de nombreux appels favorables à une révision me parviennent. Je n'y suis évidemment pas insensible. De fait, les arguments ne manquent pas qui militent en faveur d'une révision, notamment de l'article 6. Celui-ci apporte en effet une limitation à la volonté populaire, limitation qui s'accorde mal avec l'idée même de choix démocratique », avait souligné le chef de l’Etat dans son discours à la nation le 31 décembre 2007. De quoi faire sursauter les puristes du droit constitutionnel et de la science politique. Mais le pouvoir de Yaoundé n’en avait cure. Il s’est voulu jusqu’au-boutiste. Et en avril 2008, la loi fondamentale a été révisée. Malgré les contestations de l’opposition et de la société civile, malgré les dénonciations de la presse locale, malgré les protestations du bas peuple dans la rue. Ce dernier en a d’ailleurs payé le lourd tribut en subissant une sanglante répression en fin février 2008 avec à la clé une quarantaine de morts selon le pouvoir, une centaine d’après des ONG de défense des droits de l’homme.
Landerneau politique agité
Comme on le voit, la logique pouvoiriste  a pris le pas sur la raison. Biya et Cie se sont octroyé au forceps le ticket pour la présidentielle de 2011. En dépit des craintes formulées cette année-là par les partenaires occidentaux du Cameroun tels que les Etats-Unis et même la France, les élections se sont tenues et Paul Biya les a remporté haut la main à près de 80 %. Mais force est de constater que depuis l’entame de cet énième mandat, il semble régner comme une ambiance de fin de règne. Les récentes révélations du journal français Le Monde sur l’état de santé de Paul et Chantal Biya en sont une parfaite illustration. Bien avant cela,  il y a eu l’affaire de la disparition mystérieuse de l’opposant en exil Guerandi Mbara rapportée par  le magazine panafricain Jeune Afrique, le rapport d’International Crisis Group d’août 2014 publié au plus fort de la guerre contre Boko Haram à l’Extrême-Nord et qui suggérait à Paul Biya de ne pas se représenter en 2018, etc.
Depuis octobre 2011, le landerneau politique est davantage agité par des vents venus de l’intérieur : les lettres et interviewes explosives de Marafa Hamidou Yaya, l’affaire des 100 milliards des titres du Trésor impliquant Franck Biya, le fils du chef de l’Etat, les nombreux assauts du CODE (association des Camerounais de la diaspora) contre Paul Biya en décembre 2013 à Paris et tout récemment encore en Suisse, etc.  
Et à chacune de ces occasions,  le pouvoir camerounais et ses courtisans zélés sont toujours montés au créneau pour crier  aux manœuvres de déstabilisation ourdies de l’extérieur par les « ennemis de nation », au complot contre les institutions, contre le chef de l’Etat et son épouse. Cette paranoïa de la déstabilisation que manifestent les soutiens de Paul Biya remonte aux années avant la présidentielle de 2011. Alors que les puissances occidentales exprimaient leurs oppositions quant à la candidature de Paul Biya à cette élection, le pouvoir en place leur répondait que le Cameroun est jaloux de sa souveraineté et criait aux manœuvres  de déstabilisation.
Forfaiture constitutionnelle
Seulement, en serions-nous à toutes ces complaintes si Paul Biya ne s’était pas représenté à la présidentielle de 2011 et avait passé la main ? le porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary multiplierait-il autant de points de presse pour répondre aux articles de Jeune Afrique et de Le Monde sur le Cameroun si l’article 6 (2) de la Constitution du 18 janvier 1996 avait été maintenu en l’état en 2008 ? N’a-t-on d’ailleurs pas coutume de dire que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ? Si la loi fondamentale avait été respectée, nul doute que Paul Biya serait sorti par la grande porte et le Cameroun à son tour en serait sorti démocratiquement grandi. Le président camerounais serait alors ce sage retiré dans sa résidence de Mvomeka’a (son village au sud) vers lequel les nouveaux dirigeants viendraient prendre conseil pour la bonne marche du pays.
Malheureusement, la cécité et surdi-mutité politiques des dirigeants camerounais  ont pris le dessus. Cette cécité et surdi-mutité politiques ont empêché Paul Biya et tous ceux qui l’entourent de constater deux choses. D’un, que l’article 6 (2) de la Constitution du 18 janvier 1996 modifié en 2008 est le fruit des accords de la Tripartite (pouvoir-opposition-société civile),  une espèce de contrat social à la camerounaise paraphé en 1991 pour sortir de la crise sociale relative aux revendications de la démocratie qui a secoué le Cameroun à cette époque. De deux, que la révision de l’article 6 (2) s’inscrivait en violation de cette même loi fondamentale, notamment en son article 64 qui disposait de façon claire que « aucune procédure de révision (constitutionnelle, ndlr) ne peut être retenue si elle porte atteinte à la forme républicaine, à l’unité et à l’intégrité territoriale et AUX PRINCIPES DEMOCRATIQUES… ». Et l’un des principes démocratiques en cause ici c’est bien entendu l’alternance au pouvoir.
C’est sans doute conscient de ce coup tordu que le pouvoir a cru bon de supprimer le terme « et aux principes démocratiques» de cet article 64 dans la version modifiée de la loi fondamentale. Sans doute craignait-il que le Conseil constitutionnel qui sera bientôt mis en place ne s’y penche. Que les autorités camerounaises se plaignent aujourd’hui de supposés « velléités de déstabilisation » venues de l’extérieur ne peut que surprendre quand on sait ce que c’est par effraction qu’elles ont bénéficié du mandat en cours. Elles n’ont donc qu’à s’en prendre non pas à l’Occident qui leur crie tout le temps dessus, ni à sa presse, mais à elles-mêmes. Pour que les journalistes de Le Monde ou de Jeune Afrique se mêlent de moins en moins des affaires du Cameroun, le pouvoir de Yaoundé sait très bien ce qui lui reste à faire. Il en a encore jusqu’à 2018 pour se rattraper, pour écouter enfin la voix de la raison, comme le lui suggérait fort à propos les analyses de International crisis group.
 Michel Biem Tong
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